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De récentes recherches ont associé la douleur chronique à des niveaux plus faibles de neurotransmetteurs cérébraux clés. Selon les scientifiques, une telle perturbation aurait un impact sur la capacité des personnes en souffrant à réguler leurs émotions négatives.

Un impact significatif sur le fonctionnement cérébral

L’anxiété et la dépression sont fréquemment observées chez les personnes atteintes de douleurs chroniques. Ces dernières se révélant épuisantes, il n’est pas surprenant que les individus en souffrant soient plus promptes à s’emporter. Dans le cadre de travaux présentés dans l’European Journal of Pain, des chercheurs autrichiens ont estimé que le dérèglement émotionnel allant souvent de pair avec la douleur chronique trouvait probablement son origine dans des changements neurochimiques provoqués par la douleur elle-même.

« La douleur chronique est bien plus qu’une sensation pénible », explique Sylvia Gustin, auteure principale de la nouvelle étude. « Elle peut affecter nos sentiments, nos convictions et notre façon d’être. Nous avons découvert pour la première fois que la douleur persistante était associée à une diminution du GABA, un neurotransmetteur inhibiteur dans le cortex préfrontal médian. En d’autres termes, un réel changement pathologique a lieu. »

Les chercheurs ont recruté 24 sujets souffrant de douleurs chroniques et 24 témoins sains appariés, sans antécédents de douleurs chroniques. La mesure des niveaux de GABA dans leur cortex préfrontal médian a montré que les sujets souffrant de douleurs chroniques présentaient des niveaux significativement plus faibles de ce neurotransmetteur vital par rapport aux sujets témoins. Il est intéressant de noter que les niveaux de GABA étaient constamment bas dans la cohorte de patients souffrant de douleurs chroniques, quel que soit le type d’affection dont ils étaient atteints.

Des chercheurs ont récemment mis au point un implant gonflable injectable dans la colonne vertébrale pour soulager les douleurs chroniques — one photo / Shutterstock.com

« Une diminution du GABA signifie que les cellules du cerveau ne peuvent plus communiquer correctement entre elles », explique Gustin. « Lorsqu’il y a une diminution de ce neurotransmetteur, nos actions, nos émotions et nos pensées sont amplifiées. »

« Tout commence par le stress »

L’équipe avait précédemment observé de faibles niveaux d’un autre neurotransmetteur essentiel dans le cortex préfrontal médian des personnes souffrant de douleurs chroniques. Ces travaux établissaient un lien direct entre les faibles niveaux de glutamate dans cette région cérébrale et l’augmentation des sentiments de peur et d’inquiétude. Si Gustin rappelle que les nouvelles recherches n’apportent pas la preuve d’un lien de cause à effet entre la douleur chronique et ces changements cérébraux, elle évoque un mécanisme pouvant potentiellement l’expliquer.

« Tout commence par le stress », explique la chercheuse. « Quand quelqu’un souffre, les niveaux des hormones de stress comme le cortisol augmentent, et celles-ci sont susceptibles de déclencher des hausses massives des niveaux de glutamate. Cela se produit pendant la phase initiale et aiguë de la douleur. »

Il est possible que les cellules immunitaires de certaines parties du cerveau tentent alors de réguler ces anomalies. Mais dans le contexte de la douleur chronique, cela entraîne une dérégulation à long terme des neurotransmetteurs clés nécessaires à la gestion des émotions. « À la suite de cette perturbation, une personne peut se retrouver privée de sa capacité à ressentir des émotions positives, telles que le bonheur, la motivation et la confiance, et il n’est pas facile de la rétablir », souligne Gustin.

Un futur traitement ciblé

D’après les chercheurs, de telles observations suggèrent qu’un futur traitement pourrait cibler spécifiquement les niveaux de GABA et de glutamate dans le cortex préfrontal médian afin d’améliorer l’état mental des personnes souffrant de douleurs chroniques. Bien qu’il existe déjà des médicaments conçus pour influencer ces niveaux, ceux-ci agissent sur l’ensemble du système nerveux central humain.

« Pour qu’un médicament puisse soulager efficacement les personnes souffrant de douleurs chroniques en provoquant peu d’effets secondaires, il devra cibler le cortex préfrontal médian », détaille Gustin. « En attendant, les programmes thérapeutiques peuvent les aider à apprendre à mieux réguler leurs émotions négatives. Nous ne sommes peut-être pas encore en mesure de résoudre ce problème de manière pharmacologique, mais le cerveau est suffisamment plastique pour apprendre de nouvelles techniques pouvant contribuer à atténuer ce déséquilibre chimique. »

« Il est important de se rappeler que ce n’est pas vous le problème, quelque chose se passe physiquement dans votre cerveau », ajoute la chercheuse. « Nous ne savons pas encore pourquoi cela se produit mais nous travaillons pour trouver des solutions qui changeront cela. »

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