Censées aider l’Homme dans ses tâches quotidiennes et lui faciliter la vie, les machines pourraient même remplacer la compétence artistique, jusque-là réservée à leurs créateurs. SooCurious vous présente Aaron, le robot-peintre.

La littérature, la poésie ou la peinture, autant de domaines que l’on pensait réservés à l’Homme et à son intelligence. A son vécu et à son sens commun. Aaron, un programme informatique, est pourtant capable de concevoir de fabuleux dessins qu’un artiste lui-même ne renierait pas.

C’est un artiste britannique, Harold Cohen, qui a conçu Aaron. En se lançant dans cet extraordinaire projet, en 1968, ce peintre voulait créer un programme informatique capable « de faire ce que seul un humain talentueux aurait pu faire ». Dans le même temps, Mr Cohen doutait de sa vocation et s’imaginait concevoir un ensemble de règles qui lui auraient permis de peindre « presque sans y penser ». Quelques années plus tard, Aaron voyait le jour.

Harold Cohen, créateur d’Aaron : 

Le programme peut reconnaitre la forme des gens, des plantes en pot, des arbres et d’autres objets simples, comme des boîtes ou des tables. Rapidement, Aaron est devenu « un coloriste de classe mondiale », de l’aveu même de son créateur. Et si l’intelligence artificielle a momentanément travaillé avec une machine qui peignait ses créations, Mr Cohen a rapidement abandonné ce second dispositif, la faute aux observateurs de son travail, dont certains résumaient le travail d’Aaron à celui d’un robot, occultant totalement le processus créatif exceptionnel du logiciel. Désormais, le programme continue de concevoir les dessins des oeuvres, mais c’est son inventeur qui réalise la peinture.

Deux dessins imaginés par Aaron : 

Le travail d’Harold Cohen pose la question technologique – voire philosophique – de savoir si une machine est capable de créativité. Les ordinateurs, créations humaines codifiées, ne peuvent expérimenter les mêmes évènements ou les mêmes paysages que l’Homme. Ainsi, les grands peintres ont toujours réalisé leurs oeuvres à partir de leur propre vision des choses, mais aussi en fonction de leur vécu, de leur époque, de leur style. Comment, alors, un ordinateur pourrait-il faire preuve de créativité ?

C’est la question que se sont posée certains ingénieurs de Google Labs. Deux d’entre eux ont par exemple tenté de déterminer comment une intelligence artificielle visualisait les images. Ils se sont ainsi rendu compte qu’une telle machine pouvait créer ses propres peintures à partir d’images aléatoires, des images grises cryptées, à la manière de celles que l’on observe sur les vieux téléviseurs. Les résultats obtenus étaient surprenants : ils correspondaient à des visions hallucinatoires cauchemardesques. Certains les ont même comparés à l’art que pourrait produire un humain sous l’emprise de médicaments psychotropes, comme le LSD. D’autres encore ont comparé le travail de l’intelligence artificielle au type d’oeuvre que pouvait produire Vincent van Gogh, génie tourmenté au talent indéniable.

 

La Nuit étoilée, de Van Gogh : 

Selon Ben Harvey, un chercheur du département de psychologie de l’université de Coimbra, au Portugal, c’est sans doute parce que Google a recréé la vision du cerveau humain. Il ajoute d’ailleurs que « la classe des hallucinogènes, parmi lesquels on retrouve les champignons magiques, le LSD ou la mescaline, altère la perception ». Et si l’entreprise américaine a obtenu un résultat intéressant et constructif, ces résultats sont-ils pour autant une preuve qu’une machine est capable de créativité ?

Pour répondre à la question de la présence – ou non – d’une réelle créativité artificielle, le professeur Mark Riedl a eu l’idée d’un nouveau test. Ce chercheur de l’Institut de technologie de Géorgie, aux USA, propose de demander à une machine de confectionner un poème, une peinture ou une histoire convaincante. Il affirme d’ailleurs qu’« il n’y aucune raison théorique pour que les ordinateurs ne puissent effectuer de tâches créatives, mais il n’y a pas encore de modèle général de la créativité pour le vérifier ».

 

Mark Riedl : 

Mais Mark Riedl a peut-être identifié le principal problème à la créativité artificielle : le manque de données. Selon lui, « le monde réel est le plus grand ensemble de données. Les humains vivent dans un monde riche et complexe, et rencontrent beaucoup de choses. Nous voyons les arbres, les paysages, nous parlons, communiquons, faisons des blagues. Mais un ordinateur, lui, ne sait rien jusqu’à ce que nous lui fournissions des données. » Reste que même avec un immense catalogue, rempli de milliers de photos et de tableaux célèbres, les machines n’ont pas le potentiel créatif d’un homme. Seule solution avancée par le professeur Riedl : personnifier la machine, lui fournir une enveloppe physique. « Si nous pouvions les personnifier, les ordinateurs pourraient commencer à expérimenter le monde comme nous le faisons, même s’ils verraient certainement le monde différemment et créeraient peut-être différemment. »

Aaron repousse encore les limites des ordinateurs, qu’on pense trop souvent réservés à des tâches primaires. Mais les récentes avancées technologiques et les projets décalés, comme celui d’Aaron, dévoilent le potentiel incroyable des créations robotisées. Ils nous servent également d’avertissement quant aux extraordinaires capacités des machines que nous concevons : si un ordinateur peut créer, alors peut-être pourra-t-il un jour décider, et donc s’émanciper. Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à consulter celui sur une machine capable de peindre via le regard humain. Êtes-vous effrayé par le potentiel toujours plus grand des machines, et par leur intelligence ?

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