Avec leur carapace et leurs pics acérés, ils semblent venir du fond des temps. Pourtant, les coléoptères trilobites n’ont que 47 millions d’années. Quoi qu’il en soit, cela fait déjà 200 ans que les scientifiques se penchent sur leur cas, sans parvenir à l’élucider complètement.
Jeune chercheur du National Géographic, Mark Wong a découvert l’existence des trilobites coléoptères par hasard, alors qu’il cherchait des fourmis. Quelle surprise de découvrir cet animal semblant tout droit sorti de l’époque des dinosaures sous un rondin de bois ! « J’ai tout d’abord cru que c’était de la moisissure, avant qu’il ne se mette lentement à bouger », se souvient-il.
Cet animal porte le nom de trilobite, ressemble à un trilobite, mais n’est pas un trilobite. Si sa carapace et sa forme peuvent prêter à confusion, la biologie a tôt fait de nous rappeler que ce n’est pas possible. Les « vrais » trilobites ont vécu sur Terre (ou plutôt dans les mers et océans) il y a 250 millions d’années. Ces insectes en ont à peine 47 millions… Mais il faut dire qu’ils possèdent des capacités étranges : capables de rentrer leur tête comme les tortues, certains sont violets, verts, ou encore noirs et mouchetés d’orange. Mais surtout, il leur faut presque un siècle pour trouver un mâle pour s’accoupler.
En effet, quelle que soit leur apparence, tous les trilobites coléoptères sont des femelles. Même ceux hérissés de pics, ce qui sont plats, ceux qui sont verts ou violets… C’est une question qui remonte au XVIIIe siècle, période où on découvrit cet insecte incroyable : avec qui toutes ces femelles s’accouplent-elles ? Bien décidé à résoudre le problème en observant les larves, le zoologue suédois Eric Mjoberg se rend à Bornéo en 1922.
Dans son étude, ce scientifique conclut que toutes les larves sont des femelles et que les trilobites coléoptères n’atteignent jamais le stade adulte. En effet, il n’a pu détecter aucun orifice permettant une liaison sexuelle. Après avoir retourné la jungle en tout sens, il avoue avoir trouvé un grand nombre de trilobites développés, mais jamais de femelle adulte. Mais un jour, alors qu’il croyait qu’une femelle qu’il avait capturée était morte depuis plusieurs jours, il comprit quand elle se remit à marcher qu’elle avait simplement mué. Et le trilobite était sorti de sa mue avec un orifice.
Eric Mjoberg avait enfin sa femelle adulte ! Elle se mit à pondre des œufs. De son orifice s’échappait une goutte de liquide, et elle semblait offrir son abdomen. Le zoologue comprit qu’elle était prête à s’accoupler. Cependant, comme il n’avait jamais trouvé de mâle, elle finit par mourir après avoir pondu plusieurs centaines d’œufs jamais fertilisés. Mjoberg eut alors l’idée d’attacher ses femelles en état de s’accoupler à une ficelle autour d’un piquet et de les replacer dans la jungle. Il espérait qu’un mâle, attiré par la gouttelette, viendrait les féconder, mais ce fut un échec.
Cependant, il ne se laissa pas décourager, et l’année suivante, il mit à contribution la population locale en promettant une récompense de 10 $ au premier qui repèrerait un mâle. Cette technique fut efficace puisqu’un jour, quelqu’un lui apporta, dans une feuille de banane, deux trilobites coléoptères en plein accouplement. Le mâle était dix fois plus petit que la femelle, et simplement doté d’ailes noires. Autrement dit, bien moins impressionnant que la femelle avec ses couleurs et ses pics ! Il est à tel point différent qu’il est impossible d’affirmer qu’il fait bien partie de la même espèce que la femelle sans test ADN ou sans le surprendre en plein coït.
Mais Mjoberg avait réussi à percer le secret des coléoptères trilobites : les femelles conservent leur forme larvaire tout au long de leur vie. Cette néoténie (la conservation des caractéristiques juvéniles lors du développement d’un être vivant) leur permet de consacrer davantage d’énergie à pondre des larves en bonne santé.
Deux autres coléoptères trilobites furent pris en flagrant délit d’accouplement en 1993 par Alvin T.C Wong. Son but était de faire éclore les œufs, mais ils moururent avant terme. Ainsi, on ne sait toujours pas à quel moment les mâles se distinguent des femelles, ni la forme qu’ils prennent en grandissant. On ne sait même pas exactement de quoi se nourrissent ces insectes qui restent aussi mystérieux que difficiles à repérer.
Par Séranne Piazzi, le
Source: National Geographic
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