Au lendemain de la Première Guerre mondiale, une mystérieuse maladie nommée encéphalite léthargique ou « maladie du sommeil » a frappé le monde, touchant environ un million de personnes avant de disparaître tout aussi soudainement. Le film Awakenings, inspiré des travaux du neurologue Oliver Sacks, raconte l’histoire de ces patients atteints de la « maladie du sommeil ». Ce drame met en lumière les expériences douloureuses de ceux qui ont survécu à cette maladie et qui, malgré leur éveil apparent, restent emprisonnés dans un corps qu’ils ne contrôlent plus. Mais comment une maladie aussi dévastatrice a-t-elle pu apparaître et disparaître sans explication claire ?
L’épidémie inexpliquée
L’encéphalite léthargique a fait son apparition en 1917, décrite pour la première fois par un neurologue autrichien. Initialement, les symptômes ressemblaient à ceux de la grippe, mais rapidement, des différences se sont manifestées. Alors que certains patients restaient éveillés sans jamais pouvoir dormir, d’autres se plongeaient dans un sommeil si profond qu’ils ne se réveillaient que quelques minutes pour se nourrir.
Environ la moitié des patients succombèrent dans les premières phases de la maladie, tandis que les survivants, après un rétablissement apparent, développèrent des symptômes complexes. Ils subissaient des raideurs musculaires, une lenteur dans leurs mouvements, et parfois leurs yeux se bloquaient dans des positions fixes. À terme, beaucoup se retrouvèrent, comme le personnage de De Niro dans Awakenings, figés dans une immobilité totale, incapables de parler ou de bouger.
Les effets de la maladie dépassaient la simple immobilité. Des changements dans la personnalité et le comportement des patients furent également observés, avec des modifications d’humeur, une élocution monotone, et même des comportements impulsifs comme la kleptomanie. La complexité et la variété des symptômes posent la question : qu’est-ce qui a pu déclencher une telle maladie ?
Une cause encore inconnue
La recherche d’une explication n’a pas encore abouti. Bien que des infections comme la grippe espagnole aient sévi à la même époque, les premiers cas d’encéphalite léthargique sont apparus avant l’épidémie de grippe. Les études post-mortem n’ont pas non plus révélé la présence du virus de la grippe dans le cerveau des victimes, invalidant ainsi un lien direct avec cette infection.
Des archives concernant plus de 600 patients montrent qu’à peine un tiers d’entre eux avaient eu une grippe ou des symptômes similaires dans l’année précédant la maladie, et moins de 1 % avaient des membres de la famille également atteints. Ainsi, l’hypothèse d’une infection grippale ne semble pas suffisante pour expliquer cette épidémie.
L’idée d’un facteur environnemental a également été envisagée, notamment en raison du contexte de la Première Guerre mondiale qui a vu la mobilisation massive de troupes et l’usage de nouveaux produits chimiques. Toutefois, les recherches n’ont trouvé aucun lien clair entre les patients et l’exposition à des substances spécifiques. Face à l’absence de preuves directes d’une infection ou d’une cause environnementale, une hypothèse plus récente a émergé.
La piste de l’auto-immunité
Une théorie actuelle propose que l’encéphalite léthargique pourrait être due à une réponse auto-immune du corps, où le système immunitaire, au lieu de protéger l’organisme, s’en prend aux cellules cérébrales. Des maladies comme le diabète de type 1 ou la sclérose en plaques résultent de telles attaques internes. Dans le cas du cerveau, une inflammation auto-immune des cellules nerveuses peut engendrer des symptômes sévères et divers, similaires à ceux observés chez les patients atteints d’encéphalite léthargique.
Des études récentes indiquent qu’environ la moitié des cas d’encéphalite léthargique pourraient relever d’une encéphalite auto-immune. Toutefois, cette forme auto-immune particulière ne correspond à aucun des types connus aujourd’hui, rendant sa compréhension plus difficile.
Bien que l’origine auto-immune de la maladie soit une piste sérieuse, certains experts pensent que cette réponse immunitaire pourrait avoir été déclenchée par une infection virale initiale, peut-être autre que la grippe. Certaines infections peuvent en effet tromper le système immunitaire, le poussant à attaquer ses propres cellules lorsqu’il les confond avec l’envahisseur. La dernière personne connue à avoir souffert d’encéphalite léthargique est décédée il y a plus de vingt ans, mais l’énigme reste pertinente. Comprendre les mécanismes de cette épidémie pourrait permettre de prévenir ou de mieux traiter des pandémies neurologiques futures. Par ailleurs, voici 10 maladies étranges dont vous n’auriez jamais soupçonné l’existence.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
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