1865, Angleterre rurale. Mariée de force à un Lord froid et absent, Katherine mène une vie malheureuse dans la maison d’une famille bourgeoise et de son mari qui a deux fois son âge. Condamnée à attendre sagement le retour de celui-ci, avec l’interdiction de sortir ou même d’ouvrir les fenêtres, elle rencontre Cosmo Jarvis, un jeune palefrenier qui travaille sur les terres de son époux et dont elle tombe amoureuse. Une relation passionnelle et une attraction charnelle pour lesquelles elle est capable de toutes les trahisons, au point de devenir une femme redoutable, prête à tout pour tenter d’exister face à un mari et un beau-père exécrables. 

EN APNÉE DANS L’ANGLETERRE VICTORIENNE


Apnée est le mot bien choisi pour décrire l’atmosphère et les conditions de vies étouffantes de ce film. En dépeignant le destin forcé des jeunes filles de cette époque incarnée par le personnage de Katherine, oppressée par une société patriarcale brutale et injuste, The Young Lady, de son titre original Lady Macbeth, dessine le portrait de ces jeunes filles victimes qui finissent par s’engouffrer toujours plus dans les ténèbres.

On peut voir la différence de classe, la misogynie, le mariage forcé puis la tentation de l’amour interdit qui en découle, conduire notre protagoniste dans une vengeance inéluctable, presque forcée, laissant à l’oubli l’innocence qui l’habitait pour faire place à la rébellion, afin de l’extirper du statut de servante qui la ronge. À l’image de l’élève qui dépasse le maître, l’esclave écrase le bourreau pour assouvir sa quête de liberté.

LA NOIRCEUR DU ROMANTISME SUBLIMÉE 

Si le récit de ce film sublime vous semble familier, c’est que ce n’est pas la première fois qu’une héroïne comme Katherine est mise sur le devant de la scène pour dépeindre les mauvaises mœurs de la société de l’époque. Pour cause, l’époque victorienne dont elle s’imprègne a eu son lot d’œuvres littéraires, dont l’une a d’ailleurs grandement inspiré The Young Lady. En effet, tout commença quand Shakespeare écrivit Macbeth vers 1600, dont on retiendra le personnage manipulateur de Lady Macbeth, la femme fatale du roi du même nom.

En 1847, Emily Brontë exaltera, dans Les hauts de Hurlevent,  l’amour fou de Catherine Earnshaw pour Heathcliff au beau milieu de la lande écossaise. Plus tard encore, en 1857, Madame Bovary sera présentée comme une femme malheureuse emprisonnée dans les conventions de sa vie mondaine, dans le roman éponyme de Gustave Flaubert. C’est de ces trois œuvres majeures qui dressent l’histoire ces de femmes tombées tragiquement amoureuses, à travers un romantisme obscure, que semble s’inspirer Lady Macbeth du district de Mtsensk, écrit par Nikolaï Leskov en 1865, dont The Young Lady est une libre adaptation.

FLORILÈGE DE NOUVEAUX TALENTS

The Young Lady, c’est le pari audacieux de s’emparer du roman de Nikolaï Leskov pour le transposer dans un décor victorien. Un pari relevé avec brio, quand on sait que le réalisateur William Oldroyd, metteur en scène de théâtre, signe là son tout premier long métrage en ne bénéficiant que d’une maigre enveloppe de 500 000 £. The Young Lady n’en est pas moins un œuvre passionnante. Si ce petit budget n’a permis de faire valoir que des costumes modestes, ce qui en soit se marie à merveille à l’univers morose et anxiogène du film, le réalisateur n’en oublie pas d’utiliser scrupuleusement les décors, avec une rigueur de cadrage dont lui seul a le secret.

Mais la réussite de ce film est en majeure partie due à sa révélation féminine, Florence Pugh, dont la gradation de sa métamorphose psychologique, de la femme enfant innocente à la femme fatale, nous laisse de marbre. On peut entrevoir, en seulement 1h30, la belle carrière qui leur est promise.

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