
La grossesse à l’époque des Vikings était loin d’être une expérience facile. Pourtant, ce sujet a été largement négligé, en partie à cause du peu de documents disponibles. Une récente analyse menée par Marianne Hem Eriksen, archéologue à l’université de Leicester, explore l’histoire intrigante mais inégale de la grossesse durant cette période. En examinant l’art et la littérature vikings, elle cherche à combler ce vide historique. L’étude a été publiée dans le Cambridge Archaeological Journal.
Peu de traces dans les tombes, mais des symboles puissants
Des milliers de sépultures vikings ont été mises au jour à travers la Scandinavie et les territoires où ces peuples ont voyagé. Pourtant, les tombes de mères et de nourrissons sont étonnamment rares, en particulier celles qui contiendraient les deux ensemble. Cette absence intrigue.
La forte mortalité liée à la grossesse et à l’accouchement dans les sociétés anciennes laisse supposer que de nombreuses femmes et leurs enfants mouraient durant ou peu après l’accouchement. Loin d’être un oubli anodin, cette invisibilité archéologique suggère que ces décès n’étaient pas toujours marqués par des rites funéraires équivalents à ceux des autres membres de la communauté.
Les nourrissons, notamment, semblent avoir été exclus des rituels funéraires ou avoir reçu un traitement différent, sans doute en raison de leur statut encore incertain dans la société.
Femmes enceintes et guerrières
Dans l’art et la littérature, les femmes enceintes étaient souvent marginalisées. Cependant, deux récits célèbres des sagas vikings illustrent des figures féminines fortes, loin d’être passives. Dans la Saga d’Erik le Rouge, Freydís Eiríksdóttir, fille d’Erik, se retrouve en pleine bataille alors qu’elle est enceinte. Face à des guerriers indigènes équipés d’armes inconnues des Norvégiens (décrites comme des frondes ou des catapultes), les Vikings battent en retraite.
Malgré ses protestations pour obtenir une arme et se battre, personne ne l’écoute. Vexée, Freydís ramasse l’épée d’un Viking mort, se dénude partiellement et frappe sa poitrine avec l’arme. Ce geste impressionnant effraie les assaillants, qui battent en retraite. Malgré son acte de courage, Freydís ne reçoit que peu de reconnaissance de la part de ses compagnons.
« Ces récits ne doivent pas être simplifiés en glorifiant l’idée de femmes guerrières enceintes », précise Eriksen. Cependant, ils montrent que les femmes enceintes pouvaient être imaginées dans des rôles martiaux, comme en témoigne une figurine en argent étudiée dans cette recherche. Cette statuette représente une femme enceinte portant un casque orné d’un protège-nez.
Vengeance maternelle et fœtus prophétique
Un autre exemple marquant vient de La Saga du peuple de Laxardal. Guðrún Ósvífrsdóttir, enceinte, est confrontée à Helgi Harðbeinsson, l’assassin de son mari. Helgi essuie sa lance ensanglantée sur le châle qui couvre le ventre de Guðrún, tout en déclarant : « Je pense que sous ce châle se trouve ma propre mort. » Cette prophétie se réalise lorsque le fils de Guðrún venge plus tard son père.
Ces récits montrent que, même avant leur naissance, les enfants étaient intégrés dans des dynamiques complexes de vengeance, d’alliances et de conflits, en particulier au sein des élites islandaises.
Cependant, ces histoires reflètent principalement les expériences des femmes de haut rang. Pour les femmes issues de classes inférieures, la réalité était bien différente. Dans une société profondément hiérarchisée, la grossesse pouvait être perçue comme un « défaut » pour une femme esclave mise en vente. De plus, les enfants nés d’esclaves appartenaient à leurs maîtres, révélant comment la maternité pouvait être exploitée. Eriksen souligne que la grossesse exposait les femmes à des risques, à la fois physiques et sociaux, tout en les rendant vulnérables à diverses formes d’exploitation.
Pour rappel, les Vikings n’étaient pas du tout comme vous les imaginiez.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
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