Publiée lundi 23 mars au Journal officiel (JO), la loi instaurant un « état d’urgence sanitaire » légalise les mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid-19.
Un cadre législatif très strict
Afin d’enrayer au plus vite la propagation de l’épidémie de coronavirus, le Parlement a adopté une loi exceptionnelle autorisant la restriction des libertés. Quelque peu inspirée de la loi du 3 avril 1955 instaurant un état d’urgence, elle est toutefois unique de par son ampleur. Philippe Bas, président de la Commission des lois constitutionnelles du Sénat, a affirmé que ses mesures feraient l’objet d’un « contrôle du juge et du Parlement ». Réunis en commission mixte paritaire (CMP), sept députés et sept sénateurs sont parvenus à s’accorder sur ce texte. Selon Yaël Braun-Pivet, présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, c’était une « CMP marquée par une recherche par tout le monde du consensus et la volonté de trouver le bon compromis« . À l’heure d’une crise sanitaire sans précédent, les pouvoirs publics sont confrontés à une interrogation de taille : comment concilier maintien de l’ordre et libertés publiques ? L’ordre public correspond à la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques. La décision des 19 et 20 janvier 1981 du Conseil constitutionnel a décrété que les libertés individuelles et celles d’aller et venir doivent être conciliées avec le maintien de l’ordre public. L’arrêt Heyriès du Conseil d’Etat de 1918 dispose qu’en cas de crise majeure, l’administration dispose de pouvoirs étendus afin d’assurer la continuité du service public, sous le contrôle étroit du juge administratif.
Les mesures mises en place
À présent que le cadre légal a été rappelé, penchons-nous sur les dispositions que contient ce texte. Tout d’abord, les mesures sanitaires disposent que le Premier ministre peut, par décret, là où l’état d’urgence est mis en place, prendre des mesures visant à restreindre la liberté de circulation, interdire aux personnes de sortir de chez elles sauf en cas de nécessité (faire ses courses ou motifs de santé), mettre en quarantaine des personnes susceptibles d’être contaminées, ordonner la fermeture des lieux considérés comme non indispensables à la continuité de l’activité de la Nation, interdire les rassemblements, réquisitionner les biens et services nécessaires à la lutte contre la propagation du virus, contrôler temporairement les prix de certains de ces produits nécessaires, prendre par décrets des mesures visant à limiter la liberté d’entreprendre. L’amende pour non-respect des règles de confinement est de 135 €, qui peut s’élever de 1 500 à 3 000 € en cas de récidive dans un délai de 15 jours, et si les violations sont constatées à plus de 3 reprises dans un délai de 30 jours, l’amende s’élève cette fois à 3 750 € et une peine complémentaire d’intérêt général est mise en place.
Des mesures d’ordre économique ont également été mises en place. Concernant le droit du travail, les employeurs peuvent imposer ou modifier les dates de prise d’une partie des congés payés, en dérogeant aux dates de prévenance et aux modalités de prise de congés définies par le code du travail. De même, les dates de jours de réduction du temps de travail, les jours de repos prévus par les conditions de forfait et les jours de repos prévus sur le compte épargne-temps du salarié peuvent être modifiés. Les dates limites et les modalités des versements au titre de l’intéressement ou de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat pourront être modifiées. Le gouvernement est autorisé à prendre des mesures de soutien à la trésorerie et d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions. Les locaux professionnels et commerciaux pourront quant à eux reporter intégralement ou étaler le paiement des loyers, factures d’eau, de gaz et d’électricité. Des mesures dérogatoires peuvent être prises afin d’assurer la continuité des droits des assurés sociaux et leur accès aux soins.
Enfin, des mesures ont été prises concernant les élections municipales, dont le premier tour s’est tenu le 15 mars. Pour les communes nécessitant la tenue d’un second tour, prévu initialement dimanche 22 mars, ce dernier est fixé au plus tard à juin 2020 (la date sera fixée par décret en Conseil des ministres au plus tard le 27 mai). Si les conditions sanitaires ne permettent pas la tenue de ce second tour en juin, les électeurs seront de nouveau appelés aux urnes pour les deux tours, ce qui aura donc pour conséquence d’annuler les résultats du 15 mars.
L’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois. Ces décisions exceptionnelles font l’objet d’un contrôle strict, ainsi le président du Sénat Gérard Larcher a annoncé qu’il demanderait solennellement au Premier ministre que le Parlement exerce un contrôle sur les modalités d’application de cette loi. Le gouvernement a toutefois annoncé qu’un « confinement total » n’était pour l’instant pas à l’ordre du jour, même si le Conseil d’État a jugé que l’autorisation de pratiques sportives individuelles était « trop large ». Les évolutions de la situation sont donc à suivre, mais il est tout de même nécessaire de rappeler qu’il faut impérativement rester chez soi.
Par Marine Guichard, le
Source: Le Monde
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