Souvent considérée comme brutale et néfaste pour la faune marine, la pêche électrique est aujourd’hui au centre des interrogations. Alors que cette technique était interdite depuis 1998, la Commission Européenne l’autorise partiellement depuis 2006, suite à la parution d’un rapport scientifique soi-disant favorable à son adoption. Mais l’investigation d’un collectif d’ONG risque de tout changer : l’auteur du fameux rapport, le Comité scientifique, technique et économique des pêches (CSTEP) était tout sensiblement opposé à la pêche électrique ! Un « scandale politique » qui pourrait bien tout changer…

 

Pêche électrique : une méthode brutale 

Si la pêche électrique fait tant débat, c’est qu’elle est à double tranchant : elle est certes très efficace en matière de productivité, mais également fatale à de nombreux organismes marins. Le principe est relativement simple : un chalutier fait passer un courant de 10 volts dans les chaines de ses filets qu’il traine dans les fonds marins. L’électricité qui s’accumule dans les profondeurs force certains poissons à sortir de leur tanière, ou plus précisément du sédiment (une couche de particules retombée dans les fonds marins). Ensuite, les navires n’ont plus qu’à les récupérer grâce à leurs engins de pêche.

Si les impulsions électriques en elles-mêmes ne tuent que rarement les poissons, les blessures qu’elles leur laissent peuvent causer des séquelles durables et sont parfois fatales aux embryons des jeunes animaux. D’autant que ce type de pêche est surtout employé pour récupérer les soles, et non les autres organismes marins malgré tout affectés par ce procédé. Ce « taser pour les soles », comme le qualifie l’association Robin des Bois, est donc néfaste pour tous les types de poissons. De ce fait, au même titre que la pêche à l’explosif ou au poison, la pêche électrique a été interdite en 1998 afin de préserver l’écosystème marin.

Un chalutier.

 

Une autorisation partielle il y a 12 ans… et un nouveau vote le 16 janvier

Mais en 2006, les autorités hollandaises saisissent la Commission Européenne à propos de la pêche électrique. Cette dernière demande l’avis consultatif du Comité scientifique, technique et économique des pêches (CSTEP), une institution chargée de conseiller l’Europe sur le sujet. Suite à la parution de leur rapport scientifique, la Commission Européenne autorise cinq bateaux hollandais à mener l’expérimentation de la pêche électrique. Mais au vu des résultats, ce ne sont plus 5 mais 80 chalutiers qui parcourent les eaux à la recherche de sédiments à électriser ! Et ce, sans autorisation supplémentaire de la part de la Commission.

12 ans plus tard, le Parlement Européen décide de répondre à cette infraction… en lançant un vote le 16 janvier prochain à propos d’une nouvelle proposition législative, destinée à autoriser 5 % de la flotte de chaque État membre à pratiquer la pêche électrique. Un vote qui s’attire la fureur de l’association Bloom, qui publie sur son site un véritable « scandale politique ».

Le Parlement Européen.

 

Un « scandale politique et financier »

23e rapport du CSTEP. Page 58. C’est à cet endroit exact que l’association Bloom trouve les conclusions de l’institution concernant la pêche électrique. Et elles sont bien loin de promouvoir cette méthode barbare… L’organe scientifique en charge des résultats, le Conseil international sur l’exploration de la mer (CIEM), dénonce son impact sur l’écosystème. Contrairement au Règlement européen du 21 décembre 2006 qui statue qu’il « convient d’autoriser » la pêche électrique, le CIEM prévient qu’il y a un « certain nombre de problèmes qui doivent être résolus avant que toute dérogation puisse être accordée ». L’organe conclut également que l’équipement blesse sans doute des espèces non ciblées, et que les morues par exemple, présentent des blessures répertoriées.

L’association Bloom, spécialisée dans la lutte pour la préservation des océans, dénonce donc avec ferveur le mensonge de la Commission Européenne. Signé par une dizaine d’ONG, le courrier demande à Karmenu Vella, le Commissaire européen à l’environnement, aux affaires maritimes et à la pêche, de renoncer à la pêche électrique. Une demande juste, compte tenu de cette dérangeante découverte. Quelle décision prendra le Parlement européen ce mardi 16 janvier 2018 ? Une question légitime posée après l’opposition à cette technique de 249 députés français, retranscrite dans une tribune publiée dans Le Monde.

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