Un apiculteur du Haut-Rhin utilise une technique inédite pour lutter contre le fléau des frelons asiatiques : il les transforme en espions involontaires, avant d’envoyer un drone pour détruire leurs nids.

Pourquoi les frelons asiatiques représentent une menace majeure pour les abeilles, la biodiversité et la sécurité publique
C’est un scénario que j’aurais cru sorti d’un documentaire de Jamy. Imaginez : un frelon asiatique, équipé d’un mini-émetteur, qui retourne paisiblement à son nid… sans savoir qu’il guide ses ennemis. Derrière cette idée folle mais géniale, on retrouve Mathieu Diffort, un apiculteur passionné et inventif, installé dans le Haut-Rhin. Il a un objectif clair : neutraliser les nids de frelons asiatiques, ces véritables machines à décimer les ruches.
Le frelon asiatique, ou Vespa velutina, colonise la France depuis une quinzaine d’années. Comme il ne rencontre aucun prédateur naturel, il prolifère rapidement, envahit les campagnes et les villes, et surtout : il détruit les abeilles. Une colonie peut compter jusqu’à 2 000 individus, soit dix fois plus que le frelon européen. Concrètement, lorsqu’un nid s’installe près d’un rucher, le massacre est inévitable.
Et ce n’est pas tout. Le danger pour l’Homme reste bien réel : ces nids géants, parfois perchés à 20 mètres de hauteur, échappent au regard, sont inaccessibles, mais deviennent extrêmement dangereux dès qu’on les dérange. En effet, plusieurs décès ont déjà été enregistrés chaque année en France. Voilà pourquoi il faut agir, et ce, avec méthode et efficacité.
Comment un apiculteur transforme un frelon capturé en espion grâce à la radiotélémétrie
Lorsque les méthodes classiques ne suffisent plus (repérage visuel, jumelles, nacelles, perches), Mathieu passe à l’étape suivante : la radiotélémétrie. Et là, c’est digne d’un film d’action. Il commence par capturer un frelon, souvent à proximité d’un rucher attaqué. Ensuite, il le plonge dans le froid pour l’endormir temporairement. Une fois endormi, il fixe dans son dos un minuscule émetteur radio de moins de 0,18 g.
Le frelon, une fois réveillé, s’envole et retourne au nid. Mais cette fois, Mathieu le suit à la trace. Grâce à une antenne directionnelle et une bonne dose de patience, il repère avec précision l’emplacement du nid. Bien sûr, ce n’est pas donné : chaque émetteur coûte environ 110 €, et il n’est pas toujours possible de le réutiliser. Pourtant, au vu des dégâts que ces colonies peuvent provoquer, l’investissement se justifie pleinement.
Pourquoi l’utilisation d’un drone avec insecticide permet une destruction ciblée et sûre des nids
Une fois le nid localisé, il faut encore l’atteindre. Et là encore, les moyens classiques ne suffisent pas toujours. C’est à ce moment que Mathieu déploie sa dernière innovation : le drone tireur de précision. Oui, vous avez bien lu.
Ce drone, qu’il a lui-même modifié, s’approche au plus près du nid et injecte une dose de pyrèthre végétal, un insecticide naturel et ciblé. Contrairement aux pulvérisations généralisées, cette méthode consiste à injecter directement le produit dans le cœur du nid, ce qui permet de détruire la colonie sans contaminer l’environnement alentour. C’est à la fois précis, propre et très efficace. Et surtout, cette solution évite une intervention humaine risquée.
Comment cette stratégie innovante pourrait inspirer la lutte contre les espèces invasives ailleurs en Europe
Aujourd’hui, la société Api and Co, que Mathieu a fondée, intervient pour des particuliers, agriculteurs, collectivités locales… Bref, pour toutes les personnes confrontées aux frelons asiatiques. Son approche, aussi artisanale que technologique, commence à faire des émules.
Ce qui me fascine dans cette aventure, c’est ce savant mélange entre savoir-faire local et haute technologie. On est loin des méthodes industrielles lourdes : ici, un homme, ses abeilles, quelques outils et un drone suffisent à reprendre la main sur une situation critique.
Demain, cette méthode pourrait bien s’exporter à plus grande échelle. D’autres apiculteurs pourraient s’en inspirer et s’équiper de kits d’espionnage similaires. En attendant, les frelons asiatiques ont trouvé à qui parler.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Animaux & Végétaux