Les nouvelles technologies sont pleines de contradictions : elles sont pratiques et nous aident considérablement dans nos vies quotidiennes. Toutefois, elles font également l’objet de vives controverses, entre surveillance de masse et vol de données personnelles qui amènent à un quasi contrôle de nos goûts et désirs. Les technologies du cerveau n’échappent pas à la règle : elles apportent une aide significative à la médecine, toutefois, utilisées à mauvais escient, elles pourraient carrément prendre le contrôle de nos neurones.
L’électroencéphalographie, une méthode de traitement qui a fait ses preuves
S’il est un domaine dans lequel la science et les nouvelles technologies ont prouvé leur efficacité, c’est bien celui de la médecine. En effet, de nombreux apports ont pu y être observés, de l’apparition de prothèses de plus en plus perfectionnées et intelligentes, aux consultations à distance (qui ne remplacent toutefois pas une consultation physique). Le cerveau, sûrement l’organe le plus complexe, a lui aussi eu son lot de surprises et d’avancées. De la trépanation à distance (qui permet au chirurgien d’opérer le cerveau de manière plus précise sans mettre les mains dedans) à l’électroencéphalographie et l’IRM, ces techniques n’en finissent pas de nous surprendre. L’électroencéphalographie, ou EEG, bien qu’assez ancienne puisqu’elle date des années 1920, permet, à l’aide d’électrodes placées sur le cuir chevelu, d’explorer le cerveau en mesurant son activité électrique. Le tracé obtenu est ainsi appelé électroencéphalogramme. Il peut conduire à détecter des maladies mentales comme les troubles de l’attention, l’hyperactivité, la schizophrénie… et, de ce fait, à les traiter plus rapidement.
Mais ces méthodes vont même plus loin : Douglas Phield, dans son nouveau livre Electric Brain (BenBella, 2020), raconte comment, grâce à l’EEG, il a découvert que l’apprentissage des langues serait difficile pour lui, du fait d’ondes bêta faibles dans la partie du cerveau liée au langage. Ce type de test est également pratiqué sur le cerveau d’enfants en maternelle afin de déterminer s’ils auront ou non des difficultés à l’école. Ainsi, cela remettrait en cause l’idée selon laquelle seul le travail a un rôle à jouer dans une scolarité brillante ou plus difficile. Ces outils peuvent également sauver des personnes du suicide, par exemple, notamment l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), beaucoup utilisée par le neuroscientifique Marcel Just de la Carnegie Mellon University (Pittsburgh), qui permet presque de déchiffrer les pensées, et ainsi prévenir certaines maladies mentales. Cette méthode permettrait également d’analyser l’activité cérébrale de personnes inconscientes ou dans un état végétatif, avec à terme la possibilité de mieux les comprendre et mieux les traiter. Des méthodes plus ‘artisanales’ permettent également de mieux comprendre le cerveau humain, comme ces musiciens qui jouent pendant leurs opérations afin de permettre aux chirurgiens de voir en temps réel la zone à opérer. Enfin, au-delà de l’aide médicale, de nombreux outils sont créés pour améliorer la vie quotidienne du cerveau, comme un appareil pour méditer, mieux dormir, choisir son humeur ou encore contrôler ses rêves… Bref, les technologies n’ont pas fini de nous surprendre.
Une intrusion dans le dernier espace d’intimité ?
Toutefois, les nettes améliorations détectées dans le domaine médical ne doivent pas occulter les zones d’ombre que ces nouvelles technologies font peser sur notre cerveau. Ainsi, ces inventions, permettant aux médecins de pénétrer notre cerveau et nos pensées, partent du principe que les praticiens sont toujours bien intentionnés. Or, ces derniers pourraient – si cela devient possible un jour – dans le pire des cas, tenter d’implanter des pensées dans un cerveau pour mieux le contrôler, ce qui serait dramatique. On a déjà pu le voir, dans les années 1970, avec les thérapies de conversion pour les homosexuels, où ces derniers recevaient, soit des décharges électriques, soit des expériences désagréables pour les ‘soigner’ de l’homosexualité. De même, José Delgado, un neurobiologiste espagnol, a utilisé des stimulations cérébrales sur, par exemple, des taureaux en train de charger, tout en leur envoyant des décharges électriques dans le cerveau pour contrôler leurs mouvements. Le pouvoir que cela donnerait sur les patients est donc assez impressionnant. De même, rien ne garantit que les données collectées par les médecins, on ne peut plus personnelles, ne vont pas se retrouver entre les mains d’entreprises, qui tenteront ensuite de nous vendre des produits en fonction de notre santé mentale, sur le modèle de ce que font les réseaux sociaux, ou que cela ne portera pas préjudice dans la recherche d’emplois par exemple.
L’utilisation de décharges électriques pour soigner les patients atteints de maladies mentales a pu faire ses preuves, mais la guérison n’est pas garantie pour tous. En effet, la lobotomie et l’électroconvulsivothérapie, ou traitement par électrochocs, ont pu démontrer leur efficacité quand les médicaments ne suffisaient plus, mais les effets secondaires en cas d’échec peuvent être dramatiques, comme un ralentissement de la fréquence cardiaque, une aggravation de la dépression, voire la perte de mémoire. Cela mine l’intégralité du cerveau alors que la logique voudrait que l’on se penche sur la ou les parties spécifiquement endommagées. Les connaissances étant encore insuffisantes dans le domaine cérébral, certains médecins utilisent leurs patients comme cobayes, avec des conséquences désastreuses. Plus inquiétant, de nombreuses méthodes de stimulation du cerveau pour améliorer ses capacités d’apprentissage ou ses performances peuvent être trouvées sur Internet, ce qui peut être extrêmement dangereux.
En conclusion, l’utilisation des nouvelles technologies dans le domaine médical a considérablement changé la santé physique et mentale des patients. De nombreuses améliorations ont pu être observées, toutefois la ligne rouge à ne pas franchir dans le domaine du contrôle des pensées et émotions reste encore à délimiter.
Par Marine Guichard, le
Source: Scientific American
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