Selon l’Inserm, 45 % des 25-34 ans en France considèrent qu’ils dorment moins que ce dont ils ont besoin. De plus en plus de personnes cherchent alors à remédier à leurs troubles du sommeil en utilisant différentes applications, qui doivent surveiller le sommeil afin de pouvoir l’améliorer. Mais des spécialistes sur le sujet considèrent que ces applications peuvent être dangereuses.

Les « sleep trackers », une mode…

Montres connectées, bandeaux, dispositifs à placer sur le lit ou la table de chevet… Des objets faits pour surveiller votre sommeil, tous reliés à des applications à télécharger sur votre téléphone, se vendent comme des petits pains. Pourtant, des spécialistes estiment que les données récoltées par ces dispositifs ne sont pas toujours fiables et peuvent exacerber les symptômes liés à l’insomnie. L’explication est simple : le fait de s’inquiéter pour ses “objectifs de sommeil” à atteindre peut empirer votre anxiété.

En 2017, des chercheurs à l’école de médecine de l’université Rush ainsi que celle de l’université Northwestern ont inventé le terme d’orthosomnie pour désigner cette obsession malsaine d’avoir un sommeil parfait. La docteure Kelly Baron, co-auteure de l’étude en question et directrice du programme sur la médecine du sommeil à l’université de l’Utah explique que les “sleep trackers” sont utiles pour identifier les modèles. Elle-même utilise une Fitbit pour surveiller son sommeil. Mais elle a remarqué que de nombreux patients se plaignaient des données enregistrées, par exemple de la durée du sommeil paradoxal. “Et ces gens avaient beaucoup de doutes sur ce que je leur disais, ils me répondaient par exemple qu’ils avaient peur de ne pas avoir assez de sommeil paradoxal, que quelque chose clochait…”

Ces gadgets technologiques vont de pair avec des problèmes

La quantité énorme de données générées après chaque nuit, accompagnées de mots qui ont l’air complexes comme le pourcentage du manque de sommeil, le rythme de sommeil, ainsi que des graphiques qui compare le sommeil à celui d’autres personnes, ne font que créer une grande confusion. La docteure Seema Khosla, directrice médicale du Centre pour le sommeil de Dakota du Nord et membre du comité de l’Académie américaine pour la médecine du sommeil, explique qu’elle et de nombreux autres praticiens ont du mal à rester au courant de tous les nouveaux services en vente sur le marché concernant le sommeil. Si elle est contente du fait que le sommeil devienne une priorité pour beaucoup de personnes, elle craint les effets des données “fausses” qui peuvent être mesurées et de l’anxiété qui en découle.

Beaucoup de patients passent plus de temps à essayer de mesurer et comprendre leur sommeil lorsqu’ils sont au lit, ce qui va finalement empirer l’insomnie dont ils souffrent déjà. Et les médecins ont du mal à convaincre leurs patients de décrocher et de relativiser les données qui s’affichent sur leurs écrans. L’étude sur l’orthosomnie montre même que certains préfèrent remettre en question les diagnostics des experts : une femme ayant suivi un traitement pour ses troubles du sommeil, et qui a pu dormir profondément au labo à sa venue, n’était tout de même pas rassurée. “Pourquoi ma Fitbit dit alors que je ne dors pas assez ?”

Les entreprises concernées estiment que la menace de l’anxiété est exagérée

Le docteur Conor Heneghan, directeur de recherche chez Fitbit, estime que peu de personnes souffrent d’une sévère insomnie d’anxiété. Pour lui, surveiller son sommeil rappelle avant tout l’importance des horaires pour se coucher et se lever, ainsi que des effets du sport ou de la consommation d’alcool sur le sommeil. “Ce que nous essayons de faire est de donner un outil aux gens qui les aide à mieux comprendre leur sommeil.” Il souligne également que les données mesurées sont fiables, élaborées à partir d’algorithmes précis. Selon lui, d’après une étude faite en 2017 qui étudiait les données du sommeil de 60 personnes utilisant Fitbit en même temps qu’un dispositif médical dans un laboratoire, les données concordaient 70 % du temps.

De même, le docteur Eugene Spiritus, directeur général de SleepWatch (application qui travaille avec l’Apple Watch), explique qu’ils aident les utilisateurs à comprendre leur comportement, et ce qui influence leur sommeil. Un repas tardif, trop de café, une séance de sport esquivée… “Beaucoup de personnes nous disent qu’on les aide.”

Il est donc assez difficile d’estimer jusqu’à quel point ces applications et dispositifs pour surveiller le sommeil sont fiables, puisque les discours des entreprises concernées et du corps médical sont très différents.

Ecouter son corps pour mieux dormir

Le point sur lequel tout le monde se met d’accord est tout de même l’importance d’avoir suffisamment de sommeil pour de nombreuses raisons. Bien dormir permet de penser clairement, d’être en forme et en bonne santé au quotidien, etc. Une insomnie chronique augmente d’ailleurs le risque d’avoir des crises cardiaques, de développer de l’hypertension, de l’anxiété ou une dépression.

La Fondation nationale pour la santé américaine recommande aux adultes de dormir entre 7 et 9 heures par nuit. Pourtant, en 2014, une étude menée par le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies montre qu’un tiers des Américains dort moins de 7 heures par nuit. La France n’est pas épargnée : l’Institut national du sommeil et de la vigilance estime aussi en 2014 que les Français dorment en moyenne 7 heures par nuit. Des temps qui sont donc loin d’être suffisants.

Certains médecins recommandent de mettre de côté cette obsession concernant le sommeil, et de ne pas chercher à atteindre des objectifs précis. Le Dr Hawley Montgomery-Dows, professeur de psychologie à l’université de Virginie, a étudié les limites des dispositifs qui surveillent le sommeil, et conseille plutôt de se fier directement aux sensations corporelles.

Son conseil est simple : trouver une semaine où vous n’avez pas besoin de vous réveiller à une heure précise. Éteignez téléphone et alarme pour vous laisser aller. Les premiers jours, vous allez énormément dormir, mais au bout de cette période, votre corps va lui-même vous faire comprendre quand est-ce qu’il faut dormir et se lever, et donc combien d’heures il vous faut réellement pour dormir. Selon le docteur, “il faut faire confiance {à votre corps} plutôt qu’à des dispositifs”.

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1 Commentaire
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Fran
Fran
4 années

Faire confiance à son corps… c’est la sagesse même !!! Si on n’a pas confiance à son corps, de qui/quoi peut-on avoir confiance en ce bas monde ???