Chaque année, les chercheurs identifient deux à quatre nouveaux virus apparus suite à l’intrusion de l’Homme dans le monde sauvage. Et selon le biologiste américain Thomas Lovejoy, considéré comme « le parrain de la biodiversité », n’importe lequel de ces virus serait susceptible d’engendrer une pandémie.

« Ce n’est pas une revanche de la nature, mais une punition que nous nous sommes auto-infligée »

« Cette pandémie est la conséquence de notre intrusion persistante et excessive dans la nature, du vaste commerce illégal d’animaux sauvages, ainsi que des marchés humides en Asie du Sud et des marchés de viande de brousse en Afrique. C’est assez évident, ce n’était qu’une question de temps avant qu’un tel phénomène ne se produise », avance Lovejoy, chercheur principal à la Fondation des Nations unies et professeur de sciences de l’environnement à l’université George Mason.

Les marchés humides sont des marchés traditionnels qui vendent des animaux vivants (d’élevage et sauvages) ainsi que des fruits, des légumes et du poisson frais, souvent dans des conditions d’hygiène insuffisantes. Présents dans toute l’Afrique et l’Asie, ceux-ci fournissent de la nourriture à des centaines de millions de personnes. Le marché de Wuhan, vraisemblablement à l’origine de la pandémie de Covid-19, contenait un certain nombre d’animaux sauvages, dont des renards, des rats, des écureuils, de jeunes loups ou des salamandres.

Selon le scientifique américain, séparer les animaux sauvages des animaux d’élevage sur les marchés contribuerait à réduire considérablement le risque de transmission du virus, en diminuant le nombre d’espèces hôtes potentielles.

« Dans l’idéal, la stratégie consisterait à réduire certaines activités de sorte que la probabilité de ce type de transmission devienne suffisamment faible pour qu’il soit sans conséquence. La grande difficulté, c’est que si vous fermez ce type de marchés, les animaux se retrouveront sur le marché noir, ce qui rendra la gestion de ce type d’activités encore plus compliquée », pointe Lovejoy. « Ce n’est pas une revanche de la nature, mais une punition que nous nous sommes auto-infligée. Pour éviter ce type de situation, il faudrait adopter une approche globale beaucoup plus respectueuse de la nature. »

Ces commentaires font écho aux conclusions d’une étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B au début du mois, qui suggérait que la cause sous-jacente de la présente pandémie était probablement l’augmentation des contacts entre l’Homme et la faune sauvage.

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« Les interdictions et les restrictions sans discernement risquent d’être inéquitables et inefficaces »

Les experts sont divisés sur la manière de réglementer le vaste commerce des animaux, beaucoup s’inquiétant de l’impact que cela aurait sur les populations les plus pauvres. Bien qu’une action urgente concernant le commerce des animaux sauvages soit nécessaire selon Amy Dickman, biologiste spécialiste de la conservation à l’université d’Oxford, la chercheuse se dit « alarmée » par les appels à des interdictions aveugles du commerce des animaux sauvages.

Elle est l’une des 250 signataires d’une lettre ouverte adressée à l’Organisation mondiale de la santé et au Programme des Nations unies pour l’environnement, précisant que toute transition doit contribuer, et non pas nuire, aux moyens de subsistance des populations les plus vulnérables, dont la survie dépend souvent des ressources sauvages :

« La pandémie de Covid-19 inflige des coûts sociaux et économiques sans précédent aux pays et aux communautés, les pauvres et les personnes vulnérables étant les plus touchés. Les liens présumés du virus avec un « marché humide » chinois ont conduit à des appels à l’interdiction des marchés humides et à la restriction ou à l’arrêt du commerce, de l’usage médical et de la consommation d’animaux sauvages. Cependant, les interdictions et les restrictions sans discernement risquent d’être inéquitables et inefficaces. »

Des restrictions trop simplistes et sans discernement auraient pour effet d’exacerber la pauvreté et les inégalités, ce qui entraînerait une augmentation de la criminalité et aurait également pour effet de décupler l’exploitation de nombreuses espèces déjà menacées. Les scientifiques s’inquiètent également des conséquences d’une interdiction pure et simple sur un certain nombre de populations indigènes, notamment les tribus d’Amazonie ou celles vivant le long du fleuve Orénoque, qui s’apparenterait à une « attaque » contre leurs moyens de subsistance.

Avis que partage la porte-parole de l’ONG camerounaise FCTV : « La viande de brousse est très importante pour les populations vivant dans des régions reculées, car elle constitue leur principale source de protéines animales. Ces décisions sont souvent prises dans des bureaux par des gens n’ayant pas conscience de notre réalité. »

Selon le Forum économique mondial, la pandémie coûtera à l’économie mondiale des sommes absolument colossales et impactera davantage les communautés vulnérables
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athena
athena
3 années

Et si, comme Gandhi l’avait tenté, on se mettait enfin sérieusement à limiter les naissances ?!
A consommer (et maltraiter) toute forme de vie animale, les humains finiront par devenir ou redevenir cannibales !

mathieu
mathieu
3 années

depuis probablement depuis des milliers d’années il existe des pandémies qui ravagent régulièrement les humains, la pandémie actuelle est un pipi de chat par rapport aux épidémies de variole, de peste ou de choléra du passé