Après plus de quatre millénaires de mystères, des chercheurs ont enfin levé le voile sur l’origine du temple de Karnak, chef-d’œuvre sacré de l’Égypte antique.

Pourquoi Karnak était bien plus qu’un simple temple : un centre religieux, politique et symbolique hors norme
Quand on évoque l’Égypte antique, on pense tout de suite aux pyramides, à Toutânkhamon ou à Cléopâtre. Mais les temples ? Peu de gens mesurent à quel point ils étaient le cœur battant de la civilisation égyptienne. Et parmi eux, Karnak, situé près de l’actuelle Louxor, sur la rive du Nil, reste le plus vaste, le plus complexe, et sans doute le plus mystérieux.
Ce sanctuaire monumental, dédié à une triade divine – Amon-Rê, le dieu du Soleil, Mut, la mère déesse, et Montou, dieu de la guerre –, s’étendait sur plus de 30 hectares. Rien n’était trop grand pour le culte du Soleil. Karnak n’était pas un simple lieu de prière : c’était un centre politique, religieux et cosmique. Mais une question, toute simple, résistait encore : quand a-t-il été construit ?
Une datation longtemps impossible malgré un siècle de fouilles : pourquoi le mystère des origines a duré aussi longtemps
Pendant des décennies, les archéologues ont été contraints à des hypothèses. On savait que le temple avait été modifié, agrandi, restauré pendant plus de 1 500 ans, mais le point de départ ? Mystère.
Pourquoi tant de flou ? Parce que les constructions en pierre sont venues bien après les premières fondations. Et les textes anciens, souvent postérieurs, restaient muets ou évasifs. Les indices manquaient. Jusqu’à une découverte inattendue qui a changé la donne.
Comment quelques fragments de poterie ont permis de dater enfin les premières pierres de Karnak
En octobre 2025, une équipe de l’université d’Uppsala (Suède) a publié une étude révolutionnaire dans la revue Antiquity. Leur arme secrète ? Des fragments de poterie, retrouvés lors de fouilles récentes, et datés avec une précision remarquable.
Ces tessons, vestiges modestes du quotidien, se sont révélés être des marqueurs temporels. Grâce à l’analyse des matériaux et des contextes de fouille, les chercheurs ont pu dater la toute première phase de Karnak entre -2305 et -1980 av. J.-C. Autrement dit, le temple aurait plus de 4 300 ans.
C’est 200 à 300 ans plus tôt que ce que l’on pensait jusqu’ici. Et cela change tout : cela signifie que Karnak aurait commencé à émerger sous la XIe dynastie, à une époque où l’Égypte sortait tout juste de l’Ancien Empire et consolidait son unité autour de Thèbes.
Une redéfinition du rôle de Thèbes et du culte d’Amon dans l’histoire de l’Égypte antique
Cette datation permet de repenser l’histoire religieuse et politique de l’Égypte ancienne. Elle montre que Thèbes était déjà un centre majeur bien avant l’époque des grands pharaons comme Ramsès II. Et que le culte d’Amon, loin d’être une invention tardive, prenait racine dès les débuts du Moyen Empire.
Cela pose aussi de nouvelles questions : pourquoi cette région ? Était-ce un choix stratégique, mystique ou simplement pratique ? La réponse n’est pas encore claire, mais les archéologues explorent de nouvelles pistes, notamment en recoupant les données avec d’autres sites voisins.
Karnak, ce n’est donc pas seulement une prouesse architecturale. C’est aussi une machine à remonter le temps, qui nous parle de dieux, de rois et de peuples depuis les rives du Nil.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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