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Des animaux disparus bientôt recréés en laboratoire : les essais sur cellules de mammouth entrent dans une nouvelle phase

Scientifique en blouse blanche marchant entre des cuves contenant des animaux hybrides génétiquement modifiés
Des expériences biologiques troublantes : ces animaux modifiés défient les lois de la nature dans un laboratoire à l’esthétique clinique.

Et si la science, comme dans Jurassic Park, parvenait à faire renaître le mammouth ? Une start-up américaine assure être sur le point d’y parvenir, en modifiant les cellules d’éléphant pour leur conférer des traits de cet animal mythique. Mais derrière cette prouesse technologique se cache un débat scientifique, éthique et écologique bien plus complexe que la promesse d’un retour des géants laineux. Plongée dans un projet fascinant… et controversé.

Transformer un éléphant en mammouth : prouesse génétique ou illusion de résurrection ?

Remus, Romulus et Khaleesi. Non, ce n’est pas le casting d’un préquel de Game of Thrones, mais les noms donnés aux trois « loups terribles » créés par la société américaine Colossal Biosciences, en avril dernier. Une démonstration de force génétique qui annonce un projet encore plus spectaculaire : faire renaître un mammouth.

Mais de quoi parle-t-on vraiment ? Il ne s’agit pas de cloner un mammouth, faute d’ADN complet et intact. La technique repose sur la réécriture génomique : on compare l’ADN du mammouth reconstitué à celui de l’éléphant d’Asie, puis on modifie certains gènes pour exprimer des traits spécifiques du géant laineux.

Dit comme ça, cela ressemble à un copier-coller sophistiqué. Mais la réalité est bien plus complexe : entre les 60 millions de différences génétiques et la capacité actuelle à n’en modifier qu’une petite dizaine, l’écart est abyssal. Résultat : on obtient au mieux un éléphant modifié, pas un mammouth véritable. Il n’aura ni ses comportements ancestraux, ni son intelligence sociale, ni son rapport au monde. Juste quelques poils de plus, et beaucoup de fantasmes en prime.

Désextinction : innovation brillante ou mirage dangereux pour la biodiversité ?

Ce projet soulève de nombreuses critiques du monde scientifique. Car derrière le rêve de ressusciter des espèces disparues, se cachent de véritables dilemmes éthiques et écologiques.

D’abord, il y a l’animal. Peut-on imposer à un éléphant captif de devenir mère porteuse d’un embryon expérimental ? Que dire des risques pour sa santé, de la gestation, des essais multiples nécessaires ? À ce jour, aucun troupeau sauvage ne sera utilisé, ce qui réduit les possibilités et accentue les tensions autour de l’éthique animale.

Ensuite, il y a l’impact écologique. Réintroduire un mammouth aujourd’hui n’a aucun sens biologique : il ne retrouvera pas son écosystème d’origine, ni sa fonction dans la chaîne alimentaire. Et sans diversité génétique, impossible de constituer une population viable.

Enfin, il y a un risque de dérive idéologique. Si l’on pense pouvoir ressusciter ce qu’on a détruit, pourquoi se battre pour ce qui reste ? Ce raisonnement, déjà repris par certains décideurs politiques aux États-Unis, pourrait saper les efforts de conservation actuels. Un discours séduisant… mais dangereux, préviennent les spécialistes.

Peut-on recréer le vivant sans trahir sa nature ?

Colossal Biosciences l’assure : leur objectif est aussi de sauver des espèces existantes grâce à la génétique. Modifier certains gènes pour renforcer une population fragile, créer des individus résistants, mieux adaptés… L’idée n’est pas absurde. Mais elle demande de la prudence, de la transparence et une vraie réflexion collective.

En attendant, le mammouth reste une chimère. Ce que la science touche aujourd’hui, ce sont les limites du vivant et les questions vertigineuses qu’il soulève. Peut-on tout faire ? Et surtout : doit-on tout faire ?

Par Eric Rafidiarimanana, le

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