De plus en plus dans notre société, le tourisme prend une place importante. Même les endroits les plus reculés de la planète sont exploités afin d’attirer des touristes et de faire du profit. Une étude récente révèle que le peuple Maasaï se voit déposséder de ses terres à des fins touristiques.
Le peuple semi-nomade chassé de ses terres ancestrales
Les Maasaïs (ou Massaïs en français) sont une population semi-nomade d’éleveurs et de guerriers d’Afrique de l’est. On les retrouve essentiellement dans le centre et le sud-ouest du Kenya et au nord de la Tanzanie. Ce peuple est surtout connu car il vit sur des terres riches sur le plan de la faune sauvage. Une partie de cette population vit d’ailleurs dans le parc national du Serengeti (région très prisée pour les safaris). Dans un rapport publié par l’Oakland Institute, on apprend que le gouvernement tanzanien tente de s’approprier leurs terres ancestrales en les intimidant. Plusieurs sociétés de tourisme étrangères sont également impliquées. Le constat est dramatique : les Maasaïs ont besoin de ces terres pour cultiver et faire de l’élevage et ils les occupent depuis des générations.
C’est donc sous une pression certaine que ces éleveurs semi-nomades cèdent progressivement leur place au profit des touristes et des chasseurs. Le Oakland Institute révèle ainsi qu’au fil des ans, des dizaines de milliers de Maasaïs se retrouvent sans abri, au nom de la préservation des écosystèmes. Le gouvernement tanzanien, en cédant les terrains à de nouveaux propriétaires ou en créant des zones « protégées », aurait poussé les Maasaïs vers des parcelles de plus en plus petites où la culture et l’élevage de bétails deviennent impossibles. Le résultat est terrible : les maladies et la famine se répandent au sein de cette peuplade. Ces derniers dénoncent également « de la violence et des intimidations » de la part des policiers. Hélas, le gouvernement n’est pas l’unique responsable.
Faire de la place pour les touristes et les chasseurs
Le rapport affirme également que plusieurs entreprises de tourisme étrangères sont mêlées à tout cela. Des entreprises de safaris opérant dans le pays participent aux intimidations. La publication cite essentiellement deux entreprises, qui ont un impact dévastateur sur la vie et les moyens de subsistance des Maasaïs. Sont pointées du doigt Tanzania Conservation Limited (TCL) et Ortello Business Corporation (OBC). La première est une firme spécialisée dans l’écotourisme et est la propriété de Thomson Safaris, des voyagistes américains. D’après les Maasaïs, la compagnie coopère avec la police locale pour faire interdire aux villageois l’accès à l’eau et aux terres. Le rapport souligne notamment que les policiers battent et arrêtent les autochtones.
Quant à Ortello Business Corporation, il s’agit d’une entreprise contrôlée depuis les Emirats Arabes Unis et qui organise des excursions de chasse pour la famille royale du pays et leurs invités. La société existe depuis 25 ans… Soit un quart de siècle à repousser et expulser violemment les Maasaïs lors de parties de chasse réservées. Le rapport fait état de nombreuses maisons brûlées et du massacre de milliers d’animaux rares. Même si depuis l’an dernier, le ministère des Ressources naturelles de Tanzanie a annulé leur licence, la compagnie reste active dans la région. Les villageois vivent ainsi avec la peur constante d’être expulsés.
Des pratiques qui détruisent le territoire
Anuradha Mittal, la directrice de l’Oakland Institute déplore tous ces agissements. « Alors que le tourisme devient l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie tanzanienne, les safaris et les parcs à gibier font des ravages sur les vies et les moyens de subsistance des Maasaïs ». Elle rajoute d’ailleurs que cela concerne aujourd’hui énormément de territoires dans le monde et plusieurs peuples. « Il ne s’agit pas seulement d’une région spécifique, c’est une réalité qui est trop familière aux communautés autochtones du monde entier. Dans trop d’endroits, les gouvernements, les sociétés et même de grands groupes de conservation s’entendent au nom de la conservation, non seulement pour chasser les autochtones de leurs terres, mais aussi pour les forcer à disparaître ». Des révélations terribles qui font froid dans le dos et donnent à réfléchir…
A vrai dire, depuis les années 50 et l’adoption de lois sur la « conservation » des terres et de la faune dans le nord de la Tanzanie, les Maasaïs sont chassés de leurs terres ancestrales. Depuis lors, de nouvelles lois ont été adoptées pour réduire les droits de pâturage pour les bétails et les droits de cultiver les terres. Tout cela a aboutit à des famines généralisées. Elizabeth Fraser, analyste politique pour l’Oakland Institute, se montre très critique vis-à-vis de ces exactions. « Le gouvernement tanzanien affirme que ces lois ont été créées pour protéger et conserver les écosystèmes, mais cela permet ensuite à des entreprises comme OBC de construire une piste d’atterrissage privée sur le même terrain. » Pour elle, la conclusion est évidente : « Ce n’est pas de la conservation, c’est de la destruction complète ».
Dans des buts de profits clairement affichés ou sous couvert de considérations écologiques, des peuples se voient chassés de leurs terres et de leurs habitats ancestraux. Le cas des Maasaïs est loin d’être isolé mais il symbolise bien le cynisme froid d’une société moderne qui voit dans ces peuples autochtones des obstacles qu’il faut éliminer tout simplement.
Par Thomas Le Moing, le
Source: Sciences et avenir
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