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Le mystère du col Dyatlov vient peut-être d’être résolu par des chercheurs suisses

En 1959, neuf skieurs russes avaient trouvé la mort dans des conditions plus qu’étranges

La tente telle que découverte par les enquêteurs soviétiques le 26 février 1959 — © Russian Federation / Wikimedia Creative Commons

Ayant donné lieu à de nombreuses théories, plus ou moins farfelues, au fil des décennies, l’incident du col Dyatlov, au cours duquel plusieurs skieurs russes avaient trouvé la mort dans des conditions plus qu’étranges, vient peut-être d’être résolu.

Un mystère tenace

En 1959, neuf skieurs/randonneurs russes mourraient lors d’une expédition à ski dans les montagnes de l’Oural, dans ce que l’on appelle aujourd’hui l’incident du col Dyatlov. Alors qu’une enquête criminelle soviétique avait à l’époque évoqué une « force naturelle impérieuse et inconnue », de nombreuses théories concernant la cause de leur décès avaient été avancées au cours des décennies suivantes, mais aucune ne s’était révélée convaincante. Dans le cadre de travaux présentés dans la revue Communications Earth & Environment, des chercheurs suisses ont réhabilité une théorie jusqu’alors rejetée, impliquant une avalanche.

« Il s’agit d’un très bel exemple de la façon dont la science peut être utilisée pour résoudre des problématiques nimbées de mystère et autour desquelles gravitent de nombreuses théories conspirationnistes », a estimé Dieter Issler, de l’Institut géotechnique norvégien d’Oslo, qui n’a pas participé aux travaux.

Les faits établis par l’enquête initiale étaient les suivants : Le 1er février 1959, les randonneurs avaient installé leur campement sur le versant de la montagne Kholat Syakhl. Après minuit, ils s’étaient frayé un chemin hors de leur tente et s’étaient dirigés vers la forêt, située à plus d’un kilomètre. Cette nuit-là, la température était inférieure à -25 °C. Pourtant, certains membres de l’expédition avaient été retrouvés en sous-vêtements ou les pieds nus.

La principale cause de décès était l’hypothermie, mais quatre randonneurs présentaient de graves blessures au thorax ou au crâne et deux avaient été retrouvés avec les yeux arrachés et un autre avec la langue coupée. Rouverte successivement en 2015 et 2019 par la Fédération de Russie, l’enquête avait conclu qu’une avalanche était à blâmer.

Le groupe de skieurs en route pour le col Dyatlov — © theCHIVE — Wikimedia Creative Commons

De nouveaux travaux confortant la théorie de l’avalanche

Loin d’être nouvelle, une telle théorie avait été précédemment remise en question par le public et rejetée par les proches des skieurs. Quatre arguments principaux s’opposaient à cette hypothèse : les deux premiers points concernaient l’angle de la pente, jugé insuffisant pour générer un tel phénomène, ainsi que l’absence d’éventuelles traces de son passage.

« La topographie unique du lieu peut expliquer cela », estime Alexander Puzrin, chercheur à l’Institut d’ingénierie géotechnique de Zurich et co-auteur de l’étude. « Alors que la neige semblait former un angle de 23 degrés, le sol en dessous présentait plusieurs courbes en escalier qui rendaient l’angle moyen plus proche de 28 degrés, suffisant pour provoquer une avalanche, qui ne laisserait cependant pas de traces typiques. »

Le troisième argument était lié à l’éventuel déclencheur. « Ils ont taillé la pente afin d’installer la tente, comme le montre leur dernière photo, ce qui a créé une plaque de neige en haut de la pente », poursuit Puzrin. « Normalement, quand vous découpez une telle dalle, si elle est instable, elle cède immédiatement, ce qui ne s’est pas produit ici. Elle s’est rompue neuf à treize heures plus tard. »

« Il n’y a pas eu de chute de neige cette nuit-là, mais un vent très fort, causé par un front froid venant de l’Arctique », poursuit le chercheur. « Donc c’était comme si quelqu’un était venu pelleter la neige et l’avait entassée sur la pente, au-dessus de la tente. »

En haut : Schéma illustrant la structure de la neige en amont de l’avalanche. En bas : L’équipe a effectué des simulations de l’impact d’une plaque de neige sur le corps humain – © Gaume / Puzrin / Communications Earth & Environment Creative Commons

« Dans ce genre d’environnement hostile, quitter un abri dévêtu est suicidaire »

Le quatrième contre-argument était que les blessures subies étaient plus graves que celles habituellement causées par des avalanches. Grâce à une simulation avancée, les chercheurs suisses ont pu déterminer que la force exercée par la chute de la dalle de neige aurait pu conduire à de telles lésions. « Il s’agissait en fait du même programme utilisé par Disney pour le rendu de la neige dans le film d’animation La Reine des neiges », détaille Puzrin.

Une explication toutefois loin de satisfaire l’ensemble du monde scientifique. « Cela n’explique pas pourquoi ces personnes, après avoir été touchées par une avalanche, se sont enfuies dans la neige sans leurs vêtements. Dans ce genre d’environnement hostile, quitter un abri dévêtu est suicidaire », souligne Jim McElwaine de l’université de Durham au Royaume-Uni.

« Pour que les randonneurs se soient résolus à faire cela, ils devaient être terrifiés par quelque chose. L’hypothèse la plus probable étant que l’un d’entre eux soit devenu fou pour une raison quelconque », poursuit le scientifique britannique. « Je ne ne vois pas pourquoi ils se seraient comportés de cette façon, à moins qu’ils n’aient essayé de fuir quelqu’un qui les traquait. »

Par Yann Contegat, le

Source: New Scientist

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