Une étude publiée dans la revue Nature Climate Change tire la sonnette d’alarme. À la fin du siècle, près des trois quarts de l’humanité pourrait vivre dans des conditions climatiques mortelles. En cause, le réchauffement climatique, les épisodes caniculaires, l’urbanisation et la démographie galopante.
Un seuil critique de chaleur mis en évidence
Les épisodes de chaleur intense provoquent des augmentations sensibles du nombre de décès. On s’en souvient, la canicule de l’été 2003 en France avait ainsi causé la mort de 15 000 personnes supplémentaires. Avec le changement climatique, ces aléas météorologiques sont appelés à se démultiplier. À partir de quel seuil ces phénomènes deviennent-ils mortels?
Les chercheurs l’ont défini en recoupant des données recensées lors de centaines de vagues de chaleur depuis les années 1980, comme le taux d’humidité, le vent, la température, l’ensoleillement, etc. D’après leurs calculs, 30 % de l’humanité est aujourd’hui concernée. Un chiffre qui pourrait grimper à 74 % à la fin du siècle.
Cette prévision s’appuie sur les rapports du GIEC. Ce groupe d’experts élabore différents scénarios, optimistes ou pessimistes, pour évaluer les effets futur du changement climatique. Or, même dans le cas, de moins en moins probable, d’une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, 48 % de l’humanité serait exposée à des températures potentiellement mortelles. Ce qui fait dire à Camilo Mora, l’un des auteurs de l’étude qu’il « ne nous reste plus qu’à choisir entre le mauvais et le terrible ».
Les évolutions démographiques aggravent les dangers
Comme toujours, le changement climatique est inégalement néfaste : les zones tempérées sont moins exposées que les tropiques. Mais cette donnée géographique recoupe un clivage économique entre pays du Nord et du Sud. Ce sont justement dans les pays les plus pauvres que ce phénomène de chaleur mortelle sera le plus courant : Afrique subsaharienne, péninsule indienne, Asie du Sud-Est, Amérique Centrale… Ainsi expliquent les chercheurs, le seuil critique ne sera dépassé qu’une semaine chaque été en France métropolitaine, mais chaque jour en Guyane !
En outre, les pays en développement sont confrontés à des défis démographiques majeurs. D’après les prévisions de l’ONU, la population comptera 11,2 milliards d’individus en 2100. Mais cette augmentation serait intégralement le fait de quelques régions justement exposées au changement climatique : par exemple, la population africaine pourrait quadrupler, passant de 1 à 4 milliards d’habitants. La transition démographique s’accompagne de modifications structurelles comme le vieillissement de la population et l’urbanisation.
On aurait donc une part de seniors passant de 9 % aujourd’hui à près de 20 % dans les pays en développement. Cette population particulièrement vulnérable se retrouverait enfin concentrée dans les grandes villes, subissant de plein fouet une qualité de l’air moins bonne, et des phénomènes d’îlots de chaleur.
Des mesures urgentes pour prévenir la catastrophe
Il ne tient qu’à nous d’éviter le désastre. D’abord en atteignant les objectifs définis lors du protocole de Kyoto et plus récemment l’Accord de Paris. On l’a vu, une augmentation de la température de seulement 1 °C et non 3 °C ou 4 °C comme on peut le craindre, permettrait d’éviter ces chaleurs mortelles à des milliards d’êtres humains. Ce que seule une coopération entre États peut permettre. Le second point est bien évidemment la prise en compte des futurs réfugiés climatiques. Des centaines de millions de personnes pourraient être contraintes de migrer vers les pays du Nord dans le siècle à venir.
À l’échelle locale, des initiatives peuvent aussi sauver des vies. La France est ainsi bien mieux préparée aujourd’hui qu’il y a 14 ans aux phénomènes caniculaires. Le lien social doit être renoué pour éviter les décès de personnes âgées isolées. Les villes peuvent aussi développer une architecture plus écologique (parcs, cours d’eau, arbres…) pour limiter les pics de chaleurs. Enfin, plaident les chercheurs, il est temps d’accorder l’attention qu’elles méritent aux régions les plus peuplées et les plus vulnérables. Aujourd’hui, regrette Ian Caldwell (co-auteur des travaux), » c’est le réchauffement des pôles qui demeurent le changement climatique le plus emblématique « . Un symbole qui ne doit pas nous empêcher de répondre au défi des tropiques.
Par Tristan Castel, le
Source: Sciences et Avenir
Étiquettes: humanite, 2100, nature, danger, démographie, planète, changement climatique, gaz à effet de serre
Catégories: Actualités, Écologie