La baudroie est un poisson des abysses qui vit à des profondeurs de plus de 1 000 mètres. Elle est connue pour son comportement unique de parasitisme sexuel, où le mâle fusionne avec la femelle pour se reproduire. Cette fusion est permanente, et le mâle devient un parasite qui dépend entièrement de la femelle pour se nourrir. En retour, il assure la disponibilité de sperme pour la reproduction. Cependant, l’origine de ce comportement restait un mystère. Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’université Yale, publiée dans la revue Current Biology, apporte enfin un éclairage sur cette question.
Les origines du parasitisme sexuel
Plus de 20 espèces de baudroies pratiquent le parasitisme sexuel, certaines de manière temporaire, d’autres de façon permanente. Les scientifiques connaissent ce comportement depuis longtemps et pensent qu’il a joué un rôle clé dans l’évolution de ces poissons.
Il y a environ 56 millions d’années, durant le maximum thermique du Paléocène-Éocène, la Terre a connu un réchauffement climatique intense qui a entraîné l’extinction de nombreuses espèces. Avant cette période, les baudroies évoluaient en marchant sur le fond marin à l’aide de leurs nageoires modifiées. Cependant, ce changement climatique a poussé ces créatures à migrer vers des eaux plus profondes. Cette transition a non seulement modifié leur habitat mais aussi leur mode de reproduction.
La fusion commence lorsque le mâle mord la femelle. Il libère alors une enzyme qui dissout la peau de sa bouche et la peau à l’endroit de la morsure, permettant aux deux poissons de fusionner. Au fil du temps, les organes du mâle se réduisent et son corps dégénère, ne laissant qu’une paire de gonades pour la reproduction. Cette dépendance extrême à la femelle assure que les œufs seront fertilisés sans que la femelle ait besoin de chercher un autre partenaire dans l’immensité des profondeurs.
Adaptations génétiques et morphologiques
Cette forme extrême de parasitisme sexuel assure la survie de l’espèce dans un environnement où les rencontres entre partenaires sont rares. Le mâle y gagne en assurant la transmission de ses gènes, au prix de son autonomie et de sa forme physique. Selon l’étude de Yale, plusieurs traits évolutifs ont permis le développement du parasitisme sexuel chez les baudroies.
Le dimorphisme sexuel, avec des femelles beaucoup plus grandes que les mâles, a facilité cette stratégie. De plus, la dégénérescence de l’immunité adaptative chez les femelles a permis aux mâles de fusionner sans que le système immunitaire de la femelle ne rejette les cellules mâles.
L’extrême différence de taille a permis aux mâles de s’accrocher facilement aux femelles, tandis que la perte de l’immunité adaptative a rendu le système immunitaire des femelles tolérant au parasitisme mâle. « Nous avons déterminé que la dégénérescence de la base génomique de l’immunité adaptative et les différences de taille extrêmes entre les baudroies mâles et femelles coïncident avec l’origine des cératioïdes et l’évolution du parasitisme sexuel », notent les auteurs de l’étude.
Des recherches supplémentaires sont toutefois nécessaires pour confirmer cette théorie et identifier les changements génétiques ayant conduit à ces évolutions.
Applications médicales potentielles
L’étude des baudroies et de leur parasitisme sexuel ne se limite pas à la compréhension de leur évolution. Les découvertes sur la dégénérescence de l’immunité adaptative chez ces poissons pourraient avoir des implications importantes pour la médecine humaine, notamment pour les transplantations d’organes.
Par exemple, le rejet de l’organe donné par le système immunitaire du patient est l’un des principaux problèmes liés aux procédures de transplantation d’organes. Les chercheurs espèrent que l’étude des baudroies pourra fournir des indices sur la suppression temporaire de l’immunité adaptative, ce qui pourrait contourner ce problème.
« Mieux comprendre comment les baudroies des grands fonds perdent leur immunité adaptative pourrait nous fournir des clés pour améliorer les procédures médicales, telles que les transplantations d’organes et les greffes de peau, pour lesquelles la suppression immunitaire est d’une importance cruciale », a déclaré Thomas Near, auteur principal de l’étude et professeur à Yale.
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Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: ZME Science
Étiquettes: baudroies, parasite
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