Longtemps sous-estimée et méprisée, la science-fiction a très vite trouvé en la télévision son média de prédilection. Nombreuses sont les séries à avoir fait honneur au genre mais une a marqué à jamais l’histoire du média et reste, aujourd’hui, un incontournable pour les fans. Son nom ? The Twilight Zone ou, en français, La Quatrième Dimension. Faisant les grandes heures de la chaîne CBS dans les années 60, l’œuvre représente l’un des plus beaux exemples de la créativité des scénaristes américains. SooGeek revient sur cette création majeure de l’histoire de la télévision.
« Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais aussi d’esprits. Un voyage dans une contrée sans fin dont les frontières sont notre imagination : un voyage au bout de ténèbres où il n’y a qu’une destination : la 4e dimension. » Voilà les premiers mots entendus par les spectateurs américains qui assistaient, subjugués, au lancement du premier épisode de la série. Cette œuvre, qui se présentait sous la forme d’une anthologie, plongeait le spectateur dans différentes histoires fantastiques et mystérieuses, épisode après épisode. Créée par Rod Serling, la série avait pour but de contrer la censure à laquelle étaient soumis les cinéastes et scénaristes de l’époque.
La science-fiction représentait pour Serling un moyen facile de s’exprimer en apportant ses idées sous la forme de récits dystopiques ou tout simplement décalées. Il s’agit d’un choix original pour le réalisateur qui n’était pas un féru du genre. Cette utilisation de la science-fiction à des moyens politiques n’a rien de nouveau et ne l’était pas plus à l’époque. De fait, la science-fiction sert historiquement et généralement à la critique de nos sociétés, gouvernements et comportements individuels.
Seule figure récurrente sur la série, Serling en était scénariste mais aussi présentateur et producteur. Son but était de déranger le public, de l’étonner mais aussi de le frapper en le confrontant à des retournements de situations, cliffhanger et chutes surprenantes et inattendues. Le ton utilisé dans les épisodes était généralement pessimiste, ce qui permettait aux histoires de présenter (assez brutalement) une analyse de la société américaine de l’époque.
La force de la série et là où elle étonnera les plus jeunes de ses spectateurs actuels, c’est qu’elle contient pas ou presque d’effets spéciaux. De fait, une grande majorité des épisodes ont lieu dans un monde proche des Etats-Unis des années 50 représentant l’Américain moyen dans ce qu’il y a de plus précis. Un tel cadre (qui coûtait tout de même 65 000 dollars par épisode) permettait aux spectateurs de s’identifier aux héros et ainsi d’être plus amplement troublés par les retournements de situations et les analyses des scénaristes. C’est en grande partie par la mise en scène, l’atmosphère et la musique que passaient les émotions suivant les scénarios et sans plus de fioritures, Serling arrivait à transporter son auditoire.
D’octobre 1959 au 19 juin 1964, 156 épisodes furent diffusés, répartis sur 5 saisons différentes. La production de tels épisodes était une véritable aubaine pour la chaîne CBS qui, en installant la série dans sa grille de programme, concurrençait une autre série du genre, Alfred Hitchcock présente. Cette dernière présente dès 1955 sur le même réseau avait migré pour s’installer dans les grilles de NBC. De façon à mieux intéresser les spectateurs, la série s’était dotée de scénaristes talentueux et renommés tels que Charles Beaumont, Ray Bradbury (Léviathan 99) ou encore Richard Matheson (Je suis une légende) tous célèbres à l’époque pour leurs travaux au cinéma ou en littérature. Avec des auteurs illustres, La Quatrième Dimension dépoussière le genre, oublié ou renié par les intellectuels de l’époque.L’un des points les mieux réussis de cette série se trouve en les personnages. C’est avec une grande intelligence que les scénaristes ont su développer des personnages fascinants et surprenants qui ramènent constamment le spectateur à sa propre condition. En traitant des désirs, envies et déceptions humaines les auteurs de The Twilight Zone on su offrir des personnages différents mais toujours étonnants : là ou un protagoniste au premier abord médiocre ou ayant peu d’utilité à l’histoire ou la société qui y est créé se révèle généralement intelligent et sympathique, un héros plus normal, semblable au spectateur dévoilera habituellement un fond sombre et des comportements à la limite du tolérable. C’est donc en jouant sur nos envies, nos comportements et nos faiblesses que la série surprend, mettant souvent notre fierté à rude épreuve.
Les personnages, justement, étaient portés par des grands noms du cinéma : on retrouve en effet au générique de La Quatrième Dimension d’illustres acteurs tels que Martin Landau (The X Files, Sleepy Hollow), Ron Howard (Da Vinci Code, Apollo 13), William Shatner (Star Trek), Sydney Pollack (Les Soprano, Alfred Hitchcock présente), Charles Bronson (Les Douze Salopards) ou encore Dennis Hopper (Easy Rider, La Fureur de vivre). Orson Welles devait aussi apparaître à l’écran et devait, à l’origine, présenter l’œuvre. Aucun accord financier n’ayant été trouvé, ce fut à Serling lui-même de présenter la série, prenant sur lui d’apparaître à l’écran alors qu’il n’y était pas du tout à l’aise.
Avec des acteurs de talent, des scénaristes extraordinaires et un créateur de série aussi précis et intelligent que Serling, la série n’avait pas d’autre choix que de devenir célèbre et de marquer l’histoire. Ses héros sont humains et idéaux pour une critique constructive de nos manières de vivre. Brusqué, le spectateur était poussé dans ses retranchements et revenait, chaque semaine, pour son rendez-vous fantastique télévisuel. Intemporelle, la série séduira aussi bien les amateurs de science-fiction que les néophytes et il y a fort à parier que nombreux sont ceux qui la verront et l’apprécieront encore dans les années à venir.