Grande figure du féminisme, Benoîte Groult est décédée le 20 juin 2016. Entre actions politiques et essais révoltés, la romancière s’est appliquée pendant plus de 90 ans à défendre la condition féminine. Retour sur un parcours édifiant.
Benoîte Groult nait en 1920 dans un appartement bourgeois du 7e arrondissement parisien. Son père, André Groult, décorateur et dessinateur de meubles, et sa mère, Nicole Poiret, styliste, soeur du créateur Paul Poiret, lui offrent une éducation traditionnelle et rangée. Cependant, très jeune, Benoîte ouvre les yeux sur ce que l’on attend des petites filles des années 20 et s’en révolte en rejetant le modèle maternel, laissant à sa soeur cadette, Flora, les coquetteries. Dans son autobiographie, elle écrira : « J’admirais ma mère en bloc, mais tout ce qu’elle faisait en détail me hérissait : j’avais horreur de la mode des chapeaux, des robes de la clientèle, horreur des réceptions, des grands dîners. »
Entourée de figures féminines fortes, comme sa marraine, la peintre Marie Laurencin, l’adolescente s’emploie à devenir laide. « L’idée que mon honorabilité future, ma réussite en tant qu’être humain, passaient par l’obligation absolue de décrocher un mari, et un bon, a suffi à transformer la jolie petite fille que je vois sur mes photos d’enfant en une adolescente grisâtre et butée, affligée d’acné juvénile et de séborrhée, les pieds en dedans, le dos voûté et l’œil fuyant dès qu’apparaissait un représentant du sexe masculin », dévoilera-t-elle dans Ainsi soit-elle des années plus tard.
Jeune veuve après la Libération, elle entame une carrière de journaliste au sein de la Radio Télévision Française où elle restera dix ans. Elle collabore également avec divers magazines féminins dont Elle et Marie-Claire. Une fois divorcée de son second mari, l’homme de télévision, Georges de Caunes, Benoîte Groult épouse l’écrivain Paul Guimard en 1952, qu’elle décrira comme « plus féministe » qu’elle. Encouragées par ce dernier, elle et sa soeur publient en 1962, Journal à quatre mains. Face à un public bienveillant, elles réitèrent l’expérience par deux fois en 1965 et 1967.
Mais, souhaitant se libérer de « la littérature féminine » dans laquelle elle se sent enfermée, elle publie Ainsi soit-elle en 1975, un essai engagé éclairant le féminisme post-Mai 68. A l’instar de Simone de Beauvoir avec Le Deuxième Sexe, Benoîte Groult libère la parole sur ce combat féministe, souvent considéré comme une névrose de quelques révolutionnaires, et non une nécessité vitale. « Il faut enfin guérir d’être femme. Non pas d’être née femme, mais d’avoir été élevée femme dans un univers d’hommes », s’indigne-t-elle. Elle est également la première à dénoncer l’excision. A l’époque, l’essai se vend à plus d’un million d’exemplaires.
Forte de ce succès, l’essayiste s’impose internationalement comme une figure du féminisme et continue son combat. Après avoir fondé en 1978 le mensuel F Magazine, Groult préside la « Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions » de 1984 à 1986, créée par Yvette Roudy, alors ministre des Droits des femmes, sous Mitterrand. Elle continue également sa carrière de romancière, en posant des mots sur ses histoires d’amour, ses combats et son « évasion », comme elle la qualifiera elle-même dans son autobiographie parue en 1997. Elle était, depuis 1982, membre du jury Femina.
Dans les dernières années de sa vie, elle s’est également mobilisée pour l’acceptation de l’euthanasie, en rejoignant l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Après avoir passé sa vie entre grands combats et moments de délice, comme ses escapades en Bretagne, sa madeleine de Proust, elle s’est éteinte dans sa demeure méditerranéenne de Hyères, à l’âge de 96 ans. Si le parcours exceptionnel de Benoîte Groult vous a plu, partez à la rencontre des 47 femmes récompensées par un prix Nobel pour leur immense contribution à l’humanité.
Par Margaux Carpentier, le
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