Etudiante en master à Sciences Po Paris, Camille Etienne a pris la décision à 22 ans d’investir tout son temps dans la cause écologique et de mettre, au moins pour un temps, ses études de côté. Depuis la sortie de sa vidéo « Réveillons-nous » aux millions de vues, en mai dernier, la jeune femme est l’invitée de tous les plateaux. Aujourd’hui, nous vous proposons un portrait de cette porte-parole d’une nouvelle génération engagée et prête à élever sa voix face à l’urgence climatique. Qui est Camille Etienne et quels sont ses engagements profonds ?
LA GENÈSE DE SON ENGAGEMENT
Camille Etienne s’engage depuis longtemps mais la cause écologique n’a pas toujours été son combat. Après s’être intéressée adolescente à la délinquance juvénile, elle porte ensuite son attention sur la crise migratoire. Au lycée, elle crée notamment dans son village l’antenne régionale pour la jeunesse d’Amnesty International et se rend avec le Secours Catholique à Calais. Suite à des soucis de santé, elle renonce finalement à une carrière sportive dans le ski de fond et le biathlon qu’elle avait pratiqués en compétition.
Ce n’est que plus tard, lors de son arrivée à Paris, pour ses études à Sciences Po, que (re)naît son engagement pour l’environnement. La cause écologique avait pour elle toujours été une évidence. Petite-fille d’agriculteurs, Camille Etienne a en effet grandi dans un petit village savoyard de haute-montagne en pleine nature, avec « la forêt comme jardin ». La nature a toujours été son terrain de jeu. Au cours d’un entretien auprès du magazine Elle, Camille Etienne se livre sur son rapport à la nature, élément crucial de son engagement :
« J’ai beaucoup d’humilité face à la nature. Et encore plus avec un père guide de haute montagne, dont certains confrères y ont perdu la vie… Cela rappelle qu’elle est plus forte que nous, et nous rend insignifiants. Pour moi il était inenvisageable que nous puissions menacer l’environnement. Mais en arrivant à Sciences Po Paris j’ai réalisé que mes notions, qui me semblaient basiques comme savoir faire pousser une carotte, ne l’étaient pas pour mes camarades, plus ‘citadins’. Je trouvais alarmant que des personnes capables de parler de géopolitique pendant des heures et qui exerceront plus tard des postes de dirigeants n’aient aucune connaissance de la terre. » Racontant son histoire sur Instagram, elle écrit : « Et donc j’ai eu envie de lever ma voix. Pour protéger ce qui a été mon meilleur bac a sable : la montagne. »
La vidéo « Réveillons-nous » a été réalisée au cours du premier confinement et a fait connaître Camille Etienne du grand public en mai 2019. Les plans ont été tournés dans ses montagnes natales, en Savoie.
Au cours d’une intervention TEDx en février 2019, Camille Etienne met les agriculteurs à l’honneur, sujet qui lui tient particulièrement à cœur, étant elle-même petite-fille d’agriculteurs.
DE SCIENCES PO PARIS AU TAPIS ROUGE À CANNES EN PASSANT PAR LA FINLANDE
Apres deux années de licence en double-cursus Sciences Po et Philosophie à la Sorbonne, elle part au cours de sa troisième année de licence en Finlande où elle se forme aux sciences dites « dures » à la faculté d’agriculture et d’agroforesterie de Finlande, son objectif étant de « comprendre le vivant pour mieux le défendre en somme ».
Suite à une rencontre avec Magali Payen, fondatrice du collectif de YouTubeurs et de personnalités engagés On est prêt, elle en devient très vite la porte-parole et talent manager. La jeune militante a par ailleurs été signataire de l‘Affaire du siècle avec ce même collectif. Son intervention au Festival de Cannes en compagnie de la comédienne Lucie Lucas constitue une étape importante de son parcours.
Actuellement étudiante en master en International Management and Sustainability (Sciences Po Paris), elle a récemment pris la décision de faire une césure pour se consacrer pleinement à son engagement pour l’écologie. Elle justifie ce tournant de la manière suivante : « On vit un moment tel que je me suis dit que ça n’attendrait pas demain. Aujourd’hui, il y a un peu de lumière sur cette jeunesse dont je fais partie, et donc je profite de la tribune qu’on me donne pour crier. C’est important de saisir cette chance qu’on nous donne d’être entendus », expose-t-elle lors d’un entretien rapporté par France Inter.
LE QUOTIDIEN D’UNE ACTIVISTE
Dans une interview de septembre 2020 auprès de L’Etudiant, Camille Etienne nous livre quelques détails sur son quotidien d’activiste. Elle échange notamment avec des dirigeants d’entreprise ou bien des politiques en intervenant régulièrement à différents rendez-vous comme par exemple chez JP Morgan, au Ritz, à Sciences Po ou à l’ESSEC. Seules certaines de ces rencontres sont enregistrées puis ensuite rendues publiques. Sur des médias moins traditionnels, tels que Instagram ou YouTube, elle tente de vulgariser des informations scientifiques.
La jeune femme consacre également une partie de son temps à la lecture de rapports scientifiques et rencontre des experts tels que des membres du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Son activisme est par ailleurs fait d’actes de désobéissance civile. Il lui arrive en effet de participer aux actions du mouvement Extinction Rebellion qui consistent à éteindre les vitrines des magasins pendant la nuit : « On éteint les lumières des grands magasins qui restent allumées la nuit malgré l’interdiction ou on débouche les bouchons de glyphosate ou de Coca-Cola dans les supermarchés pour qu’ils ne soient plus vendables », raconte la militante sur sa page Facebook.
Par ailleurs, elle se rend régulièrement au Parlement européen et s’engage auprès d’autres jeunes activistes européennes telles que la Suédoise Greta Thunberg, les Belges Adelaïde Charlier et Anuna De Wever ou bien l’Allemande Luisa Neubauer.
MÉDIATISATION GRANDISSANTE : FAIRE FACE AUX CRITIQUES
Depuis la sortie de sa video « Réveillons-nous« , Camille Etienne est l’invitée de tous les plateaux : C à vous, France Inter ou France Culture.
« Partout où je peux monter sur une tribune, prendre un micro, un haut-parleur, pour défendre le vivant et tenter d’éveiller l’envie d’arrêter cette course folle et destructrice de la croissance, je troque volontiers les pancartes contre les talons », écrit-elle sur sa page Instagram.
L’intervention de Camille Etienne à l’université d’été du MEDEF en août dernier a eu une résonance toute particulière. « Il faut qu’on ose un petit peu réinventer tout ça, peut-être ça voudra dire travailler moins avec un peu plus de sens », s’exprime-t-elle lors de sa prise de parole. Interrompue à plusieurs reprises, la jeune militante reste d’aplomb malgré les ricanements de l’animatrice et d’une part de l’audience qui ne prend absolument pas au sérieux son point de vue sur la croissance.
Suite à une interview du Huffington Post, elle explique sa motivation à venir s’exprimer devant un public des plus hostiles. Faire face aux critiques est sans doute un des aspects les plus compliqués de l’activité militante : « Ce n’est pas toujours une partie de plaisir, surtout sur Twitter (…) au-delà de ça, c’est vraiment une nécessité. Un élan vers la vie. Moi si je fais tout ça, je suis là comme ça avec des talons qui me font hyper mal aux pieds alors que je pourrais être en vacances en plein mois d’août, c’est parce que c’est un élan de vie. On a pas le choix. Quand on regarde ce qu’il va se passer demain. On a pas le choix d’agir. Il se trouve que j’arrive à parler à ces gens-là. J’arrive à jouer leur jeu. Et que je ne suis pas trop nulle pour parler. Alors je le fais et on verra ou ça mène. Et on est pas pris au sérieux parce qu’on dérange. »
UN ENGAGEMENT AUX MULTIPLES FACETTES
A à peine 22 ans, la jeune femme maîtrise les nouveaux médias et en fait amplement usage.
INSTAGRAM : Inspirer, Partager, Informer
Présente sur Instagram sous le nom « Graine de Possible », elle utilise cette plateforme comme vitrine de son activisme et y partage de nombreuses ressources. Depuis quelque temps, elle a également mis en place un nouveau format de vulgarisation sur des thématiques plus complexes :
Les formats vidéo courts sur la plateforme Instagram sont aussi l’occasion pour la jeune militante de s’adresser directement aux dirigeants, parfois même avec une touche d’ironie et de sarcasme.
Face à l’impact catastrophique des allers-retours en avion sur l’environnement, Camille Etienne, ancienne grande voyageuse, a pris il y a quelque temps la décision de renoncer à ce mode de transport pourtant si prisé. C’est dans cette même continuité qu’elle a créé un second compte Instagram qu’elle nomme « Atterrissage ». Il s’agit alors de montrer avec bienveillance et de manière ludique que l’aventure est à portée de main. Voici le mot d’ordre de cette nouvelle page : « Prendre conscience, atterrir en douceur, être heureux (ou comment rendre sexy des vacances en Ardèche). » De plus, la jeune femme tente d’inspirer sa communauté en partageant ses micro aventures en France, en voyageant en stop et en dormant chez l’habitant.
YOUTUBE
Depuis quelque temps, Camille Etienne publie régulièrement des vidéos de vulgarisation et de décryptage sur l’environnement en collaboration avec le réalisateur Solal Moisan pour On est prêt.
PODCAST « Graine de Possible »
Camille Etienne a également lancé un podcast nommé « Graine de Possible » à l’instar de son compte Instagram pour lequel la jeune femme est partie à la rencontre de personnes qui changent le monde, « des inventeurs d’histoire vraie, des réchanteurs réalistes, des bâtisseurs d’espoir ». Voici quelques extraits de l’introduction :
« 12 ans, à en croire les experts, c’est a peu près le nombre d’années qui nous restent pour inverser la tendance, pour quitter cette course folle et inventer un nouveau monde. C’est le moment. Alors aujourd’hui, je vous propose de me suivre à la rencontre de ceux qui on décidé d’y croire (…) Il a neigé des micro-plastiques en haut du Mont Blanc et ils ont envahi les fins fonds de nos océans. Pourtant on continue cette course folle comme si on ne nous avait pas dit qu’il y avait une ligne d’arrivée et qu’on l’avait déjà franchie. (…) On persévère dans un monde où chaque minute une personne meurt d’avoir le ventre trop vide et 5 de l’avoir trop plein, où le selfie est plus mortel que le requin, où il faudrait 3 planètes pour continuer sur le même chemin. (…) aujourd’hui j’aimerais vous proposer quelque chose : et si on les attendait pas ; et si nous, ensemble, on décidait d’y croire, de quitter cette course folle et de ralentir. Partout dans le monde, des initiatives positives commencent à germer, une révolution joyeuse est en train de s’éveiller. »
L’introduction de son podcast « Graine de Possible » est à l’image de l’engagement de Camille Etienne qui crie un espoir réaliste et poétique.
L’ART AU SERVICE DE LA CAUSE ÉCOLOGIQUE
Convaincue du rôle à jouer des artistes dans cette révolution qu’elle nomme « joyeuse », Camille Etienne s’était rendue avec Cyril Dion, Lucie Lucas et d’autres jeunes activistes d’Europe au Festival de Cannes afin de « demander aux raconteurs d’histoires d’inventer le monde de demain ». Il est en effet essentiel pour la jeune femme de soutenir « ceux qui ont le pouvoir de nous réveiller par leurs images », décrit-elle sur sa page Instagram. Elle est par ailleurs intervenue au Festival de Luchon au côté de Yann Arthus-Bertrand, événement qui rassemble de nombreux professionnels de la télévision. De plus, elle a créé un duo artistique « Pensée Sauvage » en collaboration avec le réalisateur Solal Moisan avec la description suivante : « De l’art pour changer le monde, du moins à notre manière. » Sa vidéo « Réveillons-nous » est la continuité de sa volonté d’allier l’art à l’engagement environnemental. Dans ce premier travail, la danse, la musique, les images et la pertinence des mots sont au service de la cause climatique. Ce premier succès artistique illustre parfaitement la phrase mantra proposée par Camille Etienne lors d’un entretien à France Culture : « Je n’irai pas a votre révolution si personne n’y danse » d’Emma Goldman.
Au cours d’un échange sur France bleu, la jeune activiste nous partage ses intentions quant à sa vidéo « Réveillons-nous ». Ce projet artistique est le résultat de ses reflexions sur le monde d’après et s’adresse à tout le monde : « Il nous appartient de mettre en place le monde d’après aujourd’hui. » Camille Etienne considère que sa génération, la « Génération Y », a hérité d’une planète à bout de souffle. Elle engage celle-ci à être « intranquille, consciente et indignée ». Avoir grandi avec des « fake news en intraveineuses« , nécessite de remettre en question toutes les certitudes qu’on peut avoir : « On dit oui à un monde qui peut être plus beau demain. » Pour Camille Etienne, ce ne sont pas des sacrifices en somme mais un changement de perspective qui est nécessaire. En tant que privilégiée il est important de porter sa voix. Elle-même précise qu’elle ne vit pas les conséquences du changement climatique. Savoir et ne pas agir, c’est pire : « Les premières victimes du changement climatique, ce sont les minorités. »
Une nouvelle vidéo a été publiée sur la chaine YouTube de On est Prêt sur le « pouvoir des récits » il y a quelques semaines. Camille Etienne rappelle une nouvelle fois que l’« on a besoin de matière pour se projeter, imager, rêver » ; « pour tendre vers un avenir désirable, on a besoin de nouveaux récits qui remplacent les super-héros en collants, par des héros du quotidien qui agissent vraiment ». A cela, elle ajoute : « Même si tout ça, les glaciers qui s’effondrent, les baleines qui disparaissent, les forets qui brûlent, c’est triste, je crois qu’il ne faut pas s’arrêter de rêver, parce qu’en racontant des histoires, on impacte la réalité. »
UNE PHILOSOPHIE DE L’ENGAGEMENT : PRENDRE LE TEMPS DE REDONNER DU SENS
Au cours d’un entretien auprès de France Culture, Camille Etienne rappelle que changer les choses est en réalité une approche systémique. Sa génération se bat en effet pour quelque chose de bien plus large que le climat : c’est la justice sociale et climatique. Il ne faut pas oublier que tous les combats sont liés et qu’« il est essentiel de changer le rapport de domination que l’on a aux choses : aux femmes, aux minorités et à la nature ».
Camille Etienne a été l’invitée de nombreux podcasts. Ses entretiens plus intimistes permettent d’apprendre à connaître et comprendre la jeune femme différemment. Dans un podcast musical de Tim Dup « Temps retrouvé, temps bouleversé », Camille Etienne partage ses pensées sur le temps dans nos sociétés actuelles : « C’est une question qui est hyper difficile : ce rapport à l’immédiateté et à l’urgence et en même temps, si on prend pas le temps d’aller dans la bonne direction, on va se tromper de chemin et on va en perdre. Il faut être extrêmement stratégique. » Elle ajoute : « Prendre le temps, c’est se poser la question du sens. »
ET LA SUITE ?
Concernant son propre avenir, Camille Etienne envisage deux scénarios distincts : « J’aimerais beaucoup que dans les années à venir on n’ait plus besoin de temps et d’énergie pour alerter sur le constat et qu’on puisse se concentrer sur ce qu’on fait. La version pessimiste serait que rien n’ait changé et qu’on doive être plus offensif. » Elle ajoute par ailleurs qu’elle a jusqu’alors refusé toute action violente.
Qu’en est-il de la vision plus optimiste ? « Ce serait d’avoir une ferme en permaculture dans ma montagne parce que tout le monde a compris le constat et que les politiques font le boulot, sourit-elle, la télé n’est pas une vocation. Ce n’est pas que plaisant d’avoir de la notoriété, ça passe aussi par son lot d’insultes quotidiennes sur les réseaux sociaux et de faire un trait sur sa vie privée. C’est aussi stressant et fatigant. »
COMMENT AGIR ?
A cette question, Camille Etienne propose son point de vue au cours d’un entretien à France Culture : « Se poser la question du sens que l’on veut donner à sa vie et le mettre au service de ce fameux monde de demain pour le faire sortir des tribunes et des tweets. C’est une société nouvelle que l’on va devoir faire advenir, on va donc avoir besoin de tout le monde : artistes, agriculteurs, professeurs… Sinon réaliser notre empreinte carbone sur le site Global Footprint Network et travailler sur le domaine où l’on est le plus consommateur. De manière générale : moins prendre l’avion (un AR Paris-Bali = 5 tonnes de CO2 par passager quand le GIEC nous dit qu’il ne faudrait pas dépasser 1,7 tonne par Français et par an pour rester dans la limite des 1,5 degré), réduire notre consommation de viande (1 steak = 1500L d’eau), boycotter le fast-fashion et se fournir en seconde main… S’engager dans une association près de chez nous ou suivre et soutenir les mesures de la Convention citoyenne pour le climat sont des bons débuts d’actions collectives également. »
Agir rend Camille Etienne profondément heureuse. Ses mots justes et sa bienveillance nous inspirent et ne nous donnent qu’une envie : entrer en action. Qu’en est-il pour vous ?
Pour en apprendre plus sur Camille Etienne : Nouvel Oeil, Bouge ton curcuma, Emergences, Pépites Vertes.