En 1879, l’une des figures militantes les plus populaires de la côte est des États-Unis était une jeune Amérindienne du nom de Susette La Flesche. Une femme hors du commun qui passa sa vie à combattre les injustices dont son peuple était victime et lutta corps et âme pour la reconnaissance de ses droits.

LA FILLE DU CHEF DES INDIENS OMAHAS

Susette La Flesche nait en 1954, à Bellevue, Nebraska. Quelques mois plus tôt, son père, Joseph La Flesche, considéré comme le dernier chef des Indiens Omahas, a renoncé aux terres ancestrales de son peuple en signant un traité avec le gouvernement fédéral, et l’ensemble de sa tribu a été installée dans une réserve indienne située dans le nord-est de l’État, à proximité du territoire de la tribu des Poncas.

Comme beaucoup d’enfants amérindiens à cette époque, Susette et ses frères et sœurs (sa cadette Susan entrera dans l’Histoire en devenant la première femme amérindienne à obtenir un diplôme de médecine) fréquentent les bancs d’une école presbytérienne où elle apprend notamment l’anglais, le latin et la couture.

La jeune fille poursuit ensuite ses études à l’Elizabeth Institute for Young Ladies du New Jersey, où elle étudie l’art et se prend de passion pour l’écriture. Après avoir obtenu son diplôme, elle décide de retourner dans la réserve Omaha au début des années 1870, et sa vie change à jamais.

Les habitants d’une réserve indienne photographiés vers 1870

Vers 1875, après des décennies de conflit entre le gouvernement américain et les tribus Sioux relocalisées, les Poncas envisagent de s’installer sur le territoire indien de l’Oklahoma, à environ 500 miles de la réserve Omaha. Mais lorsque les chefs de la tribu visitent les sites potentiels deux ans plus tard, ils découvrent des terres pierreuses et inexploitables.

Les agents mandatés par le gouvernement américain refusent catégoriquement de rapatrier les chefs indiens chez eux, et ces derniers sont contraints de retourner à pied au Nebraska (à l’exception de deux aînés jugés trop faibles pour effectuer le voyage). Éreintés et affamés, ils atteignent finalement leur but en mars 1877.

Standing Bear (1829-1908)

Pour beaucoup d’historiens, ce qui se passe ensuite est dû à un accord mal traduit entre le gouvernement fédéral américain et les Poncas. Ces derniers pensent avoir obtenu le droit de se réinstaller sur les terres ancestrales et fertiles de leurs ancêtres, mais viennent en réalité de s’engager à vivre sur les terres désolées du territoire indien qu’ils ont précédemment visitées.

Au printemps 1877, la quasi-totalité des membres de la tribu se rend à pied à Baxter Springs, au Kansas. Durant ce périple éprouvant, un tiers des Poncas meurent des suites de maladies et de famine (y compris le fils du chef Standing Bear). Après avoir bravé un terrible hiver, le reste de la tribu atteint finalement la nouvelle réserve indienne installée sur les rives de la rivière Arkansas.

En janvier 1879, Standing Bear et un petit groupe de Poncas repartent pour le Nebraska afin que le chef indien puisse enterrer les ossements de son fils sur les terres de ses ancêtres.

Lorsque les Poncas atteignent le Nebraska, Joseph La Flesche et sa fille les accueillent au sein de la réserve Omaha et les cachent. Mais à l’issue d’une nouvelle confrontation avec le gouvernement américain, Standing Bear et ses compagnons sont arrêtés et jugés par le tribunal fédéral du district.

La Flesche parle couramment l’anglais et le français et maîtrise également l’omaha et le ponca. Bien qu’extrêmement timide, elle devient l’interprète de Standing Bear durant son procès en 1879, et écrit dans les journaux locaux des articles sur le sort terrible des peuples autochtones du Nebraska.

À l’issue du procès, le juge Elmer Dundy rend une décision forte qui reconnait les droits des tribus amérindiennes, en déclarant : « Un Indien est une personne au sens de la loi, et il n’est pas de loi qui donne à l’armée américaine le pouvoir de priver de force les Indiens de leurs terres. »

« IL N’EST PAS DE LOI QUI DONNE À L’ARMÉE AMÉRICAINE LE POUVOIR DE PRIVER DE FORCE LES INDIENS DE LEURS TERRES »

Les chefs de la tribu amérindienne des Poncas photographiés en 1877

UNE PREMIÈRE HISTORIQUE POUR LE PEUPLE AMÉRINDIEN

C’est la première fois dans l’histoire des États-Unis que les Amérindiens sont reconnus comme des personnes à part entière bénéficiant des mêmes droits que les citoyens américains, et les Poncas sont finalement autorisés à regagner leurs terres du Nebraska.

Le combat de La Flesche ne fait cependant que commencer. En compagnie de Standing Bear, de son demi-frère Francis et d’un journaliste originaire d’Omaha nommé Thomas Tibbles (qui a contribué à faire connaître le sort des Poncas et qu’elle épousera par la suite), Susette donne de nombreuses conférences dans l’est du pays.

Susette La Flesche parcourt l’Europe et les États-Unis afin de dénoncer les injustices dont les Amérindiens sont victimes

Vêtue d’une robe en peau de cerf et se présentant sous son nom indien traduit, « Bright Eyes » (littéralement yeux brillants), elle évoque les conditions de vie dans les réserves indiennes et milite pour une révision complète des politiques fédérales concernant les Indiens d’Amérique.

En 1887, elle se rend en Angleterre et en Écosse où elle fait du lobbying auprès du gouvernement britannique et de la reine Victoria afin que les peuples autochtones du Canada bénéficient des mêmes droits que les citoyens du pays, et devient une figure militante internationalement reconnue.

De retour aux États-Unis, La Flesche témoigne devant le Congrès américain, rencontre le président Rutherford B. Hayes et sa femme à la Maison-Blanche, et gagne l’admiration du poète Henry Wadsworth Longfellow.

LA FLESCHE TÉMOIGNE DEVANT LE CONGRÈS AMÉRICAIN ET SE REND À LA MAISON-BLANCHE

Elle se lance ensuite dans une brillante carrière d’écrivaine et de journaliste, qui la mènera jusqu’à la réserve indienne de Pine Ridge, dans le sud-ouest du Dakota du Sud, afin d’effectuer un reportage sur le massacre de Wounded Knee, qui a coûté la vie à plus de 300 Amérindiens de la tribu Lakota.

Susette La Flesche écrit également sur la vie des Amérindiens pour des journaux destinés aux enfants et fait valoir ses talents de dessinatrice en illustrant plusieurs ouvrages. Grâce à ses différentes réalisations, elle devient la première écrivaine et artiste amérindienne à avoir été publiée.

En 1890, la journaliste militante dénonce le massacre de Wounded Knee, qui a coûté la vie à plus de 300 Amérindiens

La Flesche décède le 26 mai 1903 à l’âge de 49 ans dans la réserve qui l’a vue naitre et le Sénat américain lui rend un hommage appuyé. Elle est officiellement intronisée au Nebraska Hall of Fame en 1983. Comme elle l’écrivait quelques années plus tôt : « Les révolutions pacifiques sont lentes mais sûres. Il faut du temps pour sensibiliser le peuple de cette nation aux concepts de justice et de liberté, mais l’évolution des mentalités est d’autant plus certaine et durable lorsque les choses se font lentement. »

Pour aller plus loin, découvrez aussi le témoignage bouleversant de l’Amérindien Lame Deer sur les ravages de la colonisation.

S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments