Contribuant à combler les énormes lacunes concernant l’histoire de ces créatures étonnantes, la découverte d’une mâchoire de Desmodus draculae pourrait permettre de mieux cerner les raisons de la disparition de cette chauve-souris géante.
« C’est la seule famille de chauves-souris au monde qui suscite la curiosité »
Les chauves-souris sont aujourd’hui extrêmement diversifiées. Apparues il y a environ 50 millions d’années, elles représentent environ 20 % de toutes les espèces de mammifères connues, ce qui s’avère considérable. Si cela suggère une présence marquée au sein du registre fossile, c’est toutefois loin d’être le cas. Les données dont disposent les scientifiques sont notoirement pauvres et inégales, ce qui rend chaque découverte les concernant précieuse, surtout lorsqu’il s’agit de chauves-souris vampires.
« C’est la seule famille de chauves-souris au monde qui suscite la curiosité, en raison des légendes transylvaniennes et de l’effrayant comte Dracula », explique le paléontologue Mariano Magnussen. « Mais en réalité, ce sont des créatures paisibles qui se nourrissent du sang des animaux, et parfois des humains, pendant quelques minutes sans conséquences pour ces derniers…. sauf lorsqu’elles sont infectées par certaines maladies, comme la rage. Leurs représentants préhistoriques avaient certainement des comportements similaires. »
Aujourd’hui, seules trois des quelque 1 400 espèces de chauves-souris connues sont des chauves-souris vampires, ou Desmodontinae – celles qui vivent uniquement du sang d’autres créatures, appelées hématophages. Ne pouvant être trouvées qu’en Amérique centrale et du Sud, Desmodus rotundus, Diphylla ecaudata et Diaemus youngi se révèlent proches, ce qui suggère que l’hématophagie n’a évolué qu’une seule fois chez les chauves-souris et que toutes les espèces de chauves-souris vampires, existantes et éteintes, ont toutes divergé à partir d’un ancêtre commun.
Une espèce assez mal connue
Les fossiles d’espèces de chauves-souris vampires éteintes peuvent nous aider à comprendre pourquoi les espèces d’aujourd’hui ont survécu. « L’importance de ces fossiles est multiple », estime le paléontologue Santiago Brizuela. « Les restes de chauves-souris fossiles sont rares en Argentine et cela confirme également la présence de l’espèce aux latitudes moyennes et au Pléistocène [le seul autre échantillon de l’espèce en Argentine est bien plus jeune]. »
Nous savons globalement peu de choses sur D. draculae, dont la première description formelle remonte à 1988. Celle-ci a vécu pendant le Pléistocène en Amérique centrale et du Sud, jusqu’à assez récemment : des restes suffisamment jeunes pour ne pas s’être fossilisés ont été découverts, suggérant qu’elle ne s’est peut-être éteinte qu’il y a quelques centaines d’années. Il s’agit également de la plus grande chauve-souris vampire connue, se révélant environ 30 % plus grande que sa plus proche parente vivante, la chauve-souris vampire commune, avec une envergure estimée à environ 50 cm.
Décrite dans la revue Ameghiniana, la mâchoire a été récupérée dans des sédiments datant du Pléistocène, à l’intérieur d’une grotte située à proximité de Buenos Aires, qui se trouvait être l’antre d’un paresseux géant, probablement de la famille des Mylodontidae, à l’époque où la chauve-souris vivait. Ce qui constituerait un important indice concernant le mode de vie de D. draculae.
Le changement climatique comme cause possible de la disparition de D. draculae
Certains chercheurs pensent que ces chauves-souris géantes se nourrissaient de rongeurs ou de cerfs, mais d’autres soupçonnent que leurs proies étaient plutôt des représentants de la mégafaune. La découverte de restes d’une chauve-souris si étroitement associée à l’habitat des Mylodontidae pourrait signifier que cette dernière hypothèse est correcte. Si tel est le cas, cela serait cohérent avec les théories selon lesquelles l’espèce de chauve-souris a décliné suite à l’extinction de la mégafaune il y a environ 10 000 ans, bien qu’il soit impossible de statuer définitivement avec un seul spécimen.
La chauve-souris vampire commune ayant élu domicile à environ 400 kilomètres au nord de l’endroit où les restes ont été découverts, cela suggère également que le climat du site fossilifère était très différent il y a 100 000 ans et a pu jouer un rôle dans le déclin et la disparition de D. draculae.
Par Yann Contegat, le
Source: Science Alert
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