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Dans une étude publiée fin décembre 2019, des chercheurs ont constaté que plus un enfant était intrépide et indifférent à l’idée d’imiter ses pairs, et que moins il se trouvait en demande d’interactions sociales, plus le risque de comportement asocial dans le futur était à craindre.

Un comportement antisocial lié intrinsèquement à des traits dits « Callous-Unemotional »

Ce comportement dit “antisocial” est lié aux traits “Callous-Unemotional”(que l’on peut traduire par sans coeur/sans émotion), caractérisés par un manque d’empathie, de sentiments de culpabilité, une indifférence aux émotions des autres et ils s’expriment souvent au travers de la violence et de l’hostilité. Ce comportement que les chercheurs qualifient “d’antisocial” s’exprime chez des enfants « moins compatissants, (qui) ne se soucient pas d’enfreindre les règles, (qui) n’améliorent pas leur comportement quand on (leur) dit : ‘Si tu fais X, cette mauvaise chose va arriver’ », déclare Rebecca Waller, professeure adjointe au département de psychologie de l’université de Pennsylvanie et directrice du laboratoire EDEN. « Ils sont également plus susceptibles d’être agressifs dans le but d’obtenir ce qu’ils veulent parce qu’ils ne craignent pas les conséquences de leurs actions.« 

Ce que les chercheurs ont le plus de difficultés à cerner, ce sont les mécanismes et les processus qui donnent naissance aux traits “Callous-Unemotional”, ce qui pourtant aurait une grande importance pour le développement et la mise en œuvre d’interventions efficaces contre les comportements antisociaux à l’âge adulte. Waller et Wagner ont donc travaillé sur les deux origines possibles de ces traits. En premier lieu, les traits CU seraient favorisés par une certaine intrépidité, aussi bien que par une indifférence aux besoins d’appartenance sociale. Mais ils pourraient également s’expliquer par une certaine incapacité à imiter ses pairs.

Intrépidité et indifférence, à l’origine de comportements antisociaux ?

Pour voir si l’intrépidité avait un lien avec les traits CU, les chercheurs ont utilisé les données du Boston University Twin Project. Les enfants ayant participé à l’étude se sont rendus à deux séances de deux heures, une à l’âge de trois ans et une à l’âge de cinq ans. Lors de ces séances, ils ont joué plusieurs scénarios, comme par exemple celui d’offrir un « bonbon » à un parent dans une boîte contenant en fait un serpent en peluche. L’analyse des comportements des enfants a montré que les enfants les moins craintifs et qui se souciaient moins des relations sociales lors de la première visite étaient plus susceptibles d’être sans pitié, sans coeur à la seconde séance. « L’intrépidité en elle-même n’est pas la seule origine, dit Waller. Ces enfants ne ressentent pas non plus, au même degré, la motivation et la récompense inhérentes à avoir des liens sociaux positifs avec les autres. »

Les chercheurs ont également constaté que les parents qui éduquaient avec sévérité, en utilisant les cris et la fessée, intensifiaient la personnalité intrépide des enfants et ne faisaient qu’accroître le risque pour l’enfant de développer des traits CU ultérieurement. « Les parents disposent d’un ensemble d’outils pour éduquer », explique Nicholas Wagner, professeur adjoint à l’université de Boston et directeur du laboratoire de développement biocomportemental et socio-émotionnel. « Si les enfants n’ont pas peur, y compris en ce qui concerne la menace de la punition, alors la probabilité qu’une éducation sévère exacerbe le risque augmente.« 

Une incapacité de certains enfants à imiter leurs pairs

L’étude sur l’incapacité de certains enfants à imiter leurs pairs et qui favoriserait le développement des traits CU, publiée dans le Journal of Child Psychology and Psychiatry, a été menée avec d’autres participants que ceux des premières expériences. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont comparé l’imitation instrumentale et l’imitation arbitraire. La première signifie imiter des actions avec un but précis, souvent pour apprendre une compétence. La deuxième signifie suivre les actions d’une autre personne sans autre but que d’exprimer le désir d’un lien social. 

« L’imitation arbitraire est destinée à créer des liens, dit Wagner, pour montrer à une autre personne que vous êtes dans son groupe, que vous acceptez ses voies, que vous pouvez faire et ferez ce qu’elle fait.« 
Lors de ce travail, l’équipe a réalisé 2 expériences. Dans la première, les enfants ont dû libérer un oiseau en peluche d’une cage difficile à ouvrir. Un adulte leur a montré comment faire, en mêlant des instructions nécessaires à des propos sans intérêt comme « Regardez, c’est un oiseau ! ». Dans la seconde, les enfants ont dû utiliser un bâton pour libérer un cracker coincé au milieu d’un tube transparent. Une fois de plus, un adulte a modélisé les étapes, mélangeant des directions essentielles et inutiles. Dans les deux cas, les chercheurs ont observé et codé les comportements répétés par les enfants et ceux qu’ils ignoraient.

Ils ont constaté que les enfants qui se livraient globalement à une imitation moins arbitraire – en d’autres termes, ceux qui ignoraient davantage les actions inutiles – étaient plus à risque de développer des traits CU plus tard. « Cela nous montre que ces enfants sont moins motivés à établir des liens avec d’autres enfants ou adultes », explique Wagner. Rebecca Waller va encore plus loin. « Ce n’est pas qu’ils ne sont pas capables de voir et de regarder quelqu’un effectuer quelque chose, ajoute-t-elle. Ils n’éprouvent tout simplement pas d’intérêt pour le lien social, ni pour le comportement drôle et décalé qui créerait un moment social agréable.« 

Des conseils prodigués aux parents

Bien que ces résultats offrent des indices importants sur la raison pour laquelle les traits CU peuvent conduire à un comportement antisocial, les chercheurs veulent préciser qu’ils examinent des types de personnalités de façon globale, et non pas des cas ponctuels. « Nous ne voulons pas effrayer les parents, dit Waller. Ce n’est pas parce que vous remarquez ces comportements chez votre enfant une fois, que c’est le début des ennuis. Cela fait partie d’une dimension globale.« 

Waller et Wagner suggèrent aux parents de favoriser le développement de ces aspects de l’évolution sociale et émotionnelle en créant artificiellement des situations, comme celle dans laquelle une imitation arbitraire se produit, par exemple. « Encouragez l’enfant à faire le bruit ou le mouvement idiot que vous venez de faire, puis à en rire », conseille Waller. Ce genre de moment, bien que mis en scène, reste positif pour les enfants, renforce les liens affectifs et motive les enfants à entretenir des liens sociaux. Tout n’est donc pas perdu pour les enfants possédant ce type de traits !


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