Le miel est un aliment ancien, souvent considéré comme un produit aux propriétés quasi éternelles. Grâce à sa capacité unique de conservation pendant des années, voire des décennies, il suscite une question intéressante : le miel peut-il se gâter ? Bien que ce produit naturel semble résister à l’épreuve du temps, sa composition complexe et les conditions de stockage influencent sa transformation.
Une composition chimique héritée des abeilles
Le miel doit sa durabilité à des substances spécifiques qui proviennent directement des abeilles et du processus par lequel elles transforment le nectar en miel. Il existe plus de 300 types de miel produits par plus de 20 000 espèces d’abeilles. Comme l’explique Kantha Shelke, chercheur en sciences alimentaires à l’université Johns-Hopkins, la composition du miel dépend principalement du type d’abeilles et des fleurs qu’elles butinent.
Le processus de fabrication du miel est fascinant : les abeilles récoltent le nectar des fleurs, puis le transforment en sucres simples, principalement du glucose et du fructose. En plus de ces sucres, le miel contient de nombreux autres composés, tels que des enzymes, des minéraux, des vitamines et des acides organiques. Le miel renferme également des flavonoïdes et des composés phénoliques aux propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes, conférant à cet aliment des vertus médicinales reconnues.
Pourquoi le miel résiste-t-il si bien à l’altération ?
L’une des caractéristiques qui permettent au miel de résister à la détérioration est sa forte teneur en sucre, ce qui le rend « hygroscopique ». Cela signifie qu’il peut absorber l’humidité de l’environnement ou même des cellules microbiennes proches, empêchant ainsi le développement des microbes. De plus, la faible teneur en eau libre du miel crée un environnement hostile pour les micro-organismes.
Lors de la production de miel, les abeilles régurgitent le nectar qu’elles ont transformé et le passent entre elles jusqu’à ce qu’il soit suffisamment concentré. Durant ce processus, des enzymes transforment le glucose en acide gluconique et en peroxyde d’hydrogène, deux composés qui jouent un rôle crucial dans la conservation du miel. L’acide gluconique rend le miel acide, avec un pH plus bas que celui du café, une acidité que la plupart des microbes ne peuvent tolérer. Quant au peroxyde d’hydrogène, il empêche la formation de biofilms bactériens, un mécanisme souvent utilisé par les microbes pour s’accrocher aux surfaces.
Tous ces éléments chimiques, combinés, créent un environnement hostile à la prolifération microbienne, ce qui explique pourquoi le miel peut être conservé si longtemps sans se gâter. Mais si le miel ne s’altère pas en tant que tel, il peut subir plusieurs transformations au fil du temps. Selon Shelke, ces changements sont dus à des processus naturels tels que la cristallisation, l’oxydation, la fermentation et la chaleur. Ces modifications peuvent affecter l’apparence, le goût, la texture et les propriétés nutritionnelles du miel.
Des transformations au fil du temps
L’un des phénomènes chimiques qui peuvent survenir dans le miel est la réaction de Maillard, bien connue pour son rôle dans la caramélisation du sucre. Sous l’effet de la chaleur ou d’un long stockage, cette réaction peut générer du 5-hydroxyméthylfurfural (HMF), un composé potentiellement toxique. Présent dans d’autres aliments transformés, comme les céréales et les fruits secs, le HMF reste une source de débat scientifique, certains suggérant qu’il pourrait avoir des effets cancérigènes, tandis que d’autres lui attribuent des propriétés anti-allergiques.
Le Codex Alimentarius fixe une limite de sécurité de 40 mg/kg de HMF dans les produits à base de miel. Cependant, cette limite peut varier selon les types de miel. Par exemple, le miel de tournesol atteint ce seuil après 18 mois de stockage, tandis que le miel d’acacia prend environ cinq ans pour atteindre des niveaux similaires.
Outre les changements chimiques, le miel peut aussi se cristalliser lorsque sa teneur en sucre devient trop élevée pour rester en solution, ce qui peut se produire s’il est conservé dans un environnement trop froid ou trop sec. En revanche, lorsque le miel est stocké à température ambiante, environ 24 °C, ses propriétés sont mieux préservées, selon une étude.
Shelke note que le miel brut, qui n’est pas pasteurisé et contient donc encore toutes ses enzymes et composés bénéfiques, peut durer presque indéfiniment s’il est conservé dans un récipient hermétique. Le miel pasteurisé, bien que toujours durable, est plus sensible aux contaminations microbiennes s’il n’est pas correctement scellé, car il a perdu une partie de ses composés antimicrobiens lors du processus de pasteurisation.
Toutefois, le miel peut présenter un danger potentiel pour les nourrissons. Il peut contenir des spores de Clostridium botulinum, une bactérie capable de provoquer le botulisme infantile, une maladie rare mais potentiellement mortelle. Bien que ces spores soient inoffensives pour les adultes grâce à leur système digestif mature, elles peuvent se développer et libérer des toxines dans l’intestin des bébés. Par ailleurs, voici 7 aliments qui sont réputés pour ne (presque) pas périmer.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Live Science