L’Allemagne actuelle compte sur son territoire les ruines de nombreux forts construits par l’Empire romain. Sur le site de l’un d’entre eux, à Saalburg, on a retrouvé une collection exceptionnelle d’objet d’artisanat en tous genres. Parmi ces objets, de nombreuses chaussures. Retour sur une spécialité de la Rome antique.

Aux confins de l’empire

Les limites septentrionales de l’empire romain se situent aujourd’hui en Allemagne. A cette époque, de nombreux forts militaires protègent des incursions des peuples germaniques du nord. Ce dispositif militaire frontalier, appelé Limes, complète les remparts naturels que constituent les fleuves du Danube et du Rhin (sur lesquels aucun pont n’est construit).

Pendant des siècles, ces vestiges sont restés à l’abandon. Mais au XIXè siècle, un intérêt croissant pour l’archéologie se développe en Allemagne. En 1892, la Commission impériale sur le limes se donne pour mission de retrouver le tracé de la frontière fortifiée et de chacun des forts qui la composent.

Le Saalburg est reconstruit cinq ans plus tard sous l’impulsion de l’empereur Guillaume II lui-même. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2005, il est le mieux conservé de ces sites. Son musée abrite en outre une formidable collection d’objets d’époque, dont différents types de chaussures.

L’entrée du Saalburg © Wikimédia / Carole Raddato

 

Un artisanat développé

La Rome antique est connue pour son faste, sa puissance militaire, ses pièces de théâtre, son Sénat, ses marchands ou encore ses gladiateurs. Mais parmi les innombrables innovations de cet Empire, qui conquit depuis la péninsule italienne une bonne partie du monde connu, la chaussure ne doit pas être oubliée.

Car s’ils ne l’ont pas inventé (son origine reste inconnue), les romains ont largement diffusé le tannage végétal dans le nord de l’Europe. Cette procédé chimique de traitement du cuir permet (à la différence du tannage par la fumée, l’huile ou la graisse), d’obtenir un produit fini souple et résistant aussi bien à l’eau qu’à la décomposition organique.

Les romains excellaient donc dans cet art, et ont inventé un grand nombre de modèles différents. A notre connaissance, ils furent d’ailleurs les premiers à généraliser au sein de leur population l’usage de plusieurs paires en même temps : certaines pour l’intérieur, les solae (simples sandales en cuir formée d’uns simple semelle), d’autres pour l’extérieur, les calcei. Ces chaussures de villes, couvrant l’ensemble du pied et montant jusqu’en haut des villes, symbolisaient la citoyenneté.

Les chaussures romaines © reddit / Mictlantecuhtli

La Naissance de la mode

Dans une société marquée par la stricte division entre les différentes classes sociales, les chaussures étaient à Rome en moyen de se distinguer. Les soldats portaient une chaussure réglementaire, la caliga. Cette sandale en cuir à lacets, avec sa semelle en cuire cloutée, était portée par les soldats des îles britanniques jusqu’à la Perse, tant et si bien qu’elle finit par symboliser le soldat. Le troisième empereur Romain (37-41), de sinistre mémoire, lui doit par exemple son nom : enfant, il accompagnait sa mère qui suivait souvent son mari dans les camps militaires, et ses bottines adaptées à ses petits pieds lui ont valu le surnom de « Caligula » (diminutif de caliga).

Dans la vie civile, les romains avaient heureusement plus de choix. Mais ce choix était contraint par la taille des bourses et par le poids de la loi. Rien de commun en effet entre un esclave pied-nu, ou au mieux chaussé d’un sabot (le sculponae) pour les travaux des champs, et le faste arboré par les patriciens. Ivoire et gemmes ornent la calceus senatorius à semelle d’argent ou d’or. Seule la couleur de ces chaussures de luxe correspond à un code : rouges pour l’ordre sénatorial, noires pour l’ordre équestre.

La chaussure avait pour les Romains le but d’être adapté et pratique avant tout. Mais elle renseignait aussi, comme beaucoup d’autres vêtements, sur la condition social de son porteur. Alors produit de luxe, les artisans de l’Empire en ont alors fait un art que perpétuent aujourd’hui leurs lointains successeurs en Italie !

Une reconstruction de la Rome antique © FlickR / Carole Raddato
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