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C’est une victoire inattendue pour Martine Landry, militante d’Amnesty International et de l’Anafé, jugée pour avoir porté secours à des mineurs migrants à la frontière entre la France et l’Italie. Alors que son procès pour « délit de solidarité » aurait dû se tenir mercredi, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a décidé de se désister de son appel à l’encontre de Mme Landry.

Jugée pour avoir porté secours à de jeunes migrants

L’histoire judiciaire de Martine Landry commence en 2017. À cette époque, deux mineurs isolés sont renvoyés par la police italienne à la frontière française. Martine Landry, militante de longue date d’Amnesty International et de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), les attend côté français de la frontière. Elle les emmène à pied à la police des frontières, puis à l’aide sociale à l’enfance.

Toutefois, ce simple geste d’humanité a un prix : à peine un mois plus tard, elle est convoquée au tribunal correctionnel de Nice, afin d’y être jugée pour « avoir facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière […], en ayant pris en charge et convoyé pédestrement ces deux mineurs du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France ». Mais l’affaire est renvoyée 3 fois : en effet, le 8 janvier 2018, date de la première audience, Mme Landry se rend au tribunal, où le parquet renvoie le dossier, pour avoir le temps de mener à bien quelques vérifications. Le 14 février, un nouveau renvoi est demandé par la procureure qui « n’a pas eu toutes les réponses« . Le procès, qui devait se tenir le 11 avril, est repoussé au 30 mai suite à une grève des avocats et magistrats. Le jour dit, le parquet réclame la relaxe de Martine Landry, relaxe confirmée par une audience le 13 juillet. Mais, coup de théâtre, le procureur général d’Aix-en-Provence annonce son intention de faire appel de la décision. Mme Landry aurait donc dû être jugée ce mercredi 8 juillet 2020. Finalement, le parquet général d’Aix-en-Provence s’est désisté, à son tour, du dossier.

La reconnaissance d’un « principe de fraternité » face au « délit de solidarité »

« Il n’y a pas d’infraction. Ma cliente a accueilli ces jeunes une fois qu’ils avaient franchi la frontière, mais ne les a pas accompagnés d’Italie jusqu’en France. Elle se trouvait derrière le panneau “France” », affirmait l’avocate de Martine Landry, Me Mireille Damiano, lors de la première relaxe en 2018. En effet, le tribunal estimait dans son jugement que « la preuve de la matérialité du franchissement de la frontière » par la septuagénaire n’a « pas été apportée« .

Cette histoire vient illustrer ce que certains appellent le « délit de solidarité ». Il s’agit d’un terme qui n’a aucune valeur juridiquement, mais l’expression est utilisée pour dénoncer les poursuites et condamnations dont font l’objet les personnes qui viennent en aide aux migrants. En effet, en France, la loi réprime l’entrée, le séjour et la circulation des personnes étrangères en situation irrégulière. Toutefois, la loi prévoit une possibilité d’aide aux personnes sous 2 conditions : si la personne a fourni des conseils juridiques, des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux pour assurer des conditions de vie dignes et décentes ou si elle a fourni toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique et, si son aide n’a pas donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. Les contours de la loi sont donc flous.

Cette affaire rappelle celle de Cédric Herrou, agriculteur qui avait été condamné pour les mêmes faits, puis finalement relaxé, au terme d’une longue bataille judiciaire. Suite à sa condamnation, il avait fait appel au Conseil constitutionnel, garant de la Constitution, qui avait consacré le principe de fraternité, principe à valeur constitutionnelle.

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