Représentation artistique du gaz quantique supersolide bidimensionnel — © IQOQI Innsbruck / Harald Ritsch

Une équipe de chercheurs autrichiens est récemment parvenue à créer un supersolide bidimensionnel. Théorisé il y a près d’un demi-siècle, cet état quantique particulier implique des atomes disposés selon un modèle uniforme, circulant sans générer de frottement.

Un bien étrange état de la matière

Outre les états de base bien connus de la matière (solide, liquide, gaz et plasma), de nombreux états exotiques ont été imaginés en laboratoire au fil des décennies. Connu sous le nom de « supersolide », l’un d’entre eux avait été confirmé expérimentalement il y a quelques années. Dans le cadre de travaux publiés dans la revue Nature, des chercheurs de l’université d’Innsbruck sont parvenus à le créer pour la première fois sous une forme bidimensionnelle.

Les atomes d’un supersolide sont disposés dans une structure cristalline rigide, comme un solide ordinaire, mais ont la particularité de pouvoir également s’écouler avec une viscosité nulle, à la manière d’un superfluide. Si cet état théorisé dès la fin des années 1960 s’apparentait à un paradoxe, des expériences menées par des chercheurs du MIT et de l’ETH Zurich avaient permis de le confirmer en 2017.

Plusieurs équipes de chercheurs ont fabriqué des superfluides en utilisant un autre état de la matière appelé condensat de Bose-Einstein (CBE). Nuages gazeux de faible densité composés d’atomes refroidis une fraction seulement au-dessus du zéro absolu, ces condensats présentent d’étranges bizarreries quantiques n’étant normalement pas observées à une si grande échelle. Tous les atomes du CBE existent simultanément en tout point du nuage. Un phénomène connu sous le nom de « délocalisation ».

Vidéo expliquant la formation du condensat de Bose-Einstein

Au cours des expériences précédentes, les supersolides produits étaient exclusivement unidimensionnels, de sorte que les atomes ne pouvaient circuler que dans une seule direction. Aujourd’hui, l’équipe d’Innsbruck les a dotés d’une seconde dimension. Constitués d’atomes de dysprosium, ces CBE présentent des interactions magnétiques particulières, amenant ces minuscules grains de matière à s’organiser en gouttelettes, elles-mêmes alignées sous forme de grille.

« Chaque particule est délocalisée à travers toutes les gouttelettes »

« Normalement, on pourrait penser que chaque atome se trouve dans une gouttelette spécifique, sans possibilité de passer de l’une à l’autre », explique Matthew Norcia, l’un des auteurs de l’étude. « Cependant, dans l’état supersolide, chaque particule est délocalisée à travers toutes les gouttelettes, existant simultanément dans chacune d’entre elles. Vous avez fondamentalement un système avec une série de régions à haute densité [les gouttelettes] qui partagent toutes les mêmes atomes délocalisés. »

Selon l’équipe, cette percée pourrait permettre aux physiciens d’étudier un tout nouvel éventail de bizarreries quantiques n’ayant pas cours chez les supersolides unidimensionnels.

« Un système supersolide bidimensionnel nous permettrait d’étudier la formation des tourbillons dans l’espace séparant plusieurs gouttelettes adjacentes », explique Norcia. « Ces phénomènes théorisés mais jamais observés représentent une caractéristique majeure de la superfluidité. »

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