Un matériau polycristallin bon marché et largement disponible pourrait enfin ouvrir la voie aux générateurs thermoélectriques commerciaux convertissant la chaleur résiduelle en électricité.
Minimiser une perte massive d’énergie
Lorsqu’une centrale électrique ou un véhicule thermique brûlent du charbon et de l’essence, la majeure partie de l’énergie chimique du carburant n’est pas convertie en électricité, mais en chaleur. Il n’est donc pas étonnant que les scientifiques cherchent à minimiser cette perte massive d’énergie, pouvant notamment être utilisée pour le chauffage pendant la saison froide ou pour générer de l’électricité dans une centrale électrique en chauffant l’eau pour produire la vapeur faisant tourner les turbines.
L’idéal serait cependant de pouvoir convertir directement la chaleur (mouvement non coordonné des particules d’un matériau) en électricité, plus polyvalente (onde de mouvement contrôlée des électrons). C’est là que la thermoélectricité entre en jeu. L’effet thermoélectrique se produit lorsque deux semi-conducteurs différents sont pris en sandwich entre des plaques métalliques, avec un côté chaud et l’autre froid. Un générateur thermoélectrique peut récolter l’énergie provenant de cette différence de température et la transformer en électricité.
Le sonde spatiale Voyager, qui a probablement franchi les limites du Système solaire après avoir visité les planètes les plus éloignées dans les années 1970, est toujours alimentée à ce jour par des dispositifs thermoélectriques générant de l’électricité à partir de la chaleur produite par un réacteur nucléaire au plutonium. Sachant que cette même énergie alimente les rovers Curiosity et Perseverance, actuellement déployés sur Mars.
Ce processus fonctionne également en sens inverse : lorsque l’électricité est appliquée, un semi-conducteur se réchauffe, tandis que l’autre reste froid et peut être utilisé pour abaisser la température. Le problème est que ces générateurs thermoélectriques sont soit extrêmement inefficaces, soit coûteux, ce qui les a réservés à des applications de niche comme l’aérospatiale. En outre, les matériaux utilisés contiennent généralement des éléments toxiques.
Des générateurs thermoélectriques performants et abordables
Lorsque deux matériaux de températures différentes sont en contact ou suffisamment proches, ils finissent par atteindre la même température. Lorsque cela se produit, l’effet thermoélectrique s’évanouit. Concevoir des semi-conducteurs ayant une faible conductivité thermique mais transportant néanmoins de l’électricité représente un important défi technique, auquel se sont attelés des physiciens de l’université nationale de Séoul et de l’université Northwestern.
Tout a commencé en 2016 lorsqu’une équipe de chercheurs dirigée par Mercouri Kanatzidis a imaginé un générateur thermoélectrique utilisant des poudres d’étain et de sélénium (deux matériaux facilement disponibles et bon marché). À l’époque, l’équipe était parvenue à les transformer en grains de séléniure d’étain polycristallin pouvant être comprimés en lingots fins ne dépassant pas 3 centimètres de long, ce qui les rendait idéaux pour une telle application.
Alors qu’ils s’attendaient à ce que les interstices entre les grains ralentissent le transfert de chaleur, les chercheurs avaient constaté que la conductivité thermique était extrêmement élevée, ce qui en faisait un très mauvais générateur thermoélectrique. Des expériences ultérieures avaient finalement montré qu’un film ultrafin d’oxyde d’étain s’était formé autour des grains polycristallins avant leur pressage sous forme de lingots, et permettait à la chaleur de passer très rapidement de grain en grain.
Un nouveau procédé prometteur
Dans leur nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Materials, Kanatzidis et ses collègues ont mis au point un procédé permettant d’expulser tout oxygène des précurseurs d’étain et de sélénium, ne laissant derrière lui que du séléniure d’étain polycristallin pur. Celui-ci s’est avéré efficace, multipliant presque par trois l’efficacité thermoélectrique du matériau polycristallin. Toutefois, un dispositif thermoélectrique pleinement opérationnel nécessitera des innovations supplémentaires.
Le séléniure d’étain ne conduisant que les charges positives, un antagoniste de type n (qui conduit les charges négatives) sera nécessaire pour compléter le circuit. Heureusement, des scientifiques de l’université Beihang (Chine) ont récemment démontré l’existence d’un homologue monocristallin de type n en séléniure d’étain. Si les deux s’avéraient correspondre, les applications commerciales pour l’adoption à grande échelle des générateurs thermoélectriques pourraient être à portée de main.
Par Yann Contegat, le
Source: ZME Science
Étiquettes: électricité, chaleur, thermoelectricite, générateur thermoélectrique, énergie
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