Dans la quête de formes de vie extraterrestres, les scientifiques s’intéressent depuis longtemps à Titan, lune glaciale de Saturne dont la surface est recouverte d’hydrocarbures organiques et qui abriterait un vaste océan sous sa croûte glacée.
« L’idée est très séduisante »
Présentée à l’occasion de la Conférence des sciences lunaires et planétaires 2021, cette nouvelle étude estime qu’un astéroïde ou une comète percutant le satellite naturel pourrait théoriquement mélanger ces deux ingrédients, et que les cratères d’impact en résultant constitueraient par conséquent des endroits idéals pour l’apparition de la vie.
« L’idée est très séduisante », estime Léa Bonnefoy, docteure en planétologie à l’université de Paris. « Si vous avez beaucoup d’eau liquide créant un bassin chaud temporaire à la surface, alors vous obtenez des conditions très favorables à la vie. La présence de matière organique circulant depuis la surface vers l’océan rend ce dernier encore un peu plus habitable. »
On suspecte la présence d’un océan à environ 100 kilomètres sous la croûte de Titan depuis la mesure d’importantes marées à sa surface en 2012, dans le cadre de la mission Cassini. Le satellite naturel de Saturne étant parsemé de nombreux cratères d’impact, les chercheurs se sont demandé si l’un de ces impacts pouvait avoir été suffisamment important pour percer la croûte et mélanger la matière organique de la surface avec l’eau située en dessous, produisant ainsi « une soupe primordiale nécessaire au développement de la vie » selon Alvaro Penteado Crósta, géologue planétaire à l’université de Campinas et co-auteur de l’étude.
Afin d’en savoir plus, Crósta et ses collègues ont modélisé Menrva, principal cratère d’impact de Titan. D’une largeur de 425 kilomètres, celui-ci se serait formé il y a 1 milliard d’années, à la suite d’une collision monstrueuse avec une roche spatiale large de 34 kilomètres, dont la vitesse a été estimée à 7 kilomètres par seconde.
Des conditions très favorables à l’émergence de la vie
Les simulations réalisées ont déterminé que l’impact se serait révélé suffisant pour perforer la croûte glacée de la lune, et que la chaleur dégagée aurait entraîné la formation d’un lac à l’intérieur du cratère. Si celui-ci n’aurait probablement existé que pendant un million d’années avant de geler sous les températures glaciales de Titan, ce laps de temps pourrait avoir été suffisant pour que les microbes évoluent, en profitant de l’eau liquide, des molécules organiques et de la chaleur générée par l’impact.
Bien que les recherches de l’équipe se soient concentrées sur Menrva, Penteado Crósta affirme qu’il est possible que des impacts plus petits se soient également avérés suffisants pour briser la coquille de glace de Titan. Cela pourrait notamment être le cas de Selk, un cratère de 90 kilomètres de large. Situé à environ 5 000 kilomètres de Menrva, celui-ci serait seulement âgé de quelques centaines de millions d’années, ce qui augmenterait les chances de pouvoir un jour y trouver des traces de vie (probablement des bactéries) fossilisées et préservées dans la glace.
La mission Dragonfly pourrait apporter des premiers éléments de réponse
Selk se trouve être le site d’atterrissage prévu pour la mission Dragonfly de la NASA, drone autonome à propulsion nucléaire dont le lancement et prévu en 2027 pour une arrivée sur Titan en 2036. S’il n’existe pour l’instant « pas de preuves solides suggérant qu’il y ait effectivement eu perforation », selon Elizabeth Turtle, chercheuse principale de la mission Dragonfly, cette dernière permettra de le découvrir.
D’après Crósta, Dragonfly pourrait être amené à visiter d’autres cratères dans le cadre d’une mission prolongée, et même si Menrva se révélait trop éloigné, il pourrait représenter un site d’atterrissage intéressant à l’avenir.
Par Yann Contegat, le
Source: Science Mag
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