Et si votre manga pouvait vous éduquer à l’écologie ? C’est en tout cas le cas de Colère Nucléaire, une création surprenante qui reprend des thèmes d’actualité en dénonçant l’utilisation du nucléaire grâce à un personnage colérique et engagé. Lumière sur une œuvre pour le moins originale.
Satô est en colère. Salaryman tokyoïte, il fait partie des quelques habitants de la ville à s’engager contre le nucléaire et pour cause, il se souvient de la catastrophe qui a frappé le nord-est du Japon en mars 2011. Après le tsunami qui a touché le pays, les explosions dans la centrale de Fukushima Daiichi l’ont marqué et contrairement aux autres citoyens, il n’a pas oublié le choc de voir son pays trembler. Sur toutes les pages de l’œuvre, on l’observe réfléchir, se documenter et descendre dans la rue pour se joindre à ses congénères en colère lors de manifestations.
Voilà l’histoire de Colère Nucléaire : celle d’un jeune homme effaré par la situation de son pays et sa dépendance à l’énergie nucléaire malgré les preuves de sa dangerosité. Dans ce manga, Satô n’est rien d’autre que l’alter ego de son auteur, Takashi Imashiro, qui utilise son travail pour exposer son anxiété et ses réflexions sur le monde. Ce n’est pas la première fois que l’auteur s’illustre par un scénario engagé et si ses habituelles créations sont portées sur l’humour et la légèreté, il s’offre toujours le droit de placer, ici et là, quelques thématiques sérieuses. Avec Colère Nucléaire, il s’éloigne de son domaine de prédilection et cette série de trois volumes, rédigée seulement quelques mois après la catastrophe, dénote dans sa bibliographie.
Publié durant la COP 21 (2015), le manga a une réelle valeur politique et remet sur le devant de la scène une thématique importante de notre époque. Si vous vous aventurez dans les pages de Colère Nucléaire, il y a de grandes chances pour que vous vous mêliez au sentiment du personnage : dans un premier temps choqué par les conséquences humaines, sociales et économiques des explosions, vous commencerez, vous aussi, à sentir la colère monter en assistant à la banalisation de ces événements.
Vous l’aurez compris, Colère Nucléaire est bien plus qu’un manga basé sur de la fiction : ici, l’actualité est reine et même en dehors du récit puisque Takashi Imashiro profite des pages restantes de son livre pour publier une préface, ainsi qu’un entretien avec des hommes politiques et des grandes figures japonaises de l’écologie.
Manga-documentaire, Colère Nucléaire ne se contente pas de cracher sur le nucléaire mais dénonce aussi toute l’économie qui en dépend, au même titre que les lobbies faisant pression sur le gouvernement. Il n’hésite pas à critiquer les grandes entreprises nationales qui, bien qu’ayant les moyens de changer la donne, préfèrent fermer les yeux profitant de la passivité des citoyens.
C’est un véritable cri de rage que l’auteur fait passer au lecteur grâce à des dessins simples, un brin caricaturaux mais idéaux pour faire passer son idée. Quelques traits suffisent à comprendre l’état d’esprit du personnage et si la situation peut paraître lointaine au lecteur français, les efforts de l’auteur en matière de documentation nous permettent de nous immerger dans l’histoire à grande vitesse.
L’éditeur a, lui aussi, sa part de responsabilité dans la réussite qu’est ce manga : pour simplifier la compréhension d’une culture qui nous est étrangère, Akata a pris soin de placer des notes sur près de 8 pages d’explications. 5 ans après le drame de Fukushima, les auteurs, illustrateurs et éditeurs de la série nous replongent dans la catastrophe pour nous forcer à nous questionner sur l’avenir.
Véritable OVNI dans le monde du manga, Colère Nucléaire ne laisse pas le lecteur indifférent et si le sujet peut sembler rébarbatif, Takashi Imashiro arrive à le rendre passionnant. Impossible de rester insensible à cette création surprenante qui nous dévoile les dessous et les conséquences d’un des événements les plus marquants de ces dernières décennies pour nous éduquer à l’écologie. Quel autre manga sur cette thématique avez-vous lu ?
Par JJJ, le
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