Les scientifiques ont fait un grand pas en avant dans le développement de la vie artificielle complexe, en réussissant à synthétiser 6 des 16 chromosomes de levure, les structures moléculaires qui portent des gènes.
Où en sont les recherches ?
C’est un grand moment pour le domaine du développement de formes de vie en laboratoire. Les 200 chercheurs travaillant sur le projet de génome synthétique de la levure, appelé Sc2.0 et piloté entre autres par Joel Bader, professeur d’ingénierie biomédicale à la faculté de médecine Johns Hopkins, avaient déjà réalisé un chromosome de synthèse de ce champignon microscopique unicellulaire en 2014. Ils en ont désormais produit cinq autres, soit un tiers du total. Ils estiment que le génome de levure artificielle pourrait être achevé d’ici l’année prochaine.
» C’est très excitant « , s’exprime le généticien George Church de l’Université de Harvard, qui n’a pas participé à la recherche. » Ils ont abordé certaines des choses les plus difficiles. Les deux tiers restants du génome de la levure vont se produire beaucoup, beaucoup plus rapidement. »
Le premier génome artificiel d’un organisme eucaryote
Ces dernières années, les scientifiques ont fait de grands progrès dans l’édition de l’ADN grâce à la technologie CRISPR-Cas9, leur permettant notamment de prévenir des réinfections du VIH en éditant le virus à partir de cellules humaines. Cette fois-ci, l’objectif est de produire un organisme unicellulaire complet en laboratoire. Pour être clair, cet objectif est encore loin, mais les scientifiques apprennent petit à petit à travers cette recherche comment écrire efficacement le code qui pourrait créer un organisme artificiel fonctionnel.
Quelque chose de semblable a été réalisé auparavant avec la bactérie Mycoplasma genitalium, mais le génome de levure ici est beaucoup plus complexe. Si l’équipe réussit, ce sera le premier génome d’un organisme eucaryote à être synthétisé, à savoir la même catégorie à laquelle appartiennent les animaux et les plantes, où les cellules contiennent un noyau et d’autres organites liés à la membrane.
En quoi consiste ce processus ?
Le processus consiste à concevoir des chromosomes de levure à partir des quatre composants chimiques qui composent l’ADN : l’adénine, la cytosine, la guanine et la thymine. À chaque étape, les chromosomes naturels sont soigneusement remplacés par ceux conçus en laboratoire, puis la levure est testée pour voir si elle fonctionne toujours comme elle le devrait.
Tout cela est rendu possible par un programme informatique avancé appelé BioStudio, qui aide à identifier puis à modifier tous les « bugs » dans le code génétique avant de passer à l’étape suivante.
Quel avenir pour ces recherches ?
Pour l’instant, les scientifiques visent à produire leurs propres chromosomes de levure qui fonctionnent de la même manière que les chromosomes naturels, tout en ajoutant quelques ajustements, comme l’échange de gènes afin de rendre l’ADN plus facile à éditer et en supprimant tout code redondant.
Toutefois, ce processus ouvre un large champ des possibles. On espère que les futurs organismes de conception pourraient être utilisés comme de petites usines sur-mesure, afin de concevoir des médicaments pour traiter des maladies ou encore produire différents types de biocarburants. » Ces travaux ouvrent la voie à la conception de génomes synthétiques pour répondre aux besoins non satisfaits en médecine et dans les industries « , comme la création de nouveaux enzymes ou d’antibiotiques, pointe Jef Boeke, directeur de l’Institut des systèmes génétiques (ISG) du Centre hospitalier universitaire Langone de New York, l’un des principaux auteurs.
Un jour, il pourrait également nous permettre de développer des types complètement différents de levures qui pourraient survivre dans des environnements différents, ou avec des caractéristiques spécifiques. « Une grande citation de Richard Feynman des conférences Feynman sur la physique est : » Ce que je ne peux pas créer, je ne peux pas le comprendre » », a déclaré Boeke NPR. « Et c’est une sorte de devise pour notre domaine. »
Par Tom Savigny, le
Source: Science Alert
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