Une équipe de chercheurs dirigée par l’université de Genève s’est appuyée sur les descriptions d’éclipses lunaires consignées dans des manuscrits du XIIe et XIIIe siècle afin de dater précisément des évènements volcaniques médiévaux.
Des témoignages précieux
Partant de l’idée que ce qui se passait sur Terre se reflétait dans le ciel, les moines médiévaux s’intéressaient de près aux comètes, météores et autres éclipses. Si la position des étoiles et la course des planètes s’avèrait prévisible, les éclipses semblaient perturber cette régularité, amenant les sociétés anciennes à croire que quelque chose de terrible était sur le point de se produire, comme la mort d’un roi, une épidémie ou une famine.
Il n’est donc pas étonnant que les moines, lorsqu’ils rédigeaient les annales et les chroniques de l’époque, aient pris soin de consigner de tels événements. Outre leur valeur historique, de tels documents s’avèrent également précieux pour les scientifiques. Par exemple, nous connaissons le jour exact où la supernova à l’origine de la nébuleuse du Crabe s’est produite parce que des astronomes chinois ont documenté l’apparition soudaine d’une « étoile invitée » le 4 juillet 1054.
Dans le cadre de travaux publiés dans la revue Nature, Sébastien Guillet et ses collègues ont épluché des chroniques médiévales découvertes en Europe, au Moyen-Orient et au Japon, afin d’identifier des références à des éclipses lunaires totales entre 1100 et 1300 de notre ère.
Une éclipse lunaire totale se produit lorsque le Soleil, la Terre et la Lune sont suffisamment bien alignés pour que cette dernière disparaisse entièrement dans l’ombre de notre planète. Résultat de la réfraction et de la diffusion du rayonnement solaire par l’atmosphère terrestre, la Lune se pare d’une teinte rouge sang inquiétante. Décrits à des dizaines de reprises dans les manuscrits étudiés, de tels « spectacles » ont permis d’éclairer le passé volcanique de la Terre.
Cinq évènements exceptionnellement sombres mis en évidence
La couleur d’une éclipse lunaire s’avère étroitement liée à la quantité de poussière atmosphérique, pouvant rendre la Lune invisible lorsqu’elle est suffisamment épaisse. Sur les 51 éclipses lunaires totales enregistrées au cours de la période de 200 ans, cinq se révélaient exceptionnellement sombres, ce qui indiquait des concentrations élevées de matériau volcanique dans l’atmosphère terrestre.
Les dates précises des éclipses étant connues, il a été possible d’utiliser ces événements pour établir celles des éruptions majeures en étant à l’origine et les localiser. Probablement responsable d’une baisse des températures mondiales et d’une modification des schémas de précipitations, l’assombrissement engendré aurait entraîné de mauvaises récoltes et des épidémies.
« Nous ne connaissions ces éruptions que parce qu’elles avaient laissé des traces dans la glace de l’Antarctique et du Groenland », souligne Clive Oppenheimer, chercheur à l’université de Cambridge et co-auteur de la nouvelle étude. « En rassemblant les informations provenant des carottes de glace et les descriptions des textes médiévaux, nous pouvons maintenant mieux estimer quand et où certains des évènements volcaniques les plus importants de cette période se sont produits. »
Par Yann Contegat, le
Source: New Atlas
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