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Basées sur une nouvelle méthode d’analyse des données sismiques, ces recherches révèlent que les imposants blocs de matière dense situés à la limite entre le noyau et le manteau de la planète sont beaucoup plus répandus que les scientifiques ne l’estimaient jusqu’à présent.

Un algorithme dédié à l’étude des étoiles pour sonder les entrailles de la Terre

La limite du noyau terrestre se trouvant à quelque 2 900 kilomètres sous la surface de la Terre, les scientifiques sont obligés de faire preuve de créativité afin de sonder les entrailles de notre planète. En étudiant la façon dont les tremblements de terre et les secousses sismiques se propagent à travers différents types de matériaux, les sismologues ont pu établir une cartographie globale de sa structure, révélant la présence d’imposants blocs de matériaux brûlants, pouvant faire la taille d’un continent, à la frontière entre le noyau et le manteau terrestre.

La chaleur provoquant des degrés de fusion plus importants, ces zones ont pour effet de ralentir la vitesse de propagation des ondes sismiques en direction du noyau terrestre, elles sont donc connues sous le nom de « zones de vitesse ultra basse ». Bien que l’on ignore encore la nature de ces structures (il pourrait s’agir de magma ou de fer en fusion s’échappant du noyau), une meilleure connaissance de leur emplacement permettrait aux scientifiques de mieux comprendre les processus géologiques intervenant à de telles profondeurs.

Cependant, l’approche classique pour étudier les tremblements de terre ne fournit que des bribes d’informations : chaque tremblement de terre ne sonde qu’une zone étroite, et les signaux les plus faibles peuvent se perdre dans le bruit plus large. Afin de contourner ce problème, une équipe internationale de chercheurs, dont les travaux ont été présentés dans la revue Science, s’est appuyée sur le Sequencer, un algorithme conçu pour l’étude des étoiles et capable de parcourir de grands ensembles de données astronomiques dans l’optique de dégager des modèles scientifiques.

Des structures massives

Après l’avoir modifié, les chercheurs l’ont alimenté avec près de trois décennies de données sismiques, soit environ 7 000 sismogrammes d’un type particulier d’onde, afin d’identifier des échos sismiques indiquant la présence de zones de vitesse ultra basse qui auraient pu ne pas être détectées par les recherches précédentes.

« En examinant simultanément des milliers d’échos à la limite entre le noyau et le manteau en même temps, plutôt que de se concentrer sur quelques-uns à la fois, comme on le fait habituellement, nous avons obtenu une perspective totalement nouvelle », explique le géologue Doyeon Kim de l’université du Maryland. « Cette analyse a montré que la région située à la limite entre le noyau et le manteau terrestre abrite de nombreuses structures qui peuvent produire ces échos, chose que nous n’avions pas réalisée auparavant car nous n’avions qu’une vision limitée. »

Les résultats renvoyés par l’algorithme ont révélé de subtils changements dans les formes d’ondes sismiques provenant de tremblements de terre en Asie et en Océanie, suggérant une zone de vitesse ultra basse sous les îles Marquises, dans le Pacifique Sud, n’ayant jamais été identifiée auparavant.

« Nous avons été surpris de découvrir sous les îles Marquises une structure aussi importante dont nous ignorions jusqu’alors l’existence », souligne le géologue Vedran Lekić de l’université du Maryland. « C’est vraiment passionnant, parce que cela montre comment l’algorithme Sequencer peut nous aider à contextualiser les données des sismogrammes à travers le monde mieux que nous ne pouvions le faire auparavant. »

« Nous nous attendions à ce qu’elles soient beaucoup plus rares »

Il s’est en outre avéré que la zone de vitesse ultra basse précédemment identifiée sous Hawaï produisait des échos sismiques beaucoup plus intenses que les scientifiques ne l’estimaient auparavant. Ce qui suggère que cette dernière est beaucoup plus étendue que ce que les études précédentes avaient estimé. Plus globalement, ces nouvelles recherches suggèrent que ces structures sont beaucoup plus répandues qu’on ne le pensait auparavant.

« Nous avons identifié ce type d’échos pour environ 40 % de tous les trajets d’ondes sismiques », avance Lekić. « Ce qui s’est avéré surprenant, car nous nous attendions à ce qu’elles soient beaucoup plus rares. »

Ayant démontré l’efficacité de l’algorithme pour ce type d’onde, l’approche de l’équipe va désormais pouvoir être appliquée à d’autres types d’ondes et de fréquences. Ce qui pourrait permettre de dresser une nouvelle carte à haute résolution des entrailles de la Terre. En retour, les propriétés physiques ainsi révélées pourraient aider les géologues à déduire la chimie et la température de ces structures, et ainsi déterminer les causes de leur présence.

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