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Le week-end dernier, le gouvernement a souhaité ouvrir à nouveau un débat particulièrement sensible sur les assistants sexuels pour les personnes handicapées. Considérant que “la société a mûri” à ce sujet, même s’il “reste tabou”, Sophie Cluzel, secrétaire d’État, a saisi en ce sens le Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

Accompagner et assister les personnes handicapées dans leur vie intime et sexuelle 

Sophie Cluzel, secrétaire d’État, a décidé de saisir le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) afin de rouvrir ce débat sur les assistants sexuels pour les personnes handicapées. Ce sujet “est tabou dans notre société, c’est pour ça que j’ai saisi le professeur Jean-François Delfraissy, président du CCNE”. Elle lui a adressé un courrier ce samedi où elle estime “indispensable de rouvrir la réflexion éthique en abordant le sujet de l’assistance sexuelle et une vision renouvelée”, comme l’a rapporté Le Journal du dimanche. « La question posée est celle du « droit à », qui ne doit pas aller à l’encontre de la non-commercialisation des corps« , rappelle le président du CCNE.

Je suis très favorable à ce qu’on puisse accompagner la vie intime, affective et sexuelle des personnes handicapées”, a-t-elle également déclaré dimanche dernier à l’occasion du “Grand Rendez-vous” Europe 1-CNews-Les Echos, à deux jours de la conférence nationale du handicap présidée par Emmanuel Macron. En effet, la secrétaire d’État explique que “sans aucune solution adaptée, certaines personnes handicapées sont condamnées à vivre dans une abstinence sexuelle non choisie, alors que la santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans son ensemble”, en citant l’Organisation mondiale de la santé.

Le CCNE avait pourtant déjà été saisi en 2012. Il avait finalement refusé de mettre en place des assistants sexuels que certaines associations souhaitaient voir autorisés en France. “Il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain. La complexité de ce qui y est mis en jeu nous oblige à entendre les questions dérangeantes sur la dignité, la vulnérabilité, et les limites de ce qui est éthiquement acceptable. Nous jugeons difficile d’admettre que l’aide sexuelle relève d’un droit-créance”, avait alors affirmé le CCNE. Mais depuis cette année, « la société a mûri et c’est un vrai sujet de société. Le regard posé sur le handicap évolue. Les personnes handicapées nous ont dit “nous souhaitons pouvoir être accompagnées dans notre vie intime et sexuelle” », avait alors annoncé Sophie Cluzel. Ainsi, “tout l’enjeu, c’est de remettre les personnes handicapées en pleine citoyenneté, dans le respect et la dignité”. 

Le Haut Conseil à l’égalité “s’oppose fermement”

Légaliser l’achat de services sexuels serait contraire à notre législation contre l’achat de prostitution”, a néanmoins affirmé le Haut Conseil à l’égalité (HCE) dans un communiqué le mardi 11 février. Pour lui, c’est un non catégorique. Il dit s’opposer “fermement à la proposition d’aidant.es sexuel.les pour les personnes handicapées. (…) La création d’aidant.es sexuel.les, c’est-à-dire d’hommes mais surtout de femmes, formé.es et employé.es pour fournir des ‘prestations’ sexuelles, est une forme de légalisation de la prostitution alors que la France s’est engagée à combattre l’exploitation sexuelle des êtres humains.” 

Dans ce même communiqué, le HCE explique également que Maudy Piot, ancienne membre, avait déjà expliqué que “la notion ‘d’aidant.es sexuel.les’ était une mauvaise réponse à un vrai problème”. “Poser comme principe qu’il y a une sexualité spécifique des personnes handicapées qui réclame une réponse spécifique est une erreur et conduit une fois de plus à la ghettoïsation du handicap. Nous exhortons le gouvernement à ne pas dissocier la légitime aspiration de toute personne, quel que soit son état de santé ou de handicap, à une vie affective et sexuelle dans le respect de l’autre combat contre l’exploitation des êtres humains et la marchandisation des corps”, précise également HCE dans son communiqué.

Pourtant, la secrétaire d’État a bien précisé lors de son interview de dimanche dernier qu’il ne s’agit en aucun cas “d’ouvrir un réseau de prostitution, cette question est totalement ridicule, à côté de la plaque. Il va (donc) y avoir des débats citoyens sur le sujet.”

“Il va y avoir des débats citoyens”

Ces débats citoyens permettront donc “de prendre en compte les désirs et les attentes des personnes, des associations qui les accompagnent. Quoi qu’il se passe, cela nous fera faire un bond en avant colossal dans la bien-traitance des personnes, dans le recueil de leurs désirs, de leurs attentes, dans la façon de les regarder différemment, non plus comme des objets de soins, mais bien comme des sujets de droits”, explique Sophie Cluzel.

Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), avec lequel Sophie Cluzel a souhaité s’associer, a rapporté et soutenu dans un tweet “l’ouverture d’un débat citoyen sur les assistants sexuels, loin des caricatures souvent lues et entendues sur ce sujet”. 

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