Origine interstellaire, composition atypique, soupçons extraterrestres… La comète 3I/ATLAS, troisième objet interstellaire connu, fait tourner les têtes. Mais que disent vraiment les scientifiques ?

Une voyageuse interstellaire qui ne ressemble à aucune autre
Découverte le 1er juillet 2025 depuis le Chili par le télescope ATLAS, la comète 3I/ATLAS file actuellement à plus de 210 000 km/h dans notre Système solaire. Elle vient tout juste de passer son périhélie, c’est-à-dire le point où elle est la plus proche du Soleil.
Mais ce qui captive les astronomes, c’est surtout son origine interstellaire. En clair, cette comète ne provient ni du nuage d’Oort ni de la ceinture de Kuiper, mais d’un autre système stellaire. Le « I » de son nom signifie « Interstellar », et son chiffre 3 indique qu’elle est seulement le troisième objet interstellaire jamais observé, après Oumuamua en 2017 et Borisov en 2019.
Pour Nicolas Biver, astrophysicien à l’Observatoire de Paris, cette origine lointaine permet de remonter aux conditions de formation de systèmes planétaires différents du nôtre. « Elle a probablement parcouru des millions d’années-lumière avant de nous atteindre », explique-t-il.
Un panache de nickel visible à des milliards de kilomètres
Ce qui surprend aussi les scientifiques, c’est la composition du panache gazeux de la comète. Dès l’été 2025, alors que 3I/ATLAS se trouvait à près de 580 millions de kilomètres du Soleil, des observations ont détecté de la vapeur de nickel autour d’elle. Une présence très inhabituelle à cette distance, où les températures sont normalement trop basses pour permettre la sublimation des métaux.
Or, cette détection indique que la comète contient une quantité exceptionnelle de composés métalliques, suffisamment concentrés pour que certains deviennent gazeux bien plus tôt que prévu. Nicolas Biver précise : « Les composés n’apparaissent pas toujours en même temps. Leur activation évolue avec l’approche du Soleil. »
Les scientifiques espèrent que de nouvelles observations permettront d’étudier les rapports isotopiques des éléments chimiques — une façon de déterminer si la comète provient d’une zone de la galaxie où la chimie est sensiblement différente de celle de notre propre Système solaire.
Une hypothèse extraterrestre relancée… par les mêmes figures controversées
Comme pour Oumuamua, les hypothèses extraterrestres n’ont pas tardé à réapparaître. Dès juillet, Avi Loeb, astrophysicien de Harvard connu pour ses thèses audacieuses, a proposé dans un article non validé par ses pairs que 3I/ATLAS pourrait être une technologie d’origine alien.
Interrogé sur YouTube ou dans les médias américains, il continue de défendre cette idée malgré les critiques de la communauté scientifique. Le consensus reste très clair : 3I/ATLAS est une comète naturelle, même si atypique.
Tom Statler, planétologue à la NASA, est formel : « Les preuves indiquent de manière écrasante qu’il s’agit d’une comète naturelle. »
Pour Nicolas Biver, ces hypothèses relèvent surtout de la posture médiatique. « Ce sont toujours les mêmes noms, qui veulent profiter du buzz. Ils ne font pas partie de ceux qui observent régulièrement des comètes. » Quant à Sébastien Beaucourt, médiateur scientifique au Planétarium de Reims, il rappelle que ce type de discours attire les projecteurs, mais n’apporte aucune donnée nouvelle.
Une vraie mission scientifique, entre mystère cosmique et rigueur observatoire
Malgré le bruit, les scientifiques continuent leur travail. Le passage périhélique de 3I/ATLAS devrait permettre de préciser la composition de ses gaz et poussières, et peut-être d’en apprendre davantage sur la formation de systèmes planétaires extragalactiques.
Car l’intérêt de cette comète est bien réel : c’est une capsule venue d’ailleurs, préservée pendant des milliards d’années. Et si elle fascine autant, c’est parce qu’elle nous parle de ce qu’était le cosmos bien avant la naissance du Soleil.
Par Eric Rafidiarimanana, le