Alors que le télescope spatial James-Webb (JWST) vient de corroborer les mesures de son prédécesseur, le télescope Hubble, concernant le taux d’expansion de l’Univers, le mystère s’intensifie plutôt que de se dissiper. Cette nouvelle validation soulève plus de questions que de réponses dans le domaine de la cosmologie, notamment autour du phénomène connu sous le nom de « tension de Hubble ».
Les deux faces de la mesure de l’expansion
L’Univers est en expansion, mais à quelle vitesse ? C’est une question qui taraude les cosmologistes depuis des décennies, car ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une valeur précise pour la constante de Hubble, ou H0, qui mesure le taux d’expansion de l’Univers observable.
Deux principales méthodes sont en concurrence pour mesurer la constante de Hubble. La première s’appuie sur des reliques du début de l’Univers, comme la lumière du fond diffus cosmologique ou les ondes acoustiques baryoniques. La seconde utilise des marqueurs cosmiques spécifiques, comme les supernovae de type Ia ou les étoiles variables céphéides, pour établir des distances dans l’Univers.
Le problème est que ces deux méthodes ne donnent pas le même résultat. La première tend à donner un taux d’expansion d’environ 73 kilomètres par seconde par mégaparsec, tandis que la seconde donne un taux d’environ 67 kilomètres par seconde par mégaparsec. Ces variations pourraient sembler minimes, mais elles sont suffisamment significatives pour créer ce que les astronomes appellent la « tension de Hubble ».
L’éclairage de Hubble
Depuis des années, le télescope spatial Hubble a été la source privilégiée pour la collecte de données sur les étoiles variables céphéides. « Leur capacité à servir de marqueurs de distance est cruciale, mais leur identification est difficile en raison de la congestion stellaire », souligne Adam Riess, un expert en astrophysique au Space Telescope Science Institute (STScI) et à l’université Johns-Hopkins.
Le télescope spatial Hubble a été créé en partie pour résoudre ce problème. Parce qu’il est situé au-dessus de l’atmosphère terrestre, Hubble a une résolution en longueur d’onde visible supérieure à celle de n’importe quel télescope terrestre. Il est ainsi capable de repérer des variables céphéides spécifiques dans des galaxies situées à plus de 100 millions d’années-lumière et de déterminer la durée de leurs changements de luminosité.
Mais Hubble a ses limites. Bien qu’il excelle dans l’observation en longueur d’onde visible, il n’est pas aussi efficace dans le spectre infrarouge proche. Ce dernier est essentiel pour réduire les interférences causées par la poussière cosmique. En somme, même si Hubble a été une ressource inestimable, des doutes subsistaient quant à l’exactitude de ses données.
Le télescope James-Webb sur le devant de la scène
Pour tenter de résoudre cette énigme, les astronomes ont utilisé le télescope spatial James-Webb (JWST), le successeur de Hubble (HST), qui a été lancé en décembre 2021. Le JWST est un puissant télescope infrarouge, capable de voir à travers la poussière qui obscurcit la lumière visible et de résoudre les étoiles individuelles dans les galaxies lointaines.
Conçu pour surpasser Hubble dans les observations infrarouges, le JWST avait la lourde tâche de résoudre ou du moins de clarifier la tension de Hubble. Adam Riess et son équipe ont orienté le JWST vers une série de 320 céphéides dans différentes galaxies. Ces nouvelles observations ont permis de réduire considérablement le « bruit » des données précédemment recueillies par Hubble.
Cependant, loin de résoudre le mystère, les données du JWST ont plutôt confirmé les mesures de Hubble. La possibilité d’erreurs systématiques majeures dans les données de Hubble est ainsi pratiquement éliminée, mais la question de la tension de Hubble reste sans réponse. Cela signifie que les données du HST sont fiables et que la valeur de H0 basée sur les céphéides est bien de 73 kilomètres par seconde par mégaparsec.
Orientations pour le futur de la cosmologie
La confirmation par le JWST des mesures de Hubble laisse la porte ouverte à d’autres théories, notamment celle de l’influence de l’énergie noire, une force inconnue qui semble exercer une pression négative accélérant l’expansion de l’Univers. « La concordance des données nous éloigne des erreurs systématiques, mais nous rapproche d’un mystère encore plus grand », conclut Adam Riess.
Les résultats, qui ajoutent une couche supplémentaire à cette énigme, ont été acceptés pour publication dans The Astrophysical Journal et sont également accessibles sur arXiv. À ce stade, la « tension de Hubble » demeure l’une des questions les plus fascinantes en cosmologie, incitant la communauté scientifique à repenser ses modèles et ses hypothèses.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
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