Le 23 octobre 1901, Annie Edson Taylor fait sensation en annonçant qu’elle s’apprête à s’enfermer dans un tonneau en bois et laisser le courant de la rivière Niagara la transporter jusqu’aux chutes du même nom. Le lendemain, elle devient officiellement la première personne à survivre à une telle chute, le jour de ses 63 ans.

« UNE ENTREPRISE DÉLIBÉRÉMENT SUICIDAIRE »

L’annonce d’Annie Edson Taylor crée rapidement la polémique, étant donné que personne n’a jamais survécu à la descente des chutes du Niagara. Les autorités accusent Frank Russell, son promoteur, de mettre volontairement en péril la vie de sa protégée, tandis que les journaux locaux évoquent « une entreprise délibérément suicidaire ».

Le lendemain, l’institutrice à la retraite venue du Michigan retourne sur les lieux, bien décidée à réussir son improbable exploit. Devenir la première personne à franchir les chutes lui assurera fortune et gloire… À condition, évidemment, qu’elle survive.

En 1829, un dénommé Sam Patch a effectué un plongeon de 25 mètres dans la rivière Niagara depuis une plateforme et a survécu. L’homme a ensuite réalisé avec succès un second plongeon d’une hauteur de 40 mètres. En 1859, c’est le funambule français Jean-François Gravelet qui s’est illustré en traversant les gorges du Niagara sur un fil de fer, une performance qui a poussé nombre de ses confrères à tenter de l’imiter.

Les chutes du Niagara fascinent autant qu’elles terrifient

RIEN NE SEMBLE EFFRAYER ANNIE TAYLOR

Personne, cependant, n’a jamais tenté de descendre les chutes du Niagara en se laissant porter par le violent courant de la rivière en amont, et le faire sans équipement adapté s’apparente à du suicide. Pourtant, ces risques évidents ne semblent pas effrayer Annie Taylor.

Née en 1838 à Auburn, dans l’État de New York, Taylor a vécu de nombreuses tragédies : son fils est mort dans les semaines suivant sa naissance et son mari a été tué durant la guerre de Sécession. Survivant principalement grâce à l’héritage de ses parents, l’institutrice a ensuite voyagé à travers tout le pays.

Alors qu’elle se trouvait à Bay City, dans l’État du Michigan, elle a entendu le propriétaire d’un pub se vanter d’avoir franchi les chutes du Niagara dans une combinaison en caoutchouc rembourrée. Bien que l’homme soit incapable de prouver ses dires, cette idée folle va inspirer l’institutrice et la pousser à préparer une tentative.

Annie Taylor prend la pose devant son tonneau en compagnie de son chat Niagara

Devenir la première personne à réaliser un tel exploit lui assurera des revenus conséquents et Annie Taylor étudie soigneusement le problème durant trois mois en faisant appel aux services d’un batelier connaissant bien la rivière Niagara. Ce dernier lui conseille de descendre la chute du « Fer à Cheval », là où l’eau est la plus profonde.

L’enseignante casse-cou contacte ensuite l’entreprise West Bay City Cooperage afin qu’elle lui construise un tonneau adapté. Fait de chêne, celui-ci mesure 1m50 de haut et pèse 72 kilos. À l’intérieur, un harnais est installé afin d’empêcher Taylor d’être violemment secouée durant la chute.

Annie Taylor sait que la réussite de son entreprise passe également par la publicité. Elle fait donc appel aux services d’un promoteur nommé Frank Russell, qui se charge d’éveiller l’intérêt des médias. Sa véritable identité n’est révélée que quelques semaines avant la tentative.

Deux jours avant son grand saut, Taylor effectue un ultime test en plaçant son chat Niagara dans le tonneau. Le félin franchit les chutes et atterrit dans la rivière, située 53 mètres en contrebas, où il est récupéré sain et sauf.

L’institutrice de 63 ans s’apprête à grimper dans son embarcation de fortune

Le 24 octobre 1901, l’enseignante grimpe dans son embarcation de fortune. Son équipe l’aide à attacher son harnais et remplit l’intérieur du tonneau d’oreillers afin d’amortir au maximum sa chute. Elle est ensuite remorquée environ un kilomètre en amont des chutes… et abandonnée à son propre sort.

Le tonneau tangue légèrement avant que la force du courant ne l’entraine rapidement jusqu’à la chute. Arrivé au bord du gouffre, il bascule dans le vide puis disparait dans l’écume, sous les yeux médusés des milliers de spectateurs s’étant déplacés pour assister à l’évènement.

Après quelques dizaines de secondes, le tonneau émerge enfin du cours inférieur de la rivière, et l’équipe de Taylor rame vigoureusement pour l’atteindre. Celui-ci se révèle tellement étanche qu’il faut même utiliser une scie pour l’ouvrir. En regardant à l’intérieur, quelqu’un s’écrie « Mon Dieu, elle est vivante ! », et c’est une Taylor fortement secouée, mais indemne, qui s’extirpe du tonneau.

« MON DIEU, ELLE EST VIVANTE ! »

La seule blessure visible se résume à une entaille de quelques centimètres sur son cuir chevelu, mais l’institutrice de 63 ans admettra plus tard qu’elle a perdu connaissance pendant un court moment (un probable cas de commotion cérébrale).

Comme elle l’espérait, sa folle performance fait la une des quotidiens nationaux, mais son promoteur disparaît avec les importantes recettes publicitaires générées par sa prestation. Elle embauche alors plusieurs détectives privés afin de retrouver sa trace, en vain.

Une Annie Edson Taylor sonnée regagne la rive après son incroyable exploit

Contrainte de vendre des livrets à 10 cents relatant son expérience et de faire quelques apparitions publiques pour subsister, Annie Edson Taylor vivra dans la pauvreté jusqu’à sa mort en 1921, à l’âge de 82 ans, et ses obsèques seront financées grâce à des dons. Sa folle cascade ne lui aura peut-être pas permis de connaître la fortune, mais elle restera à jamais la première personne à avoir survécu à la descente des chutes du Niagara.

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Gamita
Gamita
4 années

Mise avec ses collègues Les Incroyables dans SAF En première, toute https://susaufeminicides.blogspot.com/2019/01/en-premiere-toute.html