Aujourd’hui plus que jamais, la pollution est au cœur des préoccupations de nos sociétés. L’activité des hommes, surtout en ville, dégage des gaz néfastes pour notre planète. La Chine, pays le plus peuplé de la planète, est l’un des endroits les plus pollués au monde. Dans la ville de Xian, des chercheurs ont mis au point une tour capable de purifier l’air.
Un système ingénieux qui nettoie l’air pollué
Face à une population de plus en plus nombreuse et des villes à l’activité toujours plus importante, des chercheurs ont imaginé un système capable de purifier l’air urbain. C’est dans la ville de Xian (centre de la Chine), l’une des plus polluées du pays, que cette tour (appelée aussi cheminée) de 60 mètres de haut a été installée. Le leader du projet, Cao Junji, est un chimiste de l’Académie chinoise des Sciences spécialisé en physique et chimie.
Le fonctionnement de la tour est assez simple. Bien que comparée à une cheminée, elle n’ajoute pas de fumée à la pollution, au contraire, elle aide à nettoyer l’air de la ville. Le système extérieur de purification d’air fonctionne grâce à l’énergie solaire, filtrant les particules nuisibles et diffusant l’air « propre » dans le ciel. La tour, conçue en béton, est composée d’une structure ouverte avec un toit en verre. Les radiations solaires passent à travers le verre et chauffent l’air. Cela a pour effet de le faire monter via la base de la tour. L’air passe ensuite à travers un mur de filtres industriels avant d’être rejeté. Le système est inspiré par des usines fonctionnant aux énergies renouvelables (l’électricité est obtenue grâce au soleil). Les scientifiques chinois qui ont conçu le prototype affirment que le système pourrait réduire ostensiblement la pollution dans les aires urbaines en Chine ou ailleurs.
Un prototype qui suscite l’admiration des chercheurs
Le fait que cette trouvaille vienne de Chine n’est en rien une surprise. En effet, dans ce pays où la pollution de l’air est un défi quotidien, la technologie est très utilisée pour faire face aux problèmes. Les premiers résultats, qui devraient être bientôt publiés, sont prometteurs, d’après Cao Junji. Des experts internationaux s’accordent à dire que le projet est prometteur. Pour Donald Wuebble, un scientifique spécialisé sur la question atmosphérique à l’Université de l’Illinois « c’est certainement une idée très intéressante ». L’américain a entendu parler du projet mais ne l’a pas vu à l’oeuvre. « Je ne connais personne d’autre qui a mis au point un projet pareil », ajoute t-il.
Renaud de Richter, un ingénieur en chimie de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier, abonde dans ce sens. « C’est un prototype très bien conçu et très bien fait », dit-il. Le français a lui-même travaillé sur des tours à énergie solaire. Il pense que le succès de Cao pourrait convaincre les investisseurs de financer d’autres projets fonctionnant sur le même principe. Cao a d’ailleurs soumis une proposition pour une autre tour installée à Xian, de 300 mètres cette fois. Il négocie aussi avec les villes de Ghangzhou (Canton), Hebei et Henan.
Un système efficace au rayonnement local
La pollution atteignant son pic en hiver, Cao a choisi cette période pour mener à bien son test pendant deux semaines en janvier. Sur la tour et dans 10 stations de contrôle (dans un rayon de 10 km2), il a placé des moniteurs qui mesurent une particule fine de moins de 2.5 micromètres de diamètre (PM2.5), un fléau qui sévit dans les villes chinoises. Le scientifique a noté que la tour relâche entre 5 et 8 millions de m3 d’air filtré par jour en hiver. Durant cette période d’étude, les moniteurs ont enregistré une baisse de la concentration en PM2.5 de 19 % (en comparant avec les moniteurs situés ailleurs dans la ville.
Le prototype fonctionne mais l’impact est local. Cao propose donc de créer une demi-douzaine de tours réparties autour des centres urbains. Il a aussi imaginé une tour haute de 500m. « L’influence d’un seul système est légère. Nous devons les multiplier pour qu’une réduction de la pollution de l’air soit significative », affirme t-il. Cependant, les détracteurs pointent du doigt le caractère onéreux de ce système.
Un projet qui soulève plusieurs questions
Le prototype construit à Xian a coûté 2 millions de dollars (US) au gouvernement de la province. Bien qu’ayant obtenu des résultats convaincants, cette technologie a des détracteurs, plus sceptiques, qui affirment que des moyens moins coûteux existent pour réduire la pollution de l’air. Neil Donahue, qui étudie les particules atmosphériques à l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh (Pennsylvanie), a de légers doutes sur le fait que faire passer de l’air par des filtres à particules puisse nettoyer l’air. Il se demande même si les bénéfices valent le coup de construire ces structures, qui font des dégâts dans l’environnement. « J’aimerais voir une évaluation de l’énergie et de la ressource utilisées pour filtrer », explique t-il.
Selon Donahue, il serait plus intéressant de transformer la même quantité d’énergie en électricité « propre » ou ne pas émettre de pollution en premier lieu, pour réduire la pollution. Wuebbles, quant à lui, s’inquiète du fait que la cheminée ne filtre qu’un type de matière particulaire et pas d’autres gaz comme le dioxyde de soufre ou l’oxyde de nitrogène, également dangereux pour la santé de l’homme, ou encore des gaz polluants secondaires tels que l’ozone. « Bien que l’air semblerait plus propre, sa qualité pourrait toujours être atroce », assène t-il. Cao rétorque que le système enlève déjà l’oxyde de nitrogène et l’ozone. Quant à l’argument économique, il affirme que c’est exagéré. D’après lui, le coût du projet pilote reviendra à 30 000 $ par an.
Le projet a attiré l’attention du président de l’Académie chinoise des sciences, Bai Chunli. Selon Cao Junji, les leaders chinois sont intéressés par des solutions innovantes concernant la pollution de l’air, représentant aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique. Une étude menée en 2015 pour cartographier les maladies présentes dans le monde, a découvert qu’en 2015 la pollution a été responsable de 1.1 million de morts prématurées. Il semble clair que le prototype de la cheminée de Xian devrait s’étendre dans le pays. Des chercheurs comme Jose Jimenez (Université du Colorado Boulder) voient un intérêt dans le fait d’utiliser la technologie. « Je dis clairement que ça vaut le coup d’approfondir plus, même si je ne suis pas totalement convaincu pour le moment », dit-il. À terme, la technologie pourrait permettre de régler des problèmes délicats, comme celui de la pollution de l’air.
Par Thomas Le Moing, le
Source: Nature
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