De petits larcins à la vie de détective privé en passant par le bagne, découvrez le destin hors du commun d’Eugène-François Vidocq. Celui qui a inspiré des personnages des Misérables de Hugo, Vautrin à Balzac dans La Comédie humaine, ou encore Auguste Dupin dans Double assassinat de la rue Morgue de Poe, a en effet révolutionné la police du XIXe siècle.
Petit délinquant, saltimbanque et militaire
Eugène-François Vidocq naît à Arras en 1775. Ses deux parents sont des boulangers prospères. Seulement, en grandissant Vidocq s’amuse en commettant de petits larcins, il se bagarre fréquemment (à 12 ans, il fait la taille d’un adulte), commet des vols, etc. Alors qu’il n’a que 13 ans, Eugène-François prit des couverts en argent à ses propres parents pour les revendre. Il leur volait aussi la recette de la journée. En somme, Vidocq était un adolescent plus que turbulent qui n’en faisait qu’à sa tête.
Par ailleurs, plus il grandit, plus il commet de délits. Agé de 16 ans, il s’empara de la recette de ses parents (2 000 francs, l’équivalent de 1 200 euros) et partit explorer le monde. Mais tout ne se passa pas comme prévu pour le jeune Eugène-François, puisqu’il se fit dépouiller. Ainsi, il rejoignit des saltimbanques avant de retourner à Arras. Lorsqu’il revint auprès de son père, ce dernier l’envoya à l’armée en 1791. Eugène-François Vidocq s’avéra être un escrimeur hors pair, il participa à la bataille de Valmy et à celle de Jemappes. Mais Vidocq est intenable, même l’armée finit par en avoir marre de lui, et l’exclut alors qu’il n’a que 18 ans.
Brigand, escroc et bagnard
De ce fait, Eugène-François Vidocq changea une nouvelle fois de carrière. Il rejoignit, comme il le décrit dans ses mémoires, « l’armée roulante ». Une pseudo armée, regroupant des déserteurs et des escrocs, qui suivait l’armée régulière et dupait les habitants. Vidocq arriva à Paris en 1796, où il fit la rencontre de plusieurs membres de la pègre parisienne. Puis, il fit route jusqu’à Lille où il rencontra Francine Longuet et dont il tomba amoureux. A cet instant, la vie de Vidocq aurait pu changer. Mais il surprit Francine avec un militaire. Fou de rage, il le passa à tabac. C’est ce qui valut une première condamnation de trois mois. Alors qu’il était au bagne, il rencontre deux hommes qui le sollicitent pour faire un faux acte de libération pour un paysan qui avait volé du grain. C’est encore un échec, et Vidocq est condamné à huit ans supplémentaires.
Derrière les barreaux, il commença à apprendre la savate (boxe française). Par ailleurs, il tenta même de s’évader à plusieurs reprises. Une fois même, il se cassa les deux chevilles en sautant par-dessus le mur d’enceinte. Pendant de nombreuses années, Eugène-François Vidocq enchaîna évasions ratées et réussies, se faisant rattraper à chaque fois par les autorités. Durant ses moments de liberté, Vidocq enchaîne les carrières : vendeur de tissus, marin, etc. Ses nombreuses évasions lui valurent tout de même une certaine notoriété dans le monde des criminels. Seulement, en 1809, ce fut l’arrestation de trop pour Eugène-François. Il retourne encore une fois au bagne, malgré ses nombreux déguisements et talents.
D’indic à chef de la brigade de sûreté
Vidocq décida de se ranger de sa vie de criminel et de fugitif. Il ne tenta plus aucune évasion, et devint même indicateur à la prison du Bicêtre, puis à celle de La Force. Grâce à son passé, ses connaissances et un don pour la physionomie, Vidocq repérait facilement les criminels qui se faisaient arrêter sous un faux nom. Par ailleurs, il aide la police à arrêter plusieurs criminels notoires de l’époque. Très vite, Eugène-François Vidocq est officieusement nommé chef de la brigade de sûreté. Puis il la rejoignit officiellement après une fausse évasion en 1811.
« Vidocq est devenu le chef de la police de sûreté, une police toute nouvelle qu’il a fallu créer. Il l’a créée avec d’abord une dizaine d’agents qui sont devenus vingt, puis trente, etc. Cette sûreté est devenue aujourd’hui ce qu’on appelle la sûreté nationale dans la plupart des États. »
A la tête d’une douzaine d’hommes, tous anciens repris de justice, Vidocq explosa le nombre d’arrestations. En effet, lui et ses hommes appréhendaient, tout en infiltrant le réseau criminel, trois fois plus de malfaiteurs que les autres membres de la police. Avec la Restauration, de nombreux faux nobles arrivèrent à se faire un nom. Vidocq réussit à dévoiler le jeu de Pontis, soi-disant comte de Sainte-Hélène, qui en réalité n’était autre que Pierre Coignard, un ancien brigand. Cependant, les méthodes peu conventionnelles de Vidocq ne font pas l’unanimité. La brigade, malgré ses résultats fabuleux, était autant détestée que la pègre elle-même. Face aux critiques de plus en plus vives et une réorganisation totale de la brigade, Vidocq donna sa démission en 1827.
Mémoires et détective privé
Vidocq fascinait le Grand monde. Effectivement, il était souvent invité dans les fêtes mondaines, et à même été gracié pour Louis XVIII en 1818, pour la falsification de l’acte de libération. En 1928, Vidocq prit la décision de publier ses mémoires. Non satisfait de la première version, il en fit une autre : Les Véritables Mémoires de Vidocq. En 1936, il publia Les Voleurs dans lequel il décrit les arnaques par courrier (Lettres de Jérusalem) et auquel il joint un petit dictionnaire de l’argot des criminels. En parallèle, il créa une usine de papier infalsifiable à Saint-Mandé. Puis, il retourna quelque temps à la brigade de sûreté pour aider lors des révoltes de juin 1832.
L’année suivante, Eugène-François Vidocq fonda son propre bureau de détectives privés, le Bureau des renseignements dans l’intérêt du commerce qui deviendra le Bureau des renseignements universels. Au début, Vidocq n’a que 3 000 clients, mais très vite, il en a plus de 20 000. Faisant trop d’ombre à la police, les bureaux de Vidocq sont perquisitionnés et il est renvoyé en prison. Son agence ferme en 1837. Un an plus tard, Vidocq est acquitté, il prend alors sa « retraite » à Londres. Profitant de sa notoriété acquise au cours des années, il donne des conférences, dépose des brevets pour le papier infalsifiable et la serrure incrochetable. En 1848, il reprend sa carrière policière. En effet, il se fait incarcérer à la Conciergerie durant les émeutes du 15 mai et y opère en tant qu’indicateur. Il mourut le 11 mai 1857 et fut enterré au cimetière du Père-Lachaise.
Par Manon Fraschini, le
Source: All that is interesting
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