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Ces chercheurs ont créé une prothèse permettant à des méduses de se déplacer 2,8 fois plus vite

Ces recherches permettront peut-être une toute nouvelle forme d'exploration des océans

— vel Ox/ Shutterstock.com

Des ingénieurs américains ont récemment conçu avec succès une prothèse dont l’objectif est de stimuler le mouvement des méduses de façon électronique, et ce, sans les fatiguer ni leur faire de mal. Cette nouvelle invention pourrait être un outil primordial dans l’exploration des océans à travers le globe. Cette grande avancée biotechnologique a été décrite dans la revue Science Advances.

LE MÉCANISME DE PROPULSION DES MÉDUSES

Comme nous le savons, les méduses se trouvent dans la majorité des eaux de la planète et à des profondeurs variées. On les reconnait instantanément, avec leurs tentacules et leur ombrelle remplie de gelée, partie qu’on appelle la mésoglée, qui leur permet une bonne flottabilité et les empêche de couler. Leur corps mou, enserré par un anneau musculaire, est également très reconnaissable : en se contractant, il permet à la méduse de se propulser dans l’eau afin qu’elle se déplace et attrape des proies. 

Ce mécanisme de propulsion a fortement intéressé les chercheurs des universités de Stanford et de Caltech, qui l’ont transformé en sujet d’étude, ce que l’on voit décrit dans la revue Science Advances. À l’issue de cette étude, ces ingénieurs ont mis au point un appareil électronique permettant d’accélérer la vitesse de mobilité des méduses Aurelia aurita, des méduses-lune (celles qui ont été testées). La vitesse d’origine des méduses est de deux centimètres par seconde, mais grâce au dispositif elle a été multipliée par 2,8 en laboratoire. Voici comment a fonctionné l’expérience : les scientifiques ont implanté deux électrodes dans la mésoglée : des impulsions électriques sont envoyées dans l’anneau musculaire de la méduse. « La nouvelle prothèse utilise des impulsions électriques pour réguler et accélérer la pulsion, comme le fait un stimulateur cardiaque pour réguler le rythme cardiaque« , déclare le communiqué de Caltech. Aidées de ce dispositif, les méduses ont parcouru 4 à 6 centimètres en une seconde au lieu des deux originelles.

LE DISPOSITIF ÉLECTRIQUE DES CHERCHEURS


Les taux de consommation d’oxygène ont fait l’objet d’une surveillance intense de la part des chercheurs, à la fois dans les tissus des méduses et dans l’eau environnant les méduses, et ce, durant toute la durée de leur voyage, ceux-ci étant différents lors de la stimulation électrique et en l’absence de stimulation électrique. Les scientifiques de Stanford et Caltech ont donc observé que la consommation d’oxygène avait augmenté par deux lors des stimulations électriques de 0,25 Hz et 0,50 Hz par rapport à la valeur de référence (0 Hz, donc en l’absence de stimulation). Ils ont donc établi que la vitesse de pointe des méduses avait augmenté de 2,8 fois par rapport à la valeur normale, alors qu’elles ne dépensent seulement que deux fois plus d’énergie. « Nous avons montré qu’elles sont capables de se déplacer beaucoup plus vite que d’habitude, sans que leur métabolisme n’en souffre. Cela révèle que les méduses possèdent une capacité inexploitée à nager plus vite et plus efficacement”, estiment John Dabiri et Nicole Xu, à l’origine de cette expérience. 

Il existe déjà des robots mécaniques dont le but est d’imiter le mouvement de propulsion des poissons et des méduses, tout en bénéficiant des avantages que procurent les matériaux artificiels, qui sont généralement connectés à des alimentations électriques externes, et qui consomment de fait plus d’énergie que les animaux. Les méduses semblent donc avoir de nombreux atouts que n’ont pas ces intelligences artificielles, en premier lieu parce qu’il est possible de s’appuyer sur le métabolisme de ces animaux pour réduire les besoins en énergie, d’autant plus que l’on peut tirer parti de l’énergie mécanique incroyable de leur anneau musculaire, qu’il suffit tout simplement de stimuler. Intégrer des électrodes dans des organismes vivants a permis aux chercheurs de créer ce qu’ils appellent “un robot biohybride” dont l’efficacité est 10 à 1000 fois plus grande sur le plan énergétique, par rapport aux robots “non vivants” déjà existants. Cela pourrait donc être un outil formidable dans le cadre de l’exploration des océans. « Seuls cinq à dix pourcents du volume de l’océan ont été explorés, nous voulons donc profiter du fait que les méduses sont déjà partout pour faire un bond en avant par rapport aux mesures prises à bord des navires, dont le nombre est limité en raison de leur coût élevé« , déclarent les chercheurs. 

ET L’ÉTHIQUE DANS TOUT ÇA ?


Ce procédé nous amène à nous poser des questions d’éthique. En effet, les méduses-lune ayant été testées auraient pu être blessées par ce genre d’expérience. Heureusement, dans une annexe, les scientifiques précisent que les méduses sont des « animaux invertébrés sans système nerveux central ou nocicepteurs (récepteur sensoriel de la douleur) déclarés ». Elles n’ont pas non plus de cerveau. Toutefois, ils ont quand même « pris des mesures » pour s’assurer « qu’aucun dommage tissulaire inutile ne se produise lors des expériences ». Ils connaissaient l’unique réaction possible à un stress vécu par des méduses : il s’agit de la production de mucus, et les chercheurs assurent que l’utilisation de ces électrodes n’en a produit aucun. Cela étant dit, les méduses restent des organismes vivants, et contrôler même de façon minime leurs mouvements ne semble pas forcément très responsable éthiquement parlant.

D’un autre côté, utiliser les méduses semble être une façon très propre et écologique d’en découvrir plus sur les mers et océans. Les méduses sont en effet présentes sur Terre depuis 500 millions d’années, et sont beaucoup moins énergivores et polluantes que des sous-marins ou des drones par exemple. 


N’oublions pas que les méduses ont des milieux naturels très divers, on les trouve donc dans des eaux de différentes salinités, de différentes températures, de différentes profondeurs. Pour cette raison, John Dabiri et Nicole Xu nourrissent de grands espoirs : « Si nous pouvions trouver un moyen de diriger ces méduses et de les équiper de capteurs pour surveiller des paramètres comme la température de l’océan, la salinité, les niveaux d’oxygène, etc., nous pourrions créer un véritable réseau océanique mondial dans lequel chacun des robots-méduses coûterait quelques dollars à instrumenter et se nourrirait de l’énergie des proies déjà dans l’océan. »

Par Jeanne Gosselin, le

Source: Sciences et Avenir

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