Cette nouvelle étude britannique montre que la régénération des forêts tropicales amazoniennes est lourdement impactée par l’exploitation minière, avec des effets néfastes durables réduisant drastiquement leur capacité à piéger le carbone.
Un taux de régénération désespérément faible
Ces dernières années, l’extraction aurifère s’est rapidement développée dans toute l’Amazonie. Tant et si bien qu’on estime aujourd’hui que 90 % de la déforestation le long du plateau des Guyanes, dont les forêts stockent environ vingt milliards de tonnes de carbone, découle de l’exploitation minière. Dans le cadre de ces travaux présentés dans le Journal of Applied Ecology, des chercheurs de l’université de Leeds ont estimé que la déforestation engendrée par ce type d’activité entrainait la libération annuelle de plus de deux millions de tonnes de carbone.
Mais faute d’une régénération suffisante de la végétation, il se trouve que cette importante quantité de carbone ne peut être stockée naturellement. L’équipe a en effet constaté que le taux de régénération des forêts dans les puits de mine abandonnés comptait parmi les plus faibles jamais enregistrés pour les forêts tropicales : même trois à quatre ans après la fermeture des mines, certains sites ne présentaient que peu, voire aucun signe de reprise.
« Cette étude montre que les forêts tropicales sont fortement touchées par les activités minières, et sont peu susceptibles de se régénérer », estime Michelle Kalamandeen, auteure principale de l’étude. « Nos travaux montrent clairement que le processus d’extraction a dépouillé le sol de son azote, élément essentiel à la régénération des forêts, et dans de nombreux cas, a directement contribué à la présence de mercure dans les forêts et rivières voisines. Sachant que les sites miniers actifs présentaient en moyenne des concentrations de mercure 250 fois plus élevées que les sites abandonnés. »
« Nous sommes lancés dans une véritable course contre la montre »
« Cela a non seulement de graves répercussions en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique, en limitant la capacité des forêts amazoniennes à capturer et à stocker le carbone, mais implique également une plus grande contamination des sources de subsistance, en particulier pour les communautés locales et indigènes qui dépendent des rivières », poursuit Kalamandeen. « La conclusion positive restant que les zones où la terre arable était déposée pendant le processus d’exploitation minière présentaient des taux de régénération similaires à celles d’autres forêts tropicales secondaires d’Amérique centrale et du Sud abandonnées après avoir été exploitées pour la culture ou le pâturage. »
Selon les auteurs de l’étude, une gestion active et à grande échelle des forêts ainsi qu’un encadrement beaucoup plus strict de ces activités sont absolument indispensables afin de garantir la régénération de l’Amazonie et de préserver les communautés y vivant. « Nous sommes lancés dans une véritable course contre la montre, avec la crise actuelle augmentant considérablement la demande d’or, perçu comme un stabilisateur économique », soulignent notamment les chercheurs.
« Avec un cours de l’or dépassant à l’heure actuelle les 1 700 dollars l’once et susceptible d’atteindre 2 000 à 3 000 dollars dans les mois qui viennent, de nombreuses sociétés et mineurs indépendants sautent sur l’occasion et profitent de l’affaiblissement de la législation et des politiques environnementales décidé par le gouvernement brésilien, ce qui entraîne une nouvelle vague de déforestation en Amazonie. »
Plus d’un million de km² font actuellement l’objet de prospection en Amazonie
D’après les chercheurs, environ 1,3 million de kilomètres carrés font actuellement l’objet de prospection pour des activités minières en Amazonie, et l’analyse d’échantillons de sol provenant de mines récemment abandonnées a par ailleurs révélé que la régénération des forêts est encore plus limitée par l’épuisement grave des nutriments du sol (notamment l’azote), que par la contamination au mercure.
« Cette recherche constitue un support sur lequel les structures de gouvernance locales et nationales peuvent s’appuyer afin d’aborder de manière critique la mise en œuvre et le développement des politiques de gestion des terres, y compris comment et où l’exploitation minière a lieu, ainsi qu’une surveillance et une action plus strictes en ce qui concerne la régénération des forêts », estime David Galbraith, coauteur de l’étude.
« Elle montre également que des projets de restauration active soigneusement planifiés seront essentiels à cet égard, mais la responsabilité va au-delà des efforts de restauration visant à atténuer les dommages causés. Les investisseurs et les exploitants doivent être davantage sensibilisés aux empreintes environnementales de l’extraction de l’or et être tenus de rendre des comptes à ce sujet », conclut le chercheur.
Par Yann Contegat, le
Source: Earth
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