Arrachées de force à leur famille et forcées à intégrer des institutions religieuses lors de leur enfance au Congo belge, cinq femmes supplient désormais l’État belge de reconnaître enfin leur souffrance indéniable d’enfants métisses. Afin de se faire entendre, elles ont porté plainte pour “crime contre l’humanité”.
“Des crimes contre l’humanité”
Léa, Monique, Noëlle, Simone et Marie-José : voici le nom des cinq femmes âgées aujourd’hui de plus de 70 ans et étant toutes nées sur le territoire qui s’appelait à l’époque le Congo belge, actuelle République démocratique du Congo. Quatre d’entre elles ont la nationalité belge et une a la nationalité française. Désormais, elles supplient l’État belge afin que celui reconnaisse enfin toute leur souffrance d’enfants métisses. Durant leur enfance, elles ont effectivement été arrachées de force à leur famille puis placées dans des institutions religieuses. Face à ce manque cruel de reconnaissance, ces femmes ont porté plainte le 24 juin dernier pour “crime contre l’humanité”.
En plus d’exiger la reconnaissance de leur souffrance, ces femmes prient également pour recevoir 50 000 euros de dédommagement. Il faut également savoir que leurs actions se basent sur une annonce faite en avril 2019 par Charles Michel, Premier ministre à l’époque, aux députés : il admettait que l’administration coloniale avait nourri une politique de ségrégation au Congo ainsi qu’au Rwanda-Burundi. “L’abandon émotionnel, le déracinement, la difficulté d’assumer une double identité et la réelle souffrance des victimes” avaient alors été énoncés par le chef du gouvernement.
Des “enfants de la honte”
L’histoire de ces cinq femmes est des plus atroces. Durant leur enfance, elles étaient qualifiées par l’administration coloniale d’“enfants mulâtres” ou encore “enfants de la honte” car elles étaient nées d’une union considérée comme illégitime entre un homme blanc et une femme congolaise noire. Elles étaient alors “recensées comme nées de père inconnu”, ce qui était purement faux. Par ailleurs, entre seulement 2 et 4 ans, elle furent arrachées à leur mère, leurs proches. Tous ceux qui pouvaient être contre cela reçurent des menaces. Puis, elle furent placées soit dans des institutions religieuses ou bien soumises à la tutelle de l’État. Aux côtés d’autres enfants, elles étaient alors à peine nourries et très peu habillées.
Malheureusement, l’enfer que vivaient ces jeunes enfants continua en 1960 lors de l’indépendance. Les tensions font rage au sein de la province du Kasaï et les sœurs faisant partie de la mission de Saint-Vincent-de-Paul, à Katende, s’enfuient seules, laissant les enfants livrés à eux-mêmes. De plus, l’ONU organise la fuite des religieuses et des prêtres, sans les enfants. Complètement abandonnées, certaines jeunes filles sont victimes de viols et de violences de la part des militaires missionnés de surveiller l’institution. Alors que l’on tenta de les confier à des familles congolaises, elles furent toujours rejetées car considérées comme “blanches”.
“Une politique d’enlèvement pour des motifs raciaux”
Dans un contexte de protestation contre les violences racistes et les discriminations envers certaines communautés ainsi que de nombreuses statues d’esclavagistes qui ont été renversées de leur piédestal, l’histoire poignante de ces femmes relance donc plus que jamais le débat sur la colonisation.
“Cette politique d’enlèvement pour des motifs raciaux constitue à l’évidence, dans le chef de l’État belge, un crime contre l’humanité”, a également commenté Michèle Hirsch, l’une des quatre avocats de ces femmes. Leur plainte dénonce plusieurs faits : la torture, la persécution, les disparitions forcées ainsi que le crime d’apartheid. De telles horreurs sont le résultat de “vies volées pour l’unique raison d’être nées métisses”.
Par Cécile Breton, le
Source: Le Monde
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