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Portrait d’Eunice Newton Foote, cette scientifique oubliée qui a découvert l’effet de serre

Cette scientifique et militante pour le droit des femmes n'a pas été reconnue à son époque

Eunice Newton Foote était une Américaine du XIXe siècle qui a excellé dans la science, l’art et le militantisme. Elle a été la première à faire des expériences montrant que certains gaz, comme le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau, captaient la chaleur du soleil, et que cela pouvait modifier le climat de la Terre. Elle a exposé ses résultats lors d’une conférence en 1856, mais son travail est resté ignoré pendant plus d’un siècle. Aujourd’hui, elle est considérée comme un précurseur de la science du climat, et comme une femme qui a défié les normes sociales et les obstacles de genre pour enrichir la connaissance.

Une formation scientifique et artistique dans un milieu privilégié

Eunice Newton Foote est née le 17 juillet 1819 dans le Connecticut, dans une famille aisée et éduquée. Elle a suivi ses études au Troy Female Seminary, une école renommée pour les jeunes filles, où elle a appris la science et l’art. Elle a aussi assisté à des cours à l’Institut polytechnique Rensselaer, une des premières écoles d’ingénieurs des États-Unis.

Elle s’est unie en 1841 avec Elisha Foote, un avocat et inventeur, avec qui elle a eu deux enfants : Mary Augusta et Augusta Newton. Le couple s’est établi à Seneca Falls, dans l’État de New York, où ils ont pris part activement à la vie sociale et intellectuelle de la région.

Une pionnière du féminisme et de l’abolitionnisme

Eunice Newton Foote s’est impliquée dans le mouvement pour les droits des femmes, et a participé à la convention de Seneca Falls en 1848, où elle a signé la Déclaration des sentiments, un manifeste féministe demandant l’égalité entre les sexes. Elle était amie avec Elizabeth Cady Stanton, une des organisatrices de la convention et une figure du suffrage féminin. Elle a aussi appuyé d’autres causes progressistes, comme l’abolition de l’esclavage ou la lutte contre l’alcoolisme.

Eunice Newton Foote
— © Library of Congress / Wikimedia Commons

Une visionnaire du réchauffement climatique

Eunice Newton Foote s’est intéressée à la physique et à la chimie, et a fait des expériences dans son propre laboratoire. Elle a notamment étudié les propriétés thermiques des gaz, en utilisant des tubes en verre, des thermomètres et des rayons solaires.

Ses expériences novatrices sur l’effet de serre

En 1856, elle a exposé ses découvertes sur l’effet de serre lors de la huitième réunion annuelle de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS), qui s’est tenue à Albany, dans l’État de New York. Son article était intitulé “Circumstances affecting the heat of the sun’s rays” (Circonstances affectant la chaleur des rayons du soleil).

Elle y rapportait les résultats de ses expériences avec différents gaz, comme l’air, le dioxyde de carbone ou l’hydrogène. Elle avait rempli des tubes en verre avec ces gaz, puis les avait exposés au soleil. Elle avait ensuite mesuré la température à l’intérieur des tubes, et avait constaté que les gaz qui contenaient du carbone ou de l’eau étaient plus chauds que l’air pur.

Elle en avait déduit que ces gaz captaient une partie de la chaleur solaire, et qu’ils formaient une sorte de couverture autour de la Terre. Elle avait écrit : “Une atmosphère d’un tel gaz serait comme un revêtement chauffant pour notre planète.” Elle avait aussi suggéré que si la proportion de ces gaz augmentait ou diminuait dans l’atmosphère, cela pourrait entraîner un changement important dans le climat. “Si le volume d’un tel gaz augmentait ou diminuait dans l’atmosphère, il pourrait produire un changement important dans le climat.”

Eunice Newton Foote
— © Wikimedia Commons

Les entraves à sa reconnaissance

Cependant, elle n’a pas pu lire elle-même son article devant l’assemblée, car les femmes n’étaient pas autorisées à prendre la parole lors des conférences scientifiques à cette époque. Son article a été lu par le professeur Joseph Henry, le secrétaire de l’AAAS et futur directeur de la Smithsonian Institution.

Son article a été publié dans les actes de la conférence, mais il n’a pas attiré beaucoup d’attention ni de commentaires. Il était accompagné d’un autre article du même sujet, signé par John Tyndall, un physicien irlandais renommé. Tyndall avait mené des expériences semblables à celles de Foote, mais avec des méthodes plus sophistiquées et des résultats plus précis. Il avait confirmé que le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau absorbaient plus de chaleur que l’air sec ou l’oxygène. Il avait aussi identifié d’autres gaz à effet de serre, comme le méthane ou l’oxyde nitreux.

Tyndall n’a pas mentionné le travail de Foote dans son article, ni dans ses publications ultérieures sur le sujet. Il est possible qu’il n’ait pas été au courant de ses recherches, ou qu’il ne les ait pas jugées dignes d’intérêt. Il est aussi possible qu’il ait voulu s’attribuer la paternité de la découverte de l’effet de serre, ou qu’il ait été influencé par les préjugés sexistes de son époque. Quoi qu’il en soit, c’est Tyndall qui est généralement considéré comme le père de la science du climat, et qui a reçu les honneurs et la reconnaissance de ses pairs.

Eunice Newton Foote, quant à elle, n’a pas poursuivi ses recherches sur l’effet de serre, et n’a pas publié d’autres articles scientifiques. Elle s’est consacrée à d’autres activités, comme la peinture, la sculpture ou le jardinage. Elle a aussi déposé plusieurs brevets pour des inventions, comme une machine à coudre ou un remplisseur de bouteilles.

effet de serre
— © A loose necktie / Wikimedia Commons

Une redécouverte tardive et méritée

Son travail sur l’effet de serre est resté longtemps ignoré et oublié, jusqu’à ce qu’il soit redécouvert par des historiens des sciences au début du XXIe siècle. En 2010, le physicien américain Raymond Sorenson a retrouvé son article original dans les archives de la bibliothèque du Congrès, et l’a rendu accessible au public. En 2018, le géologue américain John Perlin a organisé une reconstitution de son expérience lors d’une conférence à l’université de Californie à Santa Barbara. En 2019, le musée du Smithsonian a organisé une exposition en son honneur, intitulée “Eunice Foote’s Pioneering Research on CO2 and Climate Change”.

Aujourd’hui, Eunice Newton Foote est reconnue comme un précurseur de la science du climat, et comme une femme qui a défié les normes sociales et les obstacles de genre pour enrichir la connaissance. Son nom figure désormais aux côtés de ceux de Tyndall, Arrhenius ou Callendar, parmi les premiers à avoir compris le rôle des gaz à effet de serre dans le réchauffement climatique. Son histoire est un exemple inspirant pour les scientifiques en herbe, et un rappel de l’importance de valoriser et de préserver le patrimoine scientifique.

Pour aller plus loin, découvrez le portrait de Rosalind Franklin, pionnière oubliée de l’ADN.

Eunice Newton Foote
— © Wikimedia Commons

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: New Scientist

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