Avec une cohérence de plus d’une milliseconde, record mondial pulvérisé, les chercheurs de Princeton signent une avancée historique en informatique quantique. Ce qubit ultra-stable, construit avec des matériaux standard et presque parfait en fidélité, n’est plus un prototype expérimental : il ouvre la voie à une ère industrielle où le quantique devient enfin concret.

Un qubit de Princeton tient plus d’une milliseconde : la stabilité enfin atteinte pour des calculs utiles
L’exploit ne vient ni de Google ni d’IBM, mais d’un laboratoire de l’université de Princeton, piloté par Andrew Houck. Ingénieur en chef, directeur du centre national de recherche quantique et visiblement homme de défis.
« Le vrai problème, c’est que l’information s’évapore trop vite. Ce qu’on a construit ici, c’est un qubit qui reste vivant assez longtemps pour faire des calculs vraiment utiles. »
Le qubit en question appartient à la famille des transmons, des circuits supraconducteurs refroidis à des températures proches du zéro absolu. Un choix courant dans l’industrie, Google, IBM, Intel en utilisent, mais réputé très difficile à améliorer en termes de stabilité.
Jusqu’à maintenant.
Tantale et silicium : une recette simple, efficace et compatible avec l’industrie
Pour allonger la vie du qubit, les chercheurs ont adopté une approche double :
- remplacer les métaux classiques par du tantale, un matériau plus stable, qui limite les pertes d’énergie ;
- troquer le substrat de saphir contre du silicium haute qualité, comme dans les puces classiques.
Ce choix n’est pas anodin : il rend le qubit compatible avec les chaînes de fabrication existantes. Mais faire pousser une couche de tantale sur du silicium est un défi à l’échelle atomique. Il a fallu des mois d’ajustements, d’expériences, de modélisations.
Résultat ? Une structure simple, robuste, performante. Et surtout prête pour la suite.
Une fidélité record de 99,994 % : des qubits enfin fiables pour des machines évolutives
En informatique quantique, le mot magique, c’est fidélité. Plus un qubit est fidèle, plus il exécute les calculs sans erreur. Avec ce nouveau design, les chercheurs ont obtenu des portes logiques à un seul qubit avec une fidélité de 99,994 %.
Un score quasi parfait, qui frôle les seuils nécessaires à la correction d’erreurs quantiques. Cela change tout : plus besoin d’enchevêtrer des milliers de qubits pour faire fonctionner une machine. Chaque qubit devient vraiment utile.
Et surtout, ce n’est pas un prototype isolé : le circuit est complet, testé, prêt à s’insérer dans un processeur.
Jusqu’à 1000 fois plus performant avec les mêmes architectures : un nouveau standard industriel ?
C’est le plus fort dans cette avancée : le qubit de Princeton est compatible avec les architectures actuelles, comme le processeur Sycamore de Google. On ne change pas tout, on améliore l’existant. Et selon les chercheurs, ces machines pourraient fonctionner 1000 fois mieux !
Pourquoi ? Parce que le temps de cohérence se multiplie à chaque étape du calcul. Si on double la durée de vie d’un qubit, les calculs qu’il peut exécuter deviennent exponentiellement plus longs. Ici, on parle d’un facteur 15. C’est colossal.
Et cette technologie repose sur des matériaux déjà disponibles. Pas de magie noire, pas de science de laboratoire inaccessible. Juste une innovation bien pensée, bien intégrée, bien testée.
Plus qu’un record, une solution industrialisable à grande échelle, contrairement à l’avancée finlandaise
La Finlande avait franchi la barre symbolique de la milliseconde cet été. Mais l’équipe de Princeton va bien plus loin : elle intègre ce qubit à une puce complète, avec des portes logiques opérationnelles, un design CMOS-compatible et un objectif clair : produire à grande échelle.
Là où les Finlandais ont brillé par leur maîtrise expérimentale, les Américains proposent une plateforme directement industrialisable. Ce n’est pas juste une preuve de concept, c’est peut-être le point de bascule vers l’ère industrielle du quantique.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences physiques, Sciences