— solarseven / Shutterstock.com

Il y a des milliards d’années, la rotation de la Terre s’est progressivement ralentie. Selon une nouvelle étude, il pourrait s’agir de la raison pour laquelle nous avons tant d’oxygène aujourd’hui, les microbes photosynthétiques ayant profité de la situation pour en produire davantage.

Étudier les cyanobactéries pour comprendre l’évolution de l’oxygénation de la Terre

Si l’oxygène est aujourd’hui indispensable à la vie, il fut un temps où les habitants de la Terre l’auraient considéré comme un poison. Pendant la première moitié de la vie de la planète, le dioxyde de carbone dominait l’atmosphère, et les premières formes de vie prospéraient dans cet environnement. Mais il y a environ 2,4 milliards d’années, les cyanobactéries sont entrées en scène, et ont commencé à consommer du dioxyde de carbone et à produire de l’oxygène.

Dans un parallèle étrange avec notre situation climatique actuelle, ces microbes ont fondamentalement modifié la composition de l’atmosphère et ont anéanti une grande partie de la vie qui existait à l’époque. Ce grand événement d’oxygénation ne s’est cependant pas produit du jour au lendemain : il a duré des centaines de millions d’années. Si le pourquoi et le comment d’un tel événement restent assez obscurs, cette nouvelle étude parue dans la revue Nature Geoscience s’est penchée sur l’une de ses probables causes.

« Nous ne savons pas exactement pourquoi il a fallu si longtemps et quels facteurs ont régi l’oxygénation de notre planète », explique Judith Klatt, auteure principale de l’étude. « Mais en étudiant les tapis de cyanobactéries dans le lac Huron, évoluant dans des conditions semblables à celles de la Terre primitive, une idée a germé. »

Un plongeur examine des tapis microbiens dans le lac Huron — © Phil Hartmeyer / NOAA / Thunder Bay National Marine Sanctuary

Dans cet environnement à faible teneur en oxygène, l’équipe a observé une chorégraphie quotidienne impliquant deux types de bactéries formant des couches du tapis microbien. Pendant la nuit, les bactéries consommatrices de soufre se trouvaient au sommet, extrayant des nutriments de l’eau les entourant, mais dès que le jour se levait, les cyanobactéries remontaient afin de capter l’énergie du rayonnement solaire. « Elles pouvaient alors entamer la photosynthèse et produire de l’oxygène » explique Klatt. « Mais il fallait plusieurs heures avant qu’elles ne se mettent au travail. »

Un ralentissement progressif

L’équipe a réalisé qu’un tel décalage pouvait contribuer à expliquer la lenteur de l’oxygénation de la Terre. Dans un passé lointain, les journées étaient beaucoup plus courtes, mais au cours de milliards d’années, la force gravitationnelle de la Lune a progressivement ralenti la rotation de la planète, allongeant significativement leur durée et augmentant par conséquent le nombre d’heures de clarté.

« Lorsque le système Terre-Lune s’est formé, les jours étaient beaucoup plus courts et ne duraient probablement pas plus de 6 heures », explique Brian Arbic, co-auteur de l’étude. « Ce qui suggère que la modification de la durée des journées aurait eu un impact potentiellement significatif sur la photosynthèse au cours de l’histoire terrestre. »

Les chercheurs ont constaté que, sur de larges échelles de temps, il existait une corrélation sommaire entre les niveaux d’oxygène atmosphérique et la longueur des journées. Si la vitesse de rotation était restée relativement stable pendant une période d’environ un milliard d’années, ce qui coïncidait avec de faibles niveaux d’oxygène, celle-ci a commencé à ralentir il y a environ 600 millions d’années, induisant une augmentation progressive des niveaux d’oxygène, connue sous le nom « d’évènement d’oxygénation néoprotérozoïque ».

« Nous avons réalisé que la longueur des journées et la libération de l’oxygène par les tapis microbiens étaient liées par un concept fondamental : plus les jours sont courts, moins les gradients disposent de temps pour se développer, ce qui se traduit par une quantité d’oxygène libérée par ces tapis plus faible », explique Klatt.

« Intuitivement, deux journées de 12 heures devraient être équivalentes à une journée de 24 heures »

La modélisation de l’influence de la dynamique de la lumière solaire sur la libération d’oxygène par les tapis microbiens a montré que de plus longues périodes d’ensoleillement entraînaient effectivement une plus grande libération d’oxygène, en accroissant la productivité des microbes.

« Intuitivement, deux journées de 12 heures devraient être équivalentes à une journée de 24 heures », explique Arjun Chennu, co-auteur de l’étude. « Le Soleil se lève et décline deux fois plus vite, et la production d’oxygène suit au même rythme. Mais le schéma se révèle différent pour les tapis bactériens, car la libération de l’oxygène est limitée par la vitesse de diffusion moléculaire. Ce décalage subtil se trouve au cœur du processus. »

Bien que des recherches plus approfondies soient nécessaires pour éclaircir certaines zones d’ombre, il s’agit assurément d’une idée intrigante.

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