Les bureaux sont vides. Les derniers membres de la division scientifique de l’OSTP (Office of Science and Technology Policy) ont quitté leurs postes vendredi. La Maison Blanche n’a donc plus de conseillers scientifiques à proprement parler. Un nouvel épisode du bras de fer entre Trump et la communauté scientifique dans son ensemble.
La fin des conseillers scientifiques
Ils n’étaient plus que trois, ils ont quitté les locaux vendredi. Les derniers membres de la branche scientifique de l’OSTP (qui en compte quatre) laissent leurs bureaux vides. Nul ne sait s’ils seront remplacés. Sous la présidence de Barack Obama, neuf employés y travaillaient à plein temps. Mais les temps sont durs pour l’organisme chargé de conseiller le pouvoir exécutif sur les grandes questions scientifiques et techniques, en lien avec le President’s Council of Advisors on Science and Technology.
Le rôle de ces hommes de science ne doit pas être sous-estimé. En effet, il n’échappera à personne que l’emploi du temps d’un homme politique de premier plan comme le président de la première puissance mondiale ne lui laisse que peu de temps pour lire des thèses dans les sciences dures. En se penchant sur les questions de missiles balistiques, de cybersécurité ou encore d’ingénierie biologique, leur point de vue non partisan est nécessaire pour contrebalancer l’influence des puissantes agences de renseignement ou de l’armée.
La division scientifique était chargée de plancher sur les biotechnologies, l’éducation scientifique (en mathématique ou ingénierie par exemple), et comptait également une cellule de crise. Ils avaient même accès à des données classifiées. À l’époque de Barack Obama, l’OSTP dans son ensemble réunissait une centaine de personnes. Elles ne sont aujourd’hui plus que 35 au total. Du côté de la Maison Blanche, on relativise les faits : « le travail que nous avons toujours fait continuera de l’être », a déclaré un membre de la Maison Blanche à CBS. Et de préciser qu’avant Obama, seulement 50 à 60 personnes y travaillaient.
Changement d’époque
Pour Kumar Garg, un ex-membre de la regrettée division scientifique, l’intérêt porté à la science était une constante chez l’ancien locataire des lieux. Ainsi, les membres du conseil avaient été rapidement nommés et avaient un accès direct très facile et fréquent au président. Il semblerait que Donald Trump soit bien moins proche de la communauté scientifique et utilise ce biais pour le faire savoir.
La pomme de discorde entre les scientifiques et le 45e président des États-Unis est la question du réchauffement climatique. Le candidat Trump s’était déjà fait remarquer pour ses sorties à l’emporte-pièce. « Je ne crois pas au changement climatique. C’est juste de la météo », expliquait-il en 2015. Une parole qui faisait écho à son tweet désormais fameux, en 2012, alors qu’il ne faisait pas de politique : » Le concept de changement climatique a été créé par et pour les chinois pour affaiblir l’industrie américaine « .
Fait notable, la communauté scientifique ne s’est pas laissée marcher dessus en silence. Ainsi en avril, la « Marche pour la Science« , bien qu’officiellement apolitique, avait été perçue par les commentateurs comme une réaction des savants à l’attitude du président américain. Il faut dire que les premiers gestes politiques de Trump, désormais élu, semblent confirmer son désintérêt pour la question du climat. On peut évoquer bien sûr son retrait de l’accord de Paris sur le climat, l’une de ses promesses de campagnes. Mais au-delà de son opinion personnelle, c’est bien un virage idéologique que défend le président.
Le président anti-écologiste
Une série de décisions et de nominations dessinent par petites touches le tournant anti-écolo impulsé par la nouvelle administration. En plus du retrait de l’accord de Paris, le président Trump a également tranché une controverse vieille de plusieurs années aux États-Unis en donnant son feu vert au projet d’oléoduc Keystone XL. Cette pipeline transporte le pétrole issu des sables bitumineux du Canada jusqu’au Golfe du Mexique. Les opposants arguaient le risque de pollution sur les plus de 3000 km de trajet. L’oléoduc traverse également les terres sacrées des Sioux, logiquement opposés au projet. En 2015, Barack Obama avait finalement renoncé au projet. Une décision infirmée par Donald Trump en mars 2017.
Le nouveau président a également utilisé les nominations de fonctionnaires pour faire passer des messages. À la tête du département d’État (l’équivalent de notre ministère des affaires étrangères), il a ainsi choisi Rex Tillerson, dirigeant de 2006 à 2016 de la puissante société pétrolière Exxonmobil. Tout un symbole. Pour ceux qui n’auraient pas compris le message, il a ensuite installé à la tête de l’Agence de Protection de l’Environnement un climato-sceptique notoire, Scott Pruitt. Globalement la plupart des proches de Trump doutent, ou disent douter, de la réalité du changement climatique.
L’écologie semble donc bien être l’un des grands clivages entre deux Amérique qui se font face. Alors que les régions les plus écologistes, comme la Californie ou la côte est, soutiennent le camp démocrate, y compris avec leur argent (les milliardaires de la Silicon Valley sont avec Wall Street leurs principaux financiers), Donald Trump appuie sans vergogne les lobbys pétroliers et industriels. « Bring back our Job » (« ramener les emplois »), est son leitmotiv. Il faut dire qu’il a gagné l’élection de 2016 en faisant largement basculer la classe ouvrière blanche, autrefois acquise à la gauche, vers le parti Républicain. D’où sa décision par exemple de relancer l’industrie si polluante du charbon. Seul l’avenir dira si cette stratégie absurde s’avère payante d’un point de vue électoral.
Par Tristan Castel, le
Source: CBS
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