
Depuis quelques années, les chercheurs constatent une hausse progressive de certains cancers chez les jeunes adultes. Les cancers précoces, qui touchent les personnes de moins de 50 ans, connaissent une augmentation. Cette tendance, bien que complexe, est liée à plusieurs facteurs, selon les experts.
Une tendance discrète mais persistante
D’après une analyse récente, 14 types de cancers différents chez les jeunes sont en augmentation, les plus marqués étant ceux du sein, colorectal, rénal et utérin. Ces augmentations modestes pourraient s’accumuler au fil du temps, même si l’incidence globale des cancers précoces reste faible. Bien que rare, une augmentation de quelques pour cent par an devient significative sur plusieurs décennies, selon Miranda Fidler-Benaoudia, épidémiologiste à l’université de Calgary.
Pour mieux comprendre l’évolution des diagnostics, une équipe dirigée par Meredith Shiels, épidémiologiste au National Cancer Institute, a analysé les données de cancers détectés entre 2010 et 2019 chez les personnes âgées de 15 à 49 ans. Publiée dans la revue Cancer Discovery, leur recherche classe les résultats selon trois tranches d’âge : 15-29, 30-39 et 40-49 ans.
Les résultats montrent une hausse continue du cancer du sein et de l’utérus dans tous les groupes d’âge, tandis que les cancers colorectal et du rein ont surtout augmenté chez les groupes d’âge 30-39 ans et 40-49 ans. Ensemble, ces quatre types représentaient plus de 80 % des cas supplémentaires observés en 2019 par rapport à 2010. D’autres types de cancers en légère hausse incluent le mélanome, le cancer du col de l’utérus et celui de l’estomac, bien que leur incidence reste marginale.
Les causes d’une telle progression
Les raisons de cette hausse sont variées et dépendent souvent du type de cancer. Parmi les facteurs potentiels évoqués, l’obésité revient souvent. Elle est associée à plusieurs cancers en hausse, notamment ceux du côlon, du rein et de l’utérus. Le nombre d’adultes en surpoids ou obèses a augmenté de façon spectaculaire dans le monde depuis 1990. Si les recherches sur les liens entre cancer et obésité concernent surtout les personnes âgées, il est plausible que l’excès de poids chez les jeunes joue également un rôle dans cette évolution. En 2019, plus de la moitié des cancers de l’utérus étaient associés à l’obésité, selon une étude récente.
Concernant le cancer du sein, des changements dans les comportements reproductifs pourraient aussi être en cause. Les femmes ont désormais leurs premières règles plus tôt, ont moins d’enfants et deviennent mères plus tardivement qu’auparavant, autant de facteurs connus pour augmenter le risque de certains types de cancer du sein. Par ailleurs, bien que la pilule contraceptive puisse avoir un léger effet protecteur contre certains cancers, elle est également soupçonnée d’augmenter le risque de cancer du sein.
Une autre explication à cette augmentation pourrait être liée à une meilleure détection. Certaines personnes, en particulier celles porteuses de mutations génétiques comme les gènes BRCA ou le syndrome de Lynch, présentent un risque accru de cancer et font l’objet de dépistages précoces. Les avancées en imagerie médicale (IRM, scanners) permettent également de détecter plus précocement certains cancers, comme le carcinome rénal.
Des facteurs environnementaux, notamment des expositions durant l’enfance ou même la période prénatale, pourraient jouer un rôle dans certains cancers précoces. Par exemple, une étude publiée en avril dans la revue Nature évoque une molécule produite par certaines souches d’E. coli, la colibactine, qui pourrait provoquer des mutations génétiques favorisant le cancer colorectal chez les jeunes. Cependant, démontrer un lien direct entre une exposition et un cancer reste complexe.
Réduire les risques, même sans certitude
Même dans le cadre de telles recherches, il reste difficile de tirer des conclusions définitives. Les cas de cancers chez les jeunes adultes demeurent relativement rares, ce qui complique la constitution d’échantillons suffisamment larges pour des analyses statistiques fiables. Il faudrait des recherches à long terme, suivant les personnes sur plusieurs décennies, pour mieux comprendre ces causes, explique Meredith Shiels.
Bien qu’il soit impossible d’éliminer complètement le risque de cancer, certaines mesures peuvent réduire les probabilités au niveau de la population. Se protéger du soleil, se faire vacciner contre le papillomavirus (HPV), éviter l’alcool et le tabac font partie des gestes de prévention connus et efficaces.
« Ces pratiques peuvent réduire les risques de cancer à tout âge, pas seulement avant 50 ans », rappelle Tomotaka Ugai, spécialiste du cancer à Harvard et à l’hôpital Brigham and Women’s. Par ailleurs, cette forme de cancer est en augmentation chez les moins de 50 ans dans le monde entier.