Entre le sucre et le cancer, c’est une vieille histoire d’amour que la communauté scientifique a identifié depuis bien longtemps. Une relation connue et établie dont le fonctionnement demeurait jusque-là insaisissable. Ce n’est plus le cas. Grâce à un projet de recherche vieux de 9 ans, des scientifiques belges ont fait une découverte fracassante : ils ont réduit le mécanisme par lequel les cellules cancéreuses métabolisent le sucre.

 

L’effet Warburg

Quasiment toutes les cellules du corps humain ont besoin d’énergie pour fonctionner, et c’est notamment dans les sucres de nos aliments qu’elles la puisent. Les cellules cancéreuses ont elles aussi besoin de sucres pour proliférer, mais leur consommation est bien plus vorace que celle des cellules saines. Leur vitesse de fermentation du glucose en acide lactique est aussi beaucoup plus importante ! Ce phénomène biologique connu sous le nom d’effet Warburg – un effet métabolique connu depuis près de 90 ans – pourrait selon plusieurs hypothèses scientifiques avoir une incidence directe sur la rapide propagation du cancer. Mais il reste difficile de déterminer si l’effet Warburg relève du symptôme ou de la cause du cancer.

« Nos travaux révèlent comment la consommation effrénée de sucres chez les cellules cancéreuses mène à un cercle vicieux qui stimule et accélère l’expansion du cancer »

Johan Thevelein

Selon toute vraisemblance, il est envisageable d’entraver le développement des cellules cancéreuses en les privant de sucre. Mais un problème de taille se pose lorsque l’on en vient à sérieusement considérer cette « solution » : il n’existe aucune méthode capable d’assurer l’approvisionnement des cellules saines, tout en interrompant celui des cellules cancéreuses… C’est pourquoi le mécanisme biologique à l’origine du métabolisme de l’augmentation du glucose est important : il détient peut-être la clé pour affamer les cellules infectées sans pour autant endommager les cellules demeurées intactes ! Nous n’y sommes pas encore, mais cette découverte nous rapproche de cette optique à pas de géant.

Test levure, test

L’équipe scientifique à l’origine de cette impressionnante trouvaille est rattachée à l’université de KU Leuvein en Belgique, et dirigée par Johan Thevelein : « Il nous est désormais possible d’expliquer la corrélation entre la force de l’effet Warburg et l’agressivité des tumeurs. Ce lien entre sucre et cancer a des conséquences radicales. » Johan Thevelein et son équipe ont utilisé de l’extrait de levure pour leurs recherches, en s’attachant spécifiquement à la famille génétique des « Ras », une  protéine présente dans les cellules cancéreuses humaines et animales. La particularité de la protéine Ras est d’être oncogène; c’est-à-dire que l’expression de ses gènes favorise considérablement l’apparition de cancers. C’est ce qui rend cette étude centrée sur la mutation des Ras dans la levure si intéressante : les résultats de cette expérience peuvent jouer un rôle décisif dans la lutte et la recherche contre le cancer.

« Nos résultats sont une base sur laquelle s’appuieront les différentes recherches dans ce domaine. Des recherches beaucoup plus précises et pertinentes. »

La levure dispose par ailleurs d’un métabolisme glucidique très actif, même s’il est plus archaïque que celui des mammifères, dotés de processus régulateurs additionnels. Le métabolisme des glucides réfère à l’ensemble des processus chimiques par lesquels l’organisme va synthétiser, absorber et dégrader les glucides. « Nous avons observé que la dégradation du sucre dans la levure est liée au fructose 1,6-bisphosphate, qui agit comme un intermédiaire en activant les protéines Ras : cela résulte en la multiplication des cellules de levure et de cancer. ». Plus clairement, les chercheurs ont découvert que la levure subissait un afflux trop important en glucose. Généré par les protéines Ras, ce processus permet aux cellules – saines comme contaminées – de croître à une vitesse prodigieuse.

Mais Johan Thevelein veut rester prudent : cette étude cruciale n’est qu’une étape d’un processus beaucoup plus large : « Les résultats ne sont pas suffisants pour identifier la cause principale de l’effet Warburg » nuance-t-il. « De plus amples recherches sont nécessaires pour savoir si celle-ci est conservée dans les cellules de levure. » Une découverte aussi étonnante que dramatique qui nous rappelle que le sucre est à consommer en très petites quantités… Si vous n’êtes pas convaincu, Elise Lucet saura vous faire changer d’avis.

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