Google a annoncé la création d’une phase unique de la matière à l’aide de son ordinateur quantique Sycamore. Ce « cristal temporel » peut théoriquement passer d’un état à un autre indéfiniment, sans apport d’énergie.
Une étape clef
Un cristal peut se former à partir d’un matériau lorsque ses composants forment des motifs stables et répétitifs. À ce stade, on estime que celui-ci a perdu sa symétrie spatiale : il n’a plus la même apparence sous tous les angles. En 2012, Frank Wilczek, du MIT, avait suggéré que, puisque la relativité générale définissait le temps comme une quatrième dimension, un matériau pourrait également perdre sa symétrie temporelle. Ce qui impliquait qu’un cristal temporel alterne éternellement entre deux états, sans utiliser ni perdre d’énergie, et présente des motifs répétitifs dans le temps plutôt que l’espace.
Si le chercheur admet que l’idée d’un mouvement perpétuel semble violer les lois de la thermodynamique, il estime que cela est principalement lié au fait que les scientifiques les ayant énoncées il y a longtemps « n’étaient pas conscients de toutes les subtilités de la mécanique quantique », permettant notamment de créer des systèmes sans friction. Au fil des années, ce concept est devenu de plus en plus plausible, avec différentes équipes affirmant être parvenues à créer un cristal temporel.
Dans le cadre de travaux pré-publiés sur le serveur arXiv, un groupe de recherche incluant des scientifiques de Google, du MIT et de l’université de Stanford a utilisé l’ordinateur quantique Sycamore afin de fabriquer « le cristal temporel le plus fidèle à la définition stricte jamais produit ».
Les scientifiques ont utilisé 20 qubits (des bits quantiques pouvant maintenir deux états simultanément) de Sycamore pour représenter une chaîne de données avec un spin aléatoire. Ces valeurs ont ensuite été finement ajustées à l’aide d’une technique appelée localisation à plusieurs corps, où l’interférence entre les particules les fige sur place, même lorsqu’elles auraient tendance à s’éloigner les unes des autres en raison de l’équilibre thermique. Dans cet état délicat, les qubits inversaient spontanément et simultanément leur spin pour créer un nouveau modèle de données, puis revenaient à leur état initial, encore et encore.
D’importantes implications
Wilczek est évidemment ravi de voir son hypothèse confirmée expérimentalement. « C’est assurément une étape importante, et je pense qu’à certains égards, les implications sont encore plus importantes pour l’informatique quantique, car il s’agit du premier problème concret qu’une telle machine a effectivement contribué à résoudre », explique-t-il. « On pourrait presque comparer cette expérience au fait qu’un ordinateur traditionnel plante et tombe dans une boucle infinie. »
Les cristaux temporels pourraient à terme permettre d’accroître la fiabilité et la précision des ordinateurs quantiques, mais devraient dans un premier temps être utilisés comme outils de mesure de haute précision. Wilczek évoquant notamment des sondes sensibles à certains types de champs externes qui pourraient être utilisées dans toutes sortes d’expériences électriques et magnétiques.
Par Yann Contegat, le
Source: New Scientist
Étiquettes: google, ordinateur-quantique, cristal-temporel, sycamore
Catégories: Technologie, Actualités